Le compte à rebours est bel et bien enclenché. En démissionnant comme député, Vikram Hurdoyal, l’ancien ministre révoqué pour on ne sait toujours quelle raison, a dégoupillé la grenade que Pravind Jugnauth pensait conserver jalousement le plus longtemps possible. Ce n’est donc plus qu’une question de jours avant que l’officiel coup d’envoi des élections – qu’elles soient partielles ou générales – soit donné. Le chef du gouvernement n’a plus le contrôle absolu quant à décider quand il donnera les législatives. Et il ne peut que s’en prendre qu’à lui-même pour en être arrivé là.
En révoquant un dimanche soir, via un communiqué des plus laconiques, qui plus est en profitant de l’absence du pays du principal intéressé, autrement dit Vikram Hurdoyal, Pravind Jugnauth a raté une fois encore le coche. Quelle que soit la faute qu’il impute à Vikram Hurdoyal pour l’avoir révoqué, pourquoi avoir agi de la sorte ? Ce faisant, Pravind Jugnauth s’est attiré les foudres et l’ire des citoyens, lui reprochant d’avoir agi tel un dictateur qui n’en fait qu’à sa tête. Il aurait attendu le retour au pays de Vikram Hurdoyal pour annoncer sa décision, sertie évidemment d’une justification plausible, que ce geste ne lui aurait pas été aussi désavantageux !
Pravind Jugnauth s’est piégé. En persistant à résister devant les demandes d’explications des médias durant la semaine, et par le ratage à la State House en ne laissant qu’à la dernière minute entrer les journalistes présents pour la prestation de serment de Naveena Ramyad, le chef du gouvernement se trahit. En choisissant de s’enfermer dans son mutisme légendaire, et en s’abritant derrière sa non moins légendaire arrogance, Pravind Jugnauth offre la perception d’un homme se retranchant dans son dernier rempart. Son body language depuis le triste épisode Hurdoyal laisse à penser que l’homme regrette énormément ces jours-ci l’absence de son père, fin stratège et vieille canaille de la politicaille. SAJ aurait probablement mieux conseillé son fils que ces super spin doctors, qui ne l’ont au final que précipité vers la sortie ! Pravind Jugnauth doit sérieusement se mordre les doigts et se faire violence, on le devine, crevant d’envie de rattraper le coup et d’essayer de remonter la pente.
L’épisode de Vikram Hurdoyal lui restera, nous pouvons le gager, longtemps au travers de la gorge. Surtout parce qu’il s’est définitivement distingué de son ennemi et rival juré, qu’il critique et égratigne à chaque fois qu’il ouvre la bouche, Navin Ramgoolam. En cela que son prédécesseur, lui, s’est bien gardé de commettre un tel impair que de révoquer un membre de son cabinet ministériel sans en avouer la raison et par la manière qui a été utilisée ! Évitons de parler de « classe » pour ne pas enfoncer le couteau dans la plaie…
En revanche, impossible cette semaine de ne pas évoquer ces plaies encore béantes depuis février 1999. Cela fait 25 ans déjà, et toujours une foule de questions sans réponse. Des dossiers bâclés et mal ficelés. Les émeutes Kaya ne sont pas un lointain souvenir. À voir les dérapages récurrents de ces dernières années, on se rend compte qu’il ne suffirait que d’une étincelle pour enflammer la poudrière. C’est dire que le pays ne s’est toujours pas remis de nombre de ses blessures. Que certains politiciens prennent un malin plaisir de raviver, hélas ! Car ceux-ci sont peu soucieux d’un avenir commun et d’une identité complète. Eux sont davantage motivés par l’éternelle formule du “divide and rule”. Au détriment de générations de nos enfants, recalés du système éducatif, et qui deviennent des potentiels délinquants, victimes et proies faciles pour les trafiquants en tous genres !
À tout seigneur, tout honneur. Cette semaine marque les 25 ans de la disparition de Kaya. Artiste majeur du pays, parti trop tôt et dans des circonstances encore inconnues. Nous n’aurons de cesse de le réclamer : les textes d’un grand nombre des compositions de Kaya méritent davantage que d’être exploités musicalement. Ses écrits sont pour la plupart porteurs de messages avant-gardistes, et même prémonitoires, d’une société qui se perd et dont les repères se dissipent. Pourquoi ne pas, par exemple, inclure des textes de Kaya dans les manuels scolaires pour dissections, réflexions, explications et traitement de textes ? Cela ne nous aiderait-il pas à grandir ? L’artiste gagnerait en valeur et serait honoré, à juste titre. Davantage qu’en lui consacrant buste ou statue.