Lundi dernier, le Premier ministre a fait une declaration qui a suscité de multiples commentaires. Alors que le pays est encore traumatisé des conséquences de la mauvaise gestion des alertes cycloniques, alors que les jours sans école se multilient et que le prix des legumes atteint des sommets, la priorité du Premier ministre de Maurice est de nommer son adversaire. Plus précisément, celui qu’il considère comme étant son principal adversaire. À le Hochet, le PM a déclaré: « Mo pa per lopozition ditou ! Mo adverser, ou koné kisann-la? Mo adverser sé lapres! » La declaration de Pravind Jugnath n’est pas un scoop, juste la reconnaissance officielle de sa perception de la presse. Avait-il besoin de reconnaître ce que lui-même, son parti, ses alliés, son gouvernement et ses backebenchers affirment à chaque fois qu’ils en ont l’occasion? Une certitude illustrée par la manière dont il maltraite la presse, s’en prend nommément à des titres et des journalistes, et interdit l’accès de conférences de presse du gouvernement à certains journaux ou radios privées. Pravind Jugnauth considère que la presse est son “adversaire” parce que cette presse, celle qui est encore indépendante, est aux antipodes de la MBC, refuse de lui cirer les bottes et de dire qu’il est “enn tigit pli tipti ki bondié.” Cette presse-là dit, avec preuves à l’appui, que lui et son gouvernement ont fauté dans la getsion du Wakashio; que son radar pour detecter les trafiquants de drogue est en panne; qu’annoncer que le directeur de la méteo avait démissionné, avant qu’il ne soit suspendu violait les règlements du service civil. Sans compter les multiples scandales impliquant ses ministres, ses PPS, ses backbenchers et son Speaker. Par ailleurs, il faudrait que le PM n’oublie pas une chose: c’est lui, son gouvernement et ses ministers qui fournissent à la presse les munitions pour l’attaquer. Cette presse que Pravind jugnaut considère comme son ennemie principale ne fait que son travail qui consiste à informer les Mauriciens de ce qui se passe dans leur pays. Oui, cette presse ne caresse pas le PM et le gouvernement dans le sens du poil, comme le fait la MBC. Mais Pravind Jugnauth oublie une donnée fondamentale: c’est ce que cette presse avait reservé le même traitement à Navin Ramgoolam, son parti, ses alliés et son gouvernement. Il a oublié qu’à l’époque, il trouvait que la presse faisait bien son travail et n’hésitait pas à la feliciter. Mais les jurnalistes le savent: quand ils sont dans l’opposition, les politiques défendent leur droit à la critique, mais quand ils arrivent au pouvoir, ils veulent les museler. Tout au moins, ils essayent de le faire. Pour conclure, je vous invite à lire une reaction de Habib Mosaheb, vieux routier de la politique et du journalisme, à la declaration de Pravind Jugnauth: « Si le Premier ministre, qui est aussi ministre de l’Intérieur, de la Défense, de la Sécurité nationale, et qui a des radars partout, qui lui permettent de tout savoir, si lui pense que c’est la presse qui est son ennemi principal, nous, journalistes, devrions en être flattés. S’il avait dit le contraire, il y aurait un problème très grave dans notre démocratie. »
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Il est de notoriété publique que la principale qualité d’un ambassadeur réside dans la maîtrise de son langage. Il doit toujours utiliser des termes précis qui ne peuvent pas prêter à confusion, ou à mauvaise interprétation, qui puisse gêner son pays d’origine ou celui où il le représente. Sawkatally Soodhun, le “roving ambassador” de Maurice dans certains pays arabes – c’est tout au moins le titre qu’il s’est octroyé – bat tous les records dans le domaine du diplomate médiocre. Avant d’être ambassadeur, il avait déjà batu quelques records dans la catégorie des ministres koz nimport. Il avait, entre autres, insulté une communauté lors de l’attribution des maisons, alors qu’il était ministre du Logement. Il avait aussi déclaré que s’il disposait d’un revolver, il n’aurait pas hésité à le pointer sur le leader de l’opposition. C’est dans la même veine menaçante que Sawkatally Soodhun a récidivé, il y a quelques jours. De passage à Maurice, il a déclaré, en parlant du directeur de la météo : « Zot koné ki zot dir mwa dan Dubaï laba ? Kan zot inn get sa, toutswit zot ti pou pandi li… Sa direkter meteo-la… » Il s’est, donc, permis de menacer le directeur de la météo de pendaison puisque, selon lui, ce serait la pratique à Dubaï. Les autorités de ce pays du Golfe, dont le prince Salman, que notre « roving ambassdor » qualifie de « mon frère », apprécieront cette description. Pour justifier cette menace, Sawkatally Soodhun a déclaré qu’il était en colère et s’est laissé emporter par l’émotion. Est ce qu’au lieu de déclarer – officiellement – la guerre à la presse, le Premier ministre pourrait rappeler son « roving abassador » la première leçon de la diplomatie : qu’un ambassadeur ne se laisse jamais emporter par l’émotion ? Ce serait plus utile pour le pays que de déclarer officiellement la guerre à la presse.