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Changement climatique: Les traces indélébiles des torrents ravageurs accompagnant Belal

La rue La Poudrière, le Jardin de la Compagnie et La Chaussée, des zones à risques à éviter comme la peste en périodes de pluies torrentielles

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   L’Hôtel du GM, qui propose une enveloppe de compensation de Rs 1 milliard, engagé dans une lutte sans merci avec le directeur de la Météo, Ram Dhurmea, au sujet de « Kisanla inn fote ? »

L’imprévisible Belal, comme chaque phénomène météorologique, a laissé des traces indélébiles. Non seulement le centre-ville de la capitale, notamment la zone à risques balisée par la rue La Poudrière, La Chaussée jusqu’au Port-Louis Waterfront, mais également différentes agglomérations du pays, du Nord au Sud, ont été affectées par les effets des inondations et débordements avec un système de land drainage caractérisé par de grosses défaillances en dépit des milliards engloutis dans la construction de drains. Les dégâts, visibles à l’oeil nu, demeurent la preuve irréfutable de cet état des lieux catastrophiques. Toutefois, indépendamment du bilan des répercussions néfastes pour la population et encore les cultures vivrières, presque complètement détruites, les autorités se sont engagées dans une lutte sans merci pour déterminer Kisanla inn fote ? avec le directeur de la Météo, Ram Dhurmea, au coeur de la polémique relative aux prévisions de la trajectoire de Belal.

Dès le début du week-end denier, l’énorme masse nuageuse accompagnant le phénomène Belal et couvrant la partie du sud-est du bassin de l’océan Indien présageait que la pluviométrie allait être conséquente avec le cyclone tropical passant au plus près de Maurice ou de La Réunion. Un point de vue unanime basé sur les photos satellites accessibles. Ainsi, peu importe l’avertissement décrété par la station de Vacoas, dès la matinée de ce lundi 15 janvier, le ciel gris sur l’île et surtout sur Port-Louis était prémonitoire du danger des pluies torrentielles.

Les relevés enregistrés par la météo de 10h à 13h, soit en trois heures, ce lundi à différents points l’île, allaient confirmer ce scénario, soit en ordre de grandeur 131 mm à Quatre-Bornes, 118,8 mm à Moka, 117,4 mm à Beau-Bassin, 108 mm à Albion, 100,2 mm à Chitrakoot, 98,8 mm à Grand-Bassin, 96,5 mm à Mare-aux-Vacoas, 94,5 mm au Champ de Mars, 87,7 mm à Bell-Village et 86,7 mm à Riche-Terre. De ce fait, à Port-Louis, la première alerte de ce cataclysme allait surgir en fin de matinée.

Avec l’eau dévalant les parois des montagnes entourant cette partie de la capitale, débordant le seul Ruisseau du Pouce, la rue La Poudrière s’est rapidement transformée en rivière en crue, emportant tout sur son passage. Ainsi, tout le quartier en amont de La Chaussée fut envahi par cette eau boueuse. Et ce ne fut nullement un hasard que sur les 354 véhicules sinistrés enregistrés au poste de police de Pope Hennessy à vendredi 10h avec le nombre devant augmenter en cours d’après-midi, une majorité de ces véhicules provenaient de cette partie inondée de Port-Louis.

Le spectacle de l’eau envahissant La Chaussée renvoyait à la hantise des conséquences des flash floods du samedi 31 mars 2013. Poussant le citoyen lambda à tirer la conclusion, nullement hâtive, que les dramatiques expériences d’hier n’ont guère servi de leçon aujourd’hui. À l’heure des comptes, n’est-il pas désormais vital de comprendre le déroulé de cette journée et la séquence des décisions entérinées en coulisses.

Dimanche vers 19h : le vice-Premer ministre et ministre de la Gestion des Risques et Chairperson du National Crisis Committee (NCC), Anwar Husnoo, avec à ses côtés le directeur de la Météo, Ram Dhurmea, et l’ACP Premanand Budhoo, Commanding Officer de la Special Mobile Force, fait état de l’évolution de Belal.

Le travail malgré tout

À ce moment précis, employés et étudiants sont suspendus à la décision du National Crisis Committee. Toutes les options restent ouvertes. « Selon les projections de la station météorologique (de Vacoas), le cylone tropical Belal se rapproche plus de La Réunion que de Maurice », déclare le vice-Premier ministre. L’alerte de classe 1 est maintenue en cette soirée. « Des nuages actifs risquent d’emmener beaucoup de pluies dans la soirée et demain (lundi). Des nuages beaucoup plus actifs et beaucoup plus de pluies sont attendus demain après-midi », ajoute-t-il.

