Ceux ayant pris l’habitude de lire cette chronique, commencée il y a maintenant six ans, l’ont compris; les autres probablement moins : loin de nous l’idée de créer quelconque polémique lorsque nous évoquons la perversité de notre système néolibéral face au changement climatique. Nos propos ne sont nullement accrochés à quelconque idéologie politique, ce qui aurait alors une tout autre portée. Dénoncer les travers du capitalisme ne signifie aucunement que l’on fasse l’apologie d’un autre système déjà connu de l’homme. Y compris du communisme qui, à sa manière, implique aussi une activité productiviste accrue, quand bien même ses résultats seraient mis au profit du bien commun. En d’autres termes, que l’on adopte une approche collective ou individualiste, le résultat reste le même : l’exploitation de nos ressources au détriment de la planète, et donc du vivant.
Le fait est cependant que le capitalisme demeure le système économique le plus répandu, devenant de facto le principal acteur du triste spectacle de l’éradication de la vie sur Terre auquel nous assistons. Pour autant, si le capitalisme est une source du problème, il n’est pas le seul. Ainsi, si l’on jette un coup d’œil en arrière, on voit que l’histoire de l’humanité aura vu nombre de civilisations se construire puis s’effondrer. Non sans avoir marqué profondément pendant leur existence l’environnement, toute civilisation ayant, jusqu’ici, vu leur prospérité croître au même rythme que leurs talents destructeurs. Et ce, depuis le Paléolithique.
La différence, aujourd’hui, ne réside pas tant dans une expansion de notre approche dévastatrice de la question environnementale, mais davantage dans les moyens (énormes) dont nous disposons pour exploiter tout ce qui peut l’être. Un noyau pervers qui est d’ailleurs au coeur même de l’avènement de l’ère préindustrielle. Et qui, des décennies plus tard, nous aura conduits à déstabiliser le climat, à éradiquer de manière exponentielle la biodiversité, à déforester, polluer, etc. Autant de conséquences de notre industrialisation débridée posées sur la route du développement sans garde-fous, au nom de la mondialisation, mais bien sûr aussi du profit.
Pourtant, depuis le Paléolithique (mais surtout le Néolithique), soit en 800 000 ans d’histoire à peu près, l’homme est censé avoir appris de ses erreurs, à s’adapter, à… changer. Mais il sera malgré tout toujours tombé dans les mêmes pièges, se persuadant à chaque fois qu’il saura les éviter, guidé en cela par sa sagesse légendaire, son nouveau savoir et son intelligence remarquable. Avec les résultats que l’on connaît. Faisant fi de toute logique et de simple acte de bon sens. Cette course effrénée, sans contrôle sur la vitesse, ne peut pourtant faire qu’une chose : nous conduire droit dans le mur. Et nous le savons ! Ce qui ne nous empêche pas d’accélérer le rythme, le pied coincé sur l’accélérateur.
Une évidente ineptie mais qui n’est finalement que le fruit de notre évolution. Un peu comme si elle était intrinsèquement inscrite dans notre ADN. Avec un évident défaut de fabrication, un génome altéré. Et pour postulat que l’évolution de notre conscience n’aura pu emboîter le pas à notre « intelligence ». Ainsi assiste-t-on, impuissants, à un écocide généralisé, construit de toutes pièces sur la toile de notre arrogance. Engendrant cet étrange paradoxe humain que nous sommes, et qui nous pousse à davantage s’inquiéter du fait que l’on ne puisse plus skier comme avant en montagne par manque de neige que de chercher à en comprendre les raisons et chercher à y remédier.
Cette image du skieur vaut évidemment pour tout ce qui nous entoure. Le fait est que l’humain aura fait de son plaisir immédiat une priorité absolue. Lequel plaisir, dans une société profondément consumériste, passe par la possession, le pouvoir et l’argent. En ce sens, nous sommes tous logés à la même enseigne, et non, ceux qui nous gouvernent et sont à la base même du maintien de ce système ne sont pas psychopathes. Eux aussi n’ont pas envie de plonger le monde dans ce cycle infernal conduisant à la disparition de toute trace du vivant. Sauf que leur soif de plaisirs immédiats est d’autant plus exacerbée qu’ils ont les moyens de se les offrir, et ils en oublient le reste.
Voilà donc toute l’aberration de notre système. Le comprendre est une première étape que certains ont certes franchie, mais l’action demande un effort que même eux ne sont pas encore disposés à consentir. Changer n’a jamais été facile, surtout lorsque ce changement implique tant de sacrifices, de renoncement et d’abnégation. Et en cela, l’humain n’est tout simplement pas prêt.