Poissons aux couleurs éclatantes, récifs coralliens abritant une vie colorée et diversifiée, murènes vivant cachées dans les cavités rocheuses, cônes fréquentant des fonds sablonneux ou caillouteux… Nos eaux regorgent d’espèces en tous genres. Mais certaines sont venimeuses et peuvent entraîner de lourdes conséquences pour l’homme. Quels sont ces animaux marins les plus dangereux que l’on trouve dans nos lagons ? Comment s’en protéger ? Comment réagir en cas de mauvaise rencontre et comment agir en cas de piqûre ou morsure ? Hugues Vitry, plongeur, explorateur de l’océan et photographe sous-marin, ainsi que des pêcheurs qui pratiquent les premiers soins nous disent tout sur ces animaux marins les plus redoutables.
Pour les baigneurs, amateurs de snorkeling ou de pêche à la ligne, le lagon est considéré comme un lieu sûr. La barrière corallienne protégeant des grands prédateurs de l’océan. Mais il existe d’autres espèces qui se déplacent vers le lagon, entraînés par le vent ou le courant marin. Parmi elles, des animaux dangereux pour l’homme, comme le poisson pierre, les méduses, le conus textile. Même si l’envenimation est rare, il est parfois possible d’y faire de mauvaises rencontres. Ce qui a été le cas pour une touriste française à Wolmar, Flic-en-Flac, récemment.
Le 5 janvier dernier, tandis qu’elle entrait progressivement dans l’eau pour se baigner, cette touriste s’est fait piquer par un poisson pierre (laffe laboue), enfoui dans le sable. « Il était ensablé, je ne pouvais pas le voir, je l’ai piétiné. Et ses épines ont traversé mes chaussures aquatiques (en plastique) pour me piquer au talon », raconte-t-elle.
La douleur est immédiate et fulgurante. « La douleur était vive et évoquait une sensation de décharge électrique », dit-elle. Vertiges et nausées s’ensuivent. Prise de panique et réalisant qu’il se passe quelque chose de grave, elle demande à son mari qui s’apprêtait lui aussi à entrer dans l’eau, de la conduire dans un cabinet médical à Rue Moulin Cassé. Très vite diagnostiquée comme ayant été piquée par un poisson pierre, elle est opérée en urgence. Grâce à une anesthésie locale et une petite incision, l’ensemble du venin a pu être extrait. « Le docteur a pratiqué toutes les désinfections nécessaires, puis une protection antibiotique. L’opération a duré une heure et demie, le temps de valider que je ne sois pas allergique et que tout allait bien », dit-elle. Rentrée en France un mois après cet incident, cette habitante d’Antibes – qui a reçu un deuxième traitement antibiotioque intraveineux à cause de son talon nécrosé – est suivie par son médecin. Aujourd’hui, elle se rend compte de l’importance de se renseigner non seulement sur la faune marine locale et ses dangers potentiels, de bien connaître son environnement pour mieux prévenir les risques, mais également de repérer un médecin dès son arrivée sur l’île. « Il est important de repérer où se trouvent médecins, cliniques, hôpitaux au cas où, car lors d’une urgence, il ne faut pas perdre de temps « , dit-elle.
« Les poisson-pierres ne sont dangereux que lorsqu’on les piétine »
Pour le plongeur professionnel Bernard Perrier, il faut « éviter à tout prix de poser les pieds en se baignan ». Car dans les fonds sablonneux ou rocailleux, il y a non seulement des coraux, des oursins, mais également des cônes, des méduses et des poissons-pierres qui peuvent se déplacer dans le lagon grâce au vent. Ces espèces considérées comme étant dangereuses peuvent injecter leur venin de diverses manières selon les espèces : par piqûre, par morsure ou par simple contact. Philippe Appadu, pêcheur de la région de Flic-en-Flac – dont le père est connu pour pratiquer les premiers soins en cas de piqûre ou morsure – explique que les poissons-pierres, qui maîtrisent l’art du camouflage, ne s’attaquent pas à l’homme. « Ils ne sont dangereux que lorsqu’on les piétine », dit-il.
Pour Hugues Vitry, bon connaisseur des fonds marins et président de la Marine Megafauna Conservation Organisation (MMCO), « plusieurs espèces sont dangereuses pour l’homme dans nos lagons : il y a celles qui piquent, d’autres qui mordent et d’autres qui infligent des brûlures accompagnées de démangeaisons », affirme-t-il. Il nous décrit quelques-unes d’entre elles.
Le poisson-pierre
Réputé pour être le poisson le plus venimeux du monde, il s’enfouit dans le sable, se pose sur les rochers ou les coraux avec lesquels il se confond. « De ceux qui piquent se trouve, en tête de liste, le poisson pierre (laffe laboue). Ce poisson possède une quinzaine d’épines dorsales dotées de poison violet qui inflige une douleur fulgurante et insupportable. La plaie est souvent très profonde. L’inconvénient avec le poisson-pierre est qu’il s’enfonce sous le sable ou la vase. Il devient invisible même pour des yeux experts. Il y a aussi le poisson scorpion (laffe corail) et le poisson lion (laffe volant) dont les piqûres des épines dorsales sont venimeuses. Le poisson pierre peut venir s’évaser dans quelques centimètres d’eau, là ou marchent les nageurs. Évitez les endroits ou il y a des cailloux ou des coraux. Les poissons-pierres se mettent souvent à coté « , dit-il.
