Portrait – Yool, le clown hospitalier : contribuer au processus de guérison par l’humour

Il peut se présenter sous sa forme normale ou se déguiser en clown avec son nez rouge, ses cheveux ébouriffés avec plus d’un tour dans son sac. Il s’appelle Yool, le clown déjanté pour ses spectacles jubilatoires, et Sharon Juhl pour ceux qui le connaissent. Jongleur, habile en monocycle, funambule qui sait inventer un monde imaginaire pour les petits qui assistent à son spectacle. Son plus grand défi est d’être un clown au chevet des enfants malades dans les hôpitaux. D’ailleurs, il est le premier clown médical à Maurice et a même été interviewé par la BBC.

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Yool a cette manière tout à fait surprenante de séduire son auditoire par ses tours inventifs. Il s’habille de couleurs vives, arbore un nez rouge comme le Père Noël et se révèle être un artiste pