Je pose la question depuis des mois : qui écrit les discours et déclarations du Premier ministre ? Ces déclarations très souvent truffées d’erreurs qui ne font que ridiculiser celui qui les lit et montre qu’il est loin de maîtriser les sujets qu’on lui fait aborder. Reprenons la toute dernière, faite alors que l’imprévoyance, ou carrément l’amateurisme, du gouvernement avait transformé une partie de la capitale en un étang où des centaines de voitures se sont noyées. La principale cause de ce désastre réside dans le fait qu’en dépit de tout bon sens, le gouvernement n’avait pas jugé bon de passer à l’avertissement de cyclone classe II lundi dernier. En maintenant celui de classe I, il avait obligé les employés des secteurs public et privé à aller travailler. Beaucoup l’ont fait en prenant leur voiture personnelle. Le gouvernement a jugé bon de maintenir l’avertissement de classe I, alors que le cyclone Belal était à proximité de La Réunion. Si un des membres de ce comité national, censé veiller sur la sécurité du pays, avait jeté un coup d’œil sur une simple carte géographique, il aurait constaté ce que tous les internautes qui ont une application savaient depuis plusieurs jours : que le diamètre de Belal est tellement étendu que s’il se trouvait à proximité de La Réunion, il était déjà dangereusement rapproché de Maurice. Si cette simple observation avait été faite, l’avertissement de classe II aurait été déclenché, les bureaux fermés et une partie des dégâts constatés à Port-Louis n’auraient pas pu avoir lieu.
Mais nous vivons dans un pays où les responsables, à commencer par le Premier ministre, ne fautent jamais. C’est au moins ce que les rédacteurs de ses discours s’efforcent de faire croire. Comme les dégâts de lundi dernier étaient conséquents et liés au maintien de l’avertissement de l’avertissement de classe I au lieu de le remplacer par la II, plus conforme aux conditions météorologiques, il était indispensable d’essayer de trouver un bouc émissaire. Comme il était impossible d’attribuer le désastre au gouvernement précédent, comme c’est la pratique au MSM, le Premier ministre est venu annoncer à la nation que non seulement le responsable avait été trouvé, en la personne du directeur de la météo, mais qu’il avait déjà démissionné, ce qui était une preuve de sa culpabilité. Mais le problème c’est que le Premier ministre avait donné une fausse information à la nation, dans la mesure où le directeur de la météo n’avait pas soumis sa démission. Il le fera savoir dans un courrier adressé au chef de Cabinet, dans lequel il rétablit les faits et demande au Premier ministre d’assumer ses responsabilités. Qui ne sont certainement pas d’annoncer au public la démission d’un chef de département, responsabilité qui relève, selon les procédures établies, du chef de la fonction publique. Pour essayer de faire oublier la grosse faute — ou carrément le mensonge — du Premier ministre, une opération médiatique a été montée pour essayer de discréditer le directeur de la météo. Le haut fonctionnaire qui, selon le Premier ministre, avait « stepped down » lundi, fut suspendu de ses fonctions jeudi, sous l’accusation d’avoir donné de mauvaises informations au vice-Premier ministre Husnoo. Selon la procédure — si elle est respectée —, c’est une enquête qui va déterminer la responsabilité du directeur suspendu, pas un simple communiqué du ministère de M. Husnoo.
Il n’est pas question ici de participer à la guerre de communiqués entre le ministre Husnoo et l’avocat du directeur de la météo suspendu sur fond d’enregistrements des réunions du comité national que diffuse la MBC. Le but de l’opération est clair : essayer de faire oublier la déclaration du Premier ministre et surtout le fait que le gouvernement, à travers le ministre Husnoo, ait maintenu l’avertissement de classe I. On rappelle souvent qu’autrefois en Inde, un ministre responsable des Transports publics avait soumis sa démission parce qu’un train avait déraillé. À Maurice, le ministre qui a maintenu l’avertissement de classe I avec les conséquences dramatiques que l’on sait reprend le refrain de l’hymne des dirigeants du MSM : Pa mwa sa, li sa ! Il faut quand même souligner que la situation digne d’un régime bananier du siècle dernier que nous vivons actuellement découle du fait que de plus en plus de chefs de départements du secteur public abdiquent de leurs responsabilités au profit de leurs ministres de tutelle. C’est ainsi que dimanche dernier, on a pu voir dans le JT de la MBC le vice-Premier ministre Husnoo jouer aux prévisionnistes de service sur la trajectoire de Belal, alors que le directeur de la météo était à ses côtés ! Aussi longtemps que les fonctionnaires, grands et petits, se laisseront traiter comme des paillassons, ils continueront à être sujets à des annonces de démission ou des suspensions arbitraires.
Jean-Claude Antoine
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