La murène
Il y a également les animaux qui mordent, telles les murènes (anguille lamandia). « Pour se faire mordre, il faut vraiment aller le chercher. C’est très rare que ces animaux mordent sans provocation. Les balistes (poisson bourse) peuvent devenir très agressifs envers tous ceux qui s’approchent de leurs lieux de nidification. Parfois et rarement, ils font leurs nids dans le sable du lagon « , explique Hugues Vitry.
« Une entrée massive de méduses dans nos lagons et sur nos plages lors des tempêtes ou cyclones »
Les méduses
« Parmi les animaux urticants qui brûlent, on compte les méduses en premier et les coraux de feu (corail difé). Si les coraux de feu sont des créatures fixes, les méduses, par contre, dérivent avec les courants et quand il y a des vents de mer. Ces animaux qui évoluent proches de la surface sont poussés vers les plages et finissent dans nos lagons dans des zones de baignade. Ils sont parfois presqu’invisibles et on ressent une vive brûlure sur la zone touchée. Parfois, pour les méduses les plus dangereuses, un état de choc et des difficultés respiratoires et des problèmes de rythme cardiaque. Ces cas demandent souvent une hospitalisation. On peut avoir une entrée massive de méduses dans nos lagons et sur nos plages lors des tempêtes ou cyclones. Les méduses sont les animaux qui font le plus de victimes parmis les baigneurs. Il faut eviter de se mettre à l’eau quand il y a des vents de mer ou des alertes par les autorités qu’il ne faut pas prendre à la légère. Les brûlures de méduses continuent à démanger plusieurs jours après, en laissant une série de pustules sur la peau. Si une personne ressort de l’eau avec des tentacules de méduse encore collées sur la peau, il ne faut surtout pas frotter sur la ou les tentacules. Saupodrer avec du sable, laisser sécher, puis avec un petit gratoire genre carte d’identité ou de crédit, racler le sable de la peau, cela enlèvera le sable et les tentacules en même temps. »
Les oursins
Si leurs piquants ne sont pas venimeux, ils peuvent, néanmoins, faire très mal et leurs épines très cassantes peuvent se fractionner dans la peau. « Il faut aller dans des zones rocheuses ou du corail pour se faire piquer par des oursins. Dans des zones où le corail est endommagé, on peut voir les oursins sur les gravats et en zone sableuse s’il y a un recif « , explique-t-il.
Les autres espèces
Dans nos lagons, on trouve également les cônes (dont le redoutable conus textile), coquillages prisés des collectionneurs. Ils arborent une couleur crème et des motifs d’une grande diversité. Sortant souvent la nuit pour se nourrir, ce mollusque est connu pour être l’espèce de coquillage la plus venimeuse et la plus dangereuse du monde. Il est à l’origine de nombreuses envenimations redoutables et parfois mortelles. Il possède une trompe extensible projetant une dent empoisonnée dont la piqûre paralyse ses victimes. Tous ne sont pas dangereux pour l’homme, mais il est conseillé de ne pas les ramasser lorsqu’ils sont dans l’eau.
Les gestes qui sauvent
Que faire lorsqu’on est piqué par un poisson-pierre ? En attendant que la victime rejoigne un hôpital, Hugues Vitry livre quelques conseils : « Si une personne est piquée par un poisson-pierre, la douleur est impressionante et insupportable, irradiant vers le reste du corps. La personne peut vomir. Il faut essayer d’extraire le maximum de venin avec un aspi-venin ou alors en appuyant sur la plaie pour faire saigner. Il ne faut surtout pas faire comme dans les films en aspirant avec la bouche. Cela peut être très dangereux pour la personne qui aspire, si elle a une plaie buccale. Le venin est un venin thermolabile, c’est-à-dire que le venin se désagrège à la chaleur. Il faut au moins 60°C au niveau du venin pour que celui-ci se désagrège. Et c’est difficile quand la piqûre est profonde. Il ne faut pas exposer la plaie à une flamme directe, car on va aggraver la situation par une brûlure sérieuse. Chauffer plutôt un galet et appliquer sur la plaie, ou approcher la partie incandescente d’une cigarette sans toucher la peau. La victime ressentira un soulagement momentané. C’est pour cela que certains vous diront de faire pipi dessus. La piqûre demande un traitement médical par un medecin et un suivi car très souvent, la plaie se nécrose. «
Et pour les piqûres de méduses, que faut-il faire ? Selon Vivian Marie-Jeanne, plongeur et pêcheur à Trou-aux-Biches, afin d’empêcher que le venin ne contamine le sang, il faut « chauffer du vinaigre et frotter sur la zone ». Il propose également d’ingurgiter une petite quantité du produit, environ deux bouchons. « Les méduses sont très dangereuses, l’une d’elle est appelée ‘méduse fil bleu’, elle est très transparente. Une piqûre par cette méduse peut être fatale, surtout si la personne a des problèmes de tension ou de diabète. J’apporte toujours du vinaigre avec moi lors de mes sorties en mer », dit cet homme qui compte 35 ans d’expérience dans ce domaine. S’agissant du poisson-pierre, un pêcheur de Grand-Baie pratique des passes mais également une incision pour faire jaillir le sang. À Flic-en-Flac, Philippe Appadu assure que son père âgé de 82 ans, connu pour soigner les piqûres du poisson-pierre, envisage de partager ses connaissances à d’autres pêcheurs de la région afin d’apporter les premiers soins aux victimes.