- « La consommation abusive de drogues et d’alcool est un problème majeur dans la société »
La consommation abusive d’alcool et de drogues commence à avoir des effets notables dans le cadre du travail et il faut commencer à agir pour prévenir les risques liés à la sécurité des employés qui seraient sous l’effet d’intoxicants dans la pratique de leurs responsabilités professionnelles, notamment dans les secteurs économiques stratégiques, tels que le transport, la manufacture, le tourisme. Le Dr Harry Phoolchund tire la sonnette d’alarme.
Il a récemment animé une conférence sur la santé mentale au travail et les défis liés à la consommation de drogue et d’alcool dans le cadre du travail. Des représentants d’une quarantaine d’entreprises, notamment du secteur manufacturier (alimentation, ingénierie légère, textile, bijouterie et médical), y ont participé, à l’invitation de l’Economic Development Board. Consultant en Occupational Medecine, le Dr Harry Phoolchund, spécialisé en médecine du travail, milite notamment pour la santé mentale dans les organisations du privé et du public.
Ces entreprises ont pu en apprendre davantage sur l’importance de la santé mentale au travail, les trajectoires de ‘burn-out’, la dépression, le phénomène – souvent négligé – de ‘quiet quitting’. Le Dr Phoolchund s’est appesanti sur les moyens à mettre en œuvre pour favoriser une culture de sécurité, de soutien et de bien-être général du personnel en intégrant l’évaluation des risques au cœur des pratiques.
Le médecin a exposé des enjeux liés à l’introduction d’une Drug and Alcohol Policy au sein des organisations, ainsi que des défis posés par le dépistage des employés. Le médecin s’inquiète de ce problème de consommation d’alcool et de drogue et de ses effets sur le travail. Et dans un cadre plus large, il se propose d’ailleurs de lancer une entreprise à Maurice cette année en vue de mieux conseiller les entreprises sur les défis de la santé au travail.
Performance réduite au travail
« La consommation abusive de drogues et d’alcool est un problème majeur dans la société, la consommation de drogues étant un problème croissant à Maurice. Dans l’environnement de travail, les personnes sous l’influence de l’alcool et/ou des drogues ont une performance réduite au travail en raison des effets sur la cognition, la vigilance, la concentration et le comportement en général », explique le Dr Phoolchund.
C’est particulièrement le cas si le rôle des travailleurs est critique pour la sécurité ou critique pour le processus de décision, c’est-à-dire que la performance réduite peut affecter la sécurité des travailleurs concernés et des autres employés (par exemple, les opérateurs de machines, les conducteurs de chariots élévateurs) ou les employés qui sont responsables de prendre des décisions importantes, poursuit le médecin.
La responsabilité des employeurs
Il affirme que les employeurs ont tout intérêt et sont aussi « responsables » de veiller à ce que leurs employés « ne travaillent pas sous l’influence de drogues et d’alcool », insiste-t-il. C’est d’ailleurs la tendance dans les pays développés, par exemple au Royaume-Uni, où certains employeurs – notamment dans le secteur des transports – ont mis en place des politiques de dépistage des travailleurs pour les drogues et l’alcool ; dans des situations spécifiques, par exemple lors du recrutement, mais aussi de manière aléatoire sur le lieu de travail ou “for cause”, lorsqu’un employé a été impliqué dans un incident où être sous l’influence d’une drogue ou d’alcool peut être un facteur déterminant.
« Les niveaux et les types de drogues utilisés varient considérablement dans le monde, et la réglementation sur l’utilisation de l’alcool et des drogues sur le lieu de travail est très différente. Dans certains pays, l’approche est plus autoritaire et disciplinaire. Dans d’autres cas, rien n’est fait. Les conditions dans lesquelles le dépistage sur le lieu de travail peut avoir lieu et l’accès aux résultats varient également largement », explique Harry Phoolchund.
Que faire si un employé est testé positif ?
Lorsque les employeurs souhaitent aborder cette question sensible – mais importante – des drogues et de l’alcool au travail, ils doivent rédiger une politique sur les drogues et l’alcool qui fournira un cadre pour le dépistage en relation avec le travail, et qui déterminera que faire si un employé a un test positif, poursuit notre interlocuteur.
« La rédaction et la mise en œuvre d’une telle politique devront tenir compte de la législation pertinente dans le pays, et inclure un processus de consultation avec les syndicats. À Maurice, je crois savoir qu’Air Mauritius et Omnicane ont déjà une politique sur les drogues et l’alcool. Cependant, j’ai entendu dire que des projets d’introduction d’une telle politique dans certains corps paraétatiques stratégiques du pays se heurtent à la résistance des syndicats », avance Dr Phoolchund.
Il souhaite mettre ses compétences à la disposition des entreprises locales afin de mieux les guider, conseiller et accompagner en matière de santé et sécurité au travail ainsi que dans la mise en place d’une politique liée aux effets de la consommation d’alcool et de substances illicites sur le travail, Dr Phoolchund se propose de créer une entreprise de conseil, pour fournir un service de santé au travail aux entreprises. Il compte offrir des services tels que l’évaluation des risques, la surveillance médicale, la formation, le conseil et le soutien aux entreprises de divers secteurs économiques.
« L’objectif est d’aider les employeurs à promouvoir la santé et le bien-être de leurs employés, à prévenir les maladies et les accidents liés au travail, et à se conformer aux normes légales et éthiques. Je pense qu’il y a une demande croissante pour ce type de service à Maurice, en raison de la diversification de l’économie, de l’augmentation de la concurrence et de la sensibilisation aux questions de santé et de sécurité. »
Dans le monde…
En Irlande, l’Irish Health and Safety Authority publie des lignes directrices volontaires sur le dépistage des intoxicants au travail. Il existe un certain nombre d’accords collectifs relatifs aux procédures de dépistage, principalement dans les secteurs des transports et de la défense.
Il y a la loi de 2005 sur la sécurité, la santé et le bien-être au travail, qui n’oblige pas les employeurs à tester les drogues et l’alcool sur le lieu de travail, mais si le contrat de travail prévoit un dépistage de drogues pendant le cours de l’emploi, les employés doivent se soumettre au dépistage. Il n’existe pas d’obligation légale de procéder à un dépistage préalable à l’emploi.
De son côté, la Finlande dispose d’un ensemble de lignes directrices générales pour la prévention mais pas de législation spécifique. En Norvège et au Portugal, il n’y a pas de législation générale pour interdire ou limiter l’utilisation de l’alcool et des drogues au travail. En Italie, certains accords précisent les catégories de travailleurs considérés comme à risque et établissent une série de mesures préventives.
En Espagne : certaines communautés ont développé des approches préventives générales à l’utilisation de l’alcool et des drogues sur le lieu de travail. La Belgique, le Danemark et l’Allemagne réglementent la consommation d’alcool et de drogues au travail principalement sur la base d’accords collectifs entre les organisations d’employeurs et les syndicats, plutôt que de mesures purement imposées par le gouvernement. Aux États-Unis, il y a du dépistage préalable à l’emploi, post-incident et aléatoire notamment pour les drogues, et les employeurs ont de larges pouvoirs pour effectuer des tests.