ÉDUCATION : Entre restructuration et stagnation

« Après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple » Danton

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Dr DIPLAL MAROAM

Si le nombre d’élèves entrant dans le système d’éducation publique connaît une baisse non négligeable d’année en année, c’est, dans une grande mesure, dû au fait que beaucoup de parents préfèrent se tourner vers le privé car en ayant assez de ces sempiternels changements déstabilisants dépendant du pouvoir politique en place et utilisant les enfants en tant que cobayes du savoir. L’on se souvient d’ailleurs comment, à sa reconduction au pouvoir en juillet 2005, Navin Ramgoolam, leader de l’Alliance sociale, avait renversé le système de Form VI Colleges instauré par l’alliance MSM/MMM en 2003 pour réintroduire l’ancienne formule de Form I to VI Colleges tout en convertissant le « Grading » au CPE en une forme déguisée du « ranking » tant décrié.

Dans cet esprit, il n’y a aucune garantie que le NCE et les Académies accueillant filles et garçons, introduits sous ce gouvernement seront maintenus au cas d’un changement de régime cette année ou en 2025. Pourtant, s’il y a un système qui dure depuis l’ère coloniale, qui engloutit chaque année un budget conséquent de l’État et qui mérite d’être revu une fois pour toutes pour ne pas dire aboli purement et simplement, c’est bien celui des lauréats, dont la grande majorité des bénéficiaires ne retournent pas au pays après les études universitaires, transgressant ainsi, en toute quiétude, les engagements formels pris envers le gouvernement. Si le système a convenablement servi le pays pendant des années après l’indépendance, son maintien ne repose aujourd’hui sur aucune justification tangible si ce n’est que pour satisfaire un motif électoralement plausible. Qui oserait alors prendre le risque de «bell the cat» ?

Autre débat éducatif qui a refait surface ces derniers temps et frôlant la dimension politico-communautariste, c’est bien l’inclusion ou non du Kreol Morisien (KM) comme matière principale dans le programme du HSC. L’opposition, par la voix du MMM, se prononce pour l’introduction du sujet au niveau subsidiaire cette année pour être promu comme matière principale l’an prochain alors que le gouvernement indique une absence de ressources humaines et l’insuffisance des textes littéraires pour ne pas mettre en oeuvre le projet pour l’instant. Pour leur part, certains lauréats de la cuvée 2023 qui se sont exprimés sur le sujet réclament la prudence. En effet, à l’ère de la mondialisation et de l’internet avec toutes ses applications en plein essor, le risque d’un renfermement sur soi dans une bulle restreinte n’est pas à écarter. Or, l’éducation doit toujours s’articuler sur l’axe de l’ouverture et d’interaction avec le monde que les moyens de communication sophistiqués ont aujourd’hui converti en un village global.

Et en ce qui concerne l’autre aspect du débat, c’est-à-dire, le médium d’enseignement, il convient de constater qu’aussi longtemps que Cambridge sera aux manettes de nos examens de fin d’études secondaires, toute modification du système actuel avec l’anglais comme langue pédagogique officielle, ne serait qu’au détriment des élèves lors de l’exercice d’évaluation. Certes, notre langue maternelle est toujours présente dans les salles de classes pour éclaircir une notion brumeuse à un certain moment du processus pédagogique et c’est ainsi dans toutes les écoles du pays, élites ou pas. Et c’est tant mieux ainsi. Or, dans la conjoncture actuelle et en présence d’un tissu social à fleur de peau, en finir avec Cambridge pour se rabattre sur une autorité compétente locale pourrait susciter des remous imprévisibles lorsqu’il s’agit d’identifier les meilleurs éléments en vue d’allouer des bourses d’études pour le tertiaire.

Mais là où il y a fort intérêt de la part de nos dirigeants à briser la chaîne du conservatisme, c’est, bien évidemment, au niveau des conditions d’accès en HSC. Certes, c’est l’État qui paie les frais d’examens et il voudrait, par conséquent, s’assurer que l’argent des contribuables soit dépensé à bon escient en plaçant la barre au niveau des 5 Credits en SC ce alors que les élèves ne choisissent que 3 sujets principaux. Il est temps donc de revoir ces exigences actuelles tout en assurant que ces trois matières offertes soient cautionnées par un Credit au niveau du SC. Et avec encore un en anglais en tant que médium d’évaluation, 4 Credits devraient normalement être le minimum requis pour passer en HSC. Et il va sans dire qu’en complémentarité à ce changement souhaitable, cette mesure tant honnie de l’ère coloniale réclamant 5 Credits pour l’accès à l’embauche dans la Fonction publique, doit essentiellement être revue ou réadaptée pour répondre à l’évolution socio-économique du pays.

Finalement, alors que le Baccalauréat international est devenu la norme de fin d’études secondaires dans de nombreux pays, il est déplorable que l’on patauge toujours dans la stagnation en adoptant un système désuet que même les Britanniques ont abandonné depuis belle lurette.

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