La Commission européenne a infligé lundi à Apple une amende de 1,84 milliard d’euros pour non-respect des règles de concurrence de l’UE sur le marché de la musique en ligne, une sanction inédite contre laquelle le géant américain a décidé de faire appel.
Au terme d’une vaste enquête commencée en juin 2020, l’exécutif européen a donné raison à la plateforme suédoise.
« Pendant une décennie, Apple a abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution d’applications d’écoute de musique en streaming » via sa boutique App Store, « ce qui est illégal », a fustigé la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager.
Selon Bruxelles, le groupe à la pomme a appliqué des restrictions pour empêcher les développeurs d’applications de promouvoir auprès des usagers sur iPhone et iPad « des offres alternatives et moins chères en dehors de l’écosystème Apple », de façon à privilégier son propre service AppleMusic.
Ces pratiques ont « conduit de nombreux utilisateurs à payer des prix nettement plus élevés pour leurs abonnements en raison de commissions élevées imposées par Apple aux développeurs et répercutées sur les consommateurs », estime l’exécutif européen.
Bruxelles a cependant abandonné lors de l’enquête ses griefs concernant l’obligation imposée par Apple aux développeurs de recourir à son système de paiement pour leurs usagers souscrivant un abonnement. Le groupe américain s’octroie des commissions allant jusqu’à 30% des transactions.
– « Message puissant » –
Spotify a salué l’annonce de la Commission. « Les règles d’Apple ont empêché de partager directement dans notre application divers avantages avec nos utilisateurs (…) Cette sanction envoie un message puissant », a réagi la firme suédoise.
Le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) y a vu « une très bonne nouvelle confirmant le droit de consulter des informations sur les offres moins chères de streaming musical sans qu’Apple ne les entrave ».
C’est la première fois que l’UE sanctionne Apple pour infraction aux règles de la concurrence.
L’amende massive est d’un montant « forfaitaire » jugé « proportionné aux revenus mondiaux » du groupe et « nécessaire pour être dissuasif » afin qu’Apple ne répète pas l’infraction, a précisé l’exécutif européen.
Elle reste limitée au regard des profits du groupe: au quatrième trimestre 2023, Apple a engrangé un bénéfice net de 33,9 milliards de dollars (31,3 milliards d’euros).
De son côté, Google a été sanctionné par des amendes totalisant 8 milliards d’euros dans trois dossiers antitrust.
– « Marché florissant » –
Apple a aussitôt annoncé lundi qu’il ferait appel, accusant la Commission d’avoir été « incapable de découvrir la moindre preuve crédible d’un préjudice causé aux consommateurs ». L’amende « ignore les réalités d’un marché florissant, compétitif et en croissance rapide », critique le groupe.
« Spotify ne paie rien à Apple » alors qu’il doit à l’App Store et aux technologies du groupe « une grande partie de son succès », accuse aussi la marque à la pomme.
Le service suédois domine largement l’offre de streaming musical en Europe, avec plus de 50% de parts de marché, contre 8% pour AppleMusic. Spotify revendique dans le monde quelque 600 millions d’utilisateurs annuels, dont un tiers d’abonnés payants.
Outre l’amende, la Commission impose à Apple de cesser les pratiques épinglées et de s’abstenir à l’avenir d’adopter des dispositifs équivalents.
Il sera de toute façon tenu de le faire par les nouvelles règles de concurrence renforcées dans le numérique (DMA) qui s’appliqueront à partir de jeudi aux géants du secteur, dont Apple, Google et Meta.
Cela ne rassure pas pour autant Spotify, qui fait partie des 34 entreprises ou associations professionnelles ayant dénoncé samedi dans une lettre à la Commission les mesures annoncées par Apple pour se conformer aux nouvelles règles.
Le géant américain affirme qu’il autorisera des magasins d’applications concurrents de son App Store et qu’il s’ouvrira à d’autres services de paiement sans contact que sa solution Apple Pay, comme il y est contraint.
« Ces nouvelles conditions non seulement ignorent l’esprit et la lettre de la loi, mais si elles restent inchangées, elles tournent en dérision le DMA », estiment pourtant les signataires.
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