— Comment a été ta semaine cyclone Candice ?
— Tu veux dire le cyclone qui devait venir mais n’est pas venu, mais qui a quand même bloqué le pays pendant quatre jours ?!
— Ça même. Alors tu as fait faratas et curry poule comme tout le monde ?
— Ça a été un véritable cauchemar pour moi.
— Pourquoi tu dis ça ? Après le drame de Port-Louis, le gouvernement a gardé la classe 2 depuis dimanche pour protéger les Mauriciens.
— Pas tous les Mauriciens, ma chère, seulement une catégorie.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Rappelle-moi un coup où tu travailles ?
— Mais tu le sais très bien, voyons. Je travaille au ministère de…
—… donc tu es une fonctionnaire. Tu fais partie de la catégorie de Mauriciens dont le gouvernement s’occupe en priorité.
— Mais pourquoi tu dis des affaires pareilles !
— Parce que c’est la vérité : des centaines de milliers de Mauriciens sont dans la même situation que moi. On est traités comme des citoyens de deuxième grade.
— Arrête donc !
— Comme tu es une fonctionnaire, tu ne le sens pas. À cause de ça même que tu ne comprends pas ce que je suis en train de dire. Ou bien tu fais semblant de ne pas comprendre…
— On dirait que tu es en train de m’accuser, moi aussi.
— Je ne t’accuse de rien. Mais je constate que tu semble ne pas savoir que je fais partie des citoyens de deuxième catégorie dans mon pays, où tous les citoyens sont supposés être égaux !
— Ah bon ?!
— Oui, toi. Tu ne comprends toujours pas ? Laisse-moi te donner le dernier exemple.
— Oui, s’il te plaît explique-moi pourquoi tu es mangue comme ça !
— Depuis que je suis petite, on m’a appris que classe I veut dire qu’un cyclone est dans les environs, classe II qu’il se rapproche dangereusement et qu’il faut prendre les précautions : certains bureaux et les écoles sont fermés, il est demandé aux gens de rester chez eux.
— C’est exactement ce que le gouvernement a fait lundi, mardi et mercredi à cause de la menace que représentait Candice.
— Pas pour tout le monde. On a donné l’ordre aux fonctionnaires de rester chez eux par sécurité, mais on a DEMANDÉ au secteur privé de voir s’il pouvait lâcher ses employés. Le patron n’est pas obligé de fermer ses bureaux, ses usines ou ses magasins, il n’y a pas de loi pour ça, c’est à lui de voir. Quant à la sécurité des employés du secteur privé pendant la classe II, à chacun de se débrouiller par lui-même !
— Écoute, je vois que tu es un peu en colère…
— Je ne suis pas un peu en colère, je suis mari en colère par la manière dont le gouvernement traite les employés du secteur privé et, crois-moi, je ne suis pas la seule.
— Ayo, toi je comprends que ça t’a un peu compliqué la vie cette semaine…
— Un peu compliqué la vie ?! Laisse-moi te raconter : il faut se lever à cinq heures pour savoir s’il y a école et si on doit aller travailler. Comme il n’y a pas d’école, il faut aller chercher la bonne pour veiller les enfants.
— Pourquoi elle ne prend pas le bus pour venir travailler ?
— Parce qu’en classe II, les bus sont plus rares que d’habitude. Après il faut aller travailler puisque seuls les bureaux du service public sont fermés. Je ne te dis pas les queues sur le bus stop pour aller travailler et rentrer à la maison, sous la pluie et les rafales !
— Pourquoi tu ne vas pas travailler avec X. Vous ne faites plus de covoiturage ?
— Depuis ce qui s’est passé a Port-Louis avec Belal, elle ne prend plus sa voiture pour aller travailler. Nous dans le secteur privé on n’a pas de duty free car comme vous…
— Écoute, ce n’est pas de ma faute si…
— Je ne dis pas que c’est de ta faute. Je dis simplement que grâce aux congés cyclone accordés par le gouvernement, les fonctionnaires ont eu le temps de faire des faratas et de regarder les feuilletons de Netflix. Nous, employés du secteur privé, pendant ce temps, avons travaillé. Puisque nous ne faisons pas partie de la même catégorie que les fonctionnaires dont le gouvernement s’occupe de la sécurité en priorité.
— Je ne pense pas que le gouvernement considère que les employés du secteur privé sont des citoyens de deuxième grade.
— En tout cas, sa manière de faire donne l’impression que oui. Tu n’as qu’à regarder les reportages du JT de la MBC.
— Ayo tu sais, la MBC…
— C’est quand même la station nationale qui ne fait que suivre les directives du gouvernement. Mais rira bien, rira le dernier.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
— Que comme disait autrefois ma grande mère : cent ans pour le voleur, un jour pour le maître. Ou encore : la vengeance est un plat qui se mange froid.
— Qu’est-ce que tu es en train de rabâcher avec ces proverbes de letan margoz ?
— Que dans les urnes le vote d’un employé du secteur public a, heureusement, la même valeur que celui d’un fonctionnaire.
— Et alors ?
— Et alors ? Tu crois que les employés du secteur privé et leurs familles — qui sont plus nombreux que les fonctionnaires — vont voter pour un parti ou une alliance qui les traite comme des citoyens de deuxième catégorie ?
J.-C.A.
- Publicité -
EN CONTINU ↻