Anwar Husnoo prend le soin de souligner que « notre priorité est avant tout et surtout la sécurité du public. Si Belal maintient sa trajectoire actuelle, il y a même une possibilité que nous enlevions l’alerte cyclonique demain (lundi) matin. Toutefois, nous devons faire très attention, parce que le risque qui nous concerne, c’est la pluie. »

Premier hic dans lé séquence. Cette possible levée de l’alerte est contredite plus tard dans la soirée par Ram Dhurmea. « Sa, bann-la ki pe dir sa, pa mwa », dit publiquement le directeur de la météo.

Lundi à 4h. Le réveil se fait sous un ciel nuageux et des vents intermittents. Le huitième bulletin maintient l’alerte de classe I. Une décision qui contraste avec d’autres prévisions alarmantes dans la région.

Peu avant 6h du matin, les ministères de l’Éducation et de l’Égalité du Genre annoncent la fermeture des établissements scolaires, des crèches, des universités et des centres de formation. Le risque de fortes averses prévaut. Cependant, des voix au sein du National Crisis Committee persistent : les employés peuvent se rendre au travail. Malgré la menace de lourdes pluies, les vents forts ne sont attendus que tard dans l’après-midi.

« Sur cette trajectoire, Belal continue de s’approcher de notre région », prévient la météo, concédant que « des nuages actifs associés à Belal commenceront à influencer le temps sur l’île dans les heures qui viennent. Le temps sera couvert avec des pluies intermittentes localement fortes et accompagnées d’orages. Les pluies deviendront plus fréquentes dans l’après-midi. »

Par contraste, à La Réunion, l’alerte violette, soit la maximale, était décrétée vu le danger que représentait Belal. Avec des rafales de 250 km/h annoncées, l’île soeur se préparait au pire. Ceux des employés qui débarquent à Port-Louis ce lundi matin pour le travail témoignent d’un front de mer des plus agités avec des houles gagnant en intensité.

À 10h10, coup de théâtre. Le pays vire en classe II. Le centre de Belal se situe désormais à environ 220 km du Morne. Une dense masse nuageuse se rapproche de l’ouest. À ce même moment, un puissant tonnerre secoue la capitale. Le pire serait-il à craindre ?

Worst Case Scenario

Vers 11h10. Le ministère d’Anwar Husnoo ordonne le staggered release of employees pour la fonction publique, et ce, à partir de 12h30. Le secteur privé est appelé à tenir compte de cette directive. La psychose du worst case scenario s’installe. Presque à ce même moment, un cortège de berlines avec motards est vu sur l’autoroute, partant en direction du Sud.

Peu avant midi, des averses s’abattent sur différentes régions. Les craintes d’un déluge national se confirment. Des images de routes inondées parviennent de Flic-en-Flac, Cascavelle et Gros-Cailloux. Les nuages qui assombrissent la capitale relâchent leurs contenus avec des conséquences pluvieuses néfastes.

Les artères de Port-Louis, soit les voies de sortie au Nord et au Sud, sont prises d’assaut par un volume de trafic routier conséquent, avec des bouchons interminables. La capitale est coupée en deux : impossible pour ceux sortant du Nord de rejoindre les abords du Victoria Urban Terminal. Vice-versa pour ceux quittant le Sud. Le piège se referme.

Sur l’autoroute M1, un autre drame survient. Des déluges d’eau s’écoulent de Pailles jusqu’à l’entrée de Port-Louis. Sortant du travail pour rentrer chez lui à moto, Anwar Rehaz Noormahomed fait une chute dramatique de sa moto. Âgé de 53 ans, il se retrouve piégé par le courant sous un autobus. Les tentatives de le secourir des eaux boueuses sont vaines. Une première victime des inondations de Belal.

Citoyens face au chaos

Au centre de Port-Louis, c’est le chaos. Les images défilant sur les réseaux sociaux sont des plus ahurissantes : des véhicules emportés par les torrents à la rue La Poudrière ou prisonniers des eaux à La Chaussée de même que d’autres artères, des voitures, notamment de berlines s’empilant l’une sur l’autre au-devant de la plus importante compagnie d’assurance à Maurice. Pire encore est l’extrême détresse qui se lit sur le visage des piétons ne sachant pas ce qui les attend avec le prochain pas dans l’eau et sous ces pluies diluviennes (voir des témoignages plus loin.)

Des volontaires avisés se joignant aux membres de la force policière et du Mauritius Rescue and Fire Service s’organisent pour venir en aide aux piétons se trouvant dans des zones dangereuses en voulant rentrer en sécurité chez eux. La solution demeure la chaîne humaine pour atténuer les risques potentiels. Des scènes frisant des films catastrophes.

Dans un réflexe de panique, les autorités tentent de se rattraper avec un avertissement de classe III sur le coup de 13h30. Parallèlement, dans d’autres régions, la détérioration du temps est des plus marquantes. Sur la route de Rivière Noire, notamment à la hauteur de Tamarin, un autre drame se joue. Richard Alberto Lajeune, âgé de 50 ans, qui rentrait de son travail à moto, est balayé fatalement par les torrents. Signalé comme manquant par ses proches, son corps portant des traces de graves blessures sera recouvré le lendemain dans le lit de la rivière à Tamarin.

À Bambous, deux policiers ont eu plus de chance. Ils sont secourus dans la benne d’un camion à ordures, résistant mieux à la furie des eaux le long de la route Geoffroy. Le véhicule de la police dans lequel ils étaient en patrouille avait été immobilisé, avec le risque d’être emporté par les débordements. Le cimetière Saint Jean est encore victime des inondations avec des tombes flottantes. C’est littéralement le gridlock sur le réseau routier.

Dans les centres de refuge, quelque 1 500 personnes, dont 500 en bas âge, sinistrées des pluies de Belal, y sont dénombrées.

Vers 16h : l’intensité des pluies torrentielles s’atténue. Mais en 24 heures, Quatre-Bornes aura reçu 176,9 mm ; Nouvelle-Découverte : 166,8 mm ; Vacoas : 166,6 mm ; Albion : 164,4 mm, Beau-Bassin : 154,4 mm, Grand-Bassin : 134,2 mm, Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport : 119,6 mm, Bell-Village 115,4 mm et Montagne-des Signaux : 100,8 mm. Des données exceptionnelles, car pour ce mois de janvier, la météo avait prévu une moyenne de quelque 200 mm de pluies.

La colère monte

Dans le pays, le colère monte crescendo devant les carences notées à tous les niveaux et l’ampleur du désarroi de la population est palpable. En un coup de vent, le débat est déporté avec l’opération Kisanla inn foté ? Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, tire en premier. La cible n’est autre que le directeur de la Météo, Ram Dhurmea, qui est appelé à démissionner. Au final, ce dernier refusera d’assumer le rôle de bouc émissaire avec la polémique, pour ne pas dire le bras de fer, s’amplifiant.

Mais les explications du vice-Premier ministre Husnoo en tant que président du National Crisis Commmitee sont édifiantes à plus d’un titre. « Je me suis basé sur les informations que la Météo m’a données », déclare-t-il, tout en ajoutant que « j’accepte que peut-être nous n’avons pas pris les décisions en temps voulu […] Nous devions offrir un meilleur service que cela, je l’accepte ». En conclusion, il s’apesantura sur le fait que « j’ai ma responsabilité comme ministre. Mais, je le rajoute, I stand guided par mes officiers. »

En début de soirée, le commissaire de police, Anil Kumar Dip, fera part de la décision des autorités visant à imposer un couvre-feu de 22 heures, lundi à midi, mardi. La conséquence : personne ne bouge et plus di’images sur les dégâts causés par les pluies du cyclone tropical Belal sur les réseaux sociaux.

Mais en fin de compte, le bilan est lourd, soit deux victimes innocentes, de dégâts matériels conséquents dans les différents secteurs de la vie socio-économique, dont la destruction quasi totale de la production de légumes, mais surtout l’inefficacité de tout le réseau de land drainage escamoté jusqu’ici par l’épisode de la démission imposée au directeur de la Météo, alors que pour le début de cette semaine, une dépression formée au nord-nord-est de Rodrigues pourrait représenter une nouvelle menace cyclonique pour Rodrigues et Maurice cette fois-ci.

Les premières analyses notent que « ce système bénéficiera d’un flux de mousson assez important, ce qui implique qu’il sera très chargé en précipitations. » Difficile de prétendre que Maurice et Rodrigues n’en ont pas été averties…

Les autres données de Belal

1 667 sinistrés recensés dans les différents centres de refuge avec 83 familles, soit 303 personnes, se qualifiant pour une assistance sous le Social Register of Mauritius

Paiement d’une allocation cyclone à 328 familles, soit 1 220 personnes, au coût total de Rs 310 000 et une Food Allowance à 983 familles, soit 3 701 personnes

43 478 abonnés du Central Electricity Board privés d’électricité au plus fort du passage du cyclone, avec 1 479 en attente d’être connectés ce week-end

3 072 fautes sur le réseau d’adduction d’eau de la Central Water Authority avec encore 1 273 cas Outstanding à vendredi après-midi

8 000 planteurs affectés dans le domaine des cultures vivrières avec de permis déjà alloués pour l’importation de 142 tonnes de carottes, 104 tonnes de choux, deux tonnes de haricots et des arrangements pour assurer l’approvisionnement du marché en légumes d’ici au mois d’avril prochain

220 arbres déracinés sur les plages publiques avec des cas d’érosion à Flic-en-Flac, Le Morne, Bois-des-Amourettes et Blue-Bay

Cinq bateaux de pêche artisanale submergés et lagon impraticable à Tamarin, Rivière Noire (Barachois), Petite Rivière Noire, Case-Noyale, La Gaulette, Le Morne, Rivière-des-Galets et Souillac

 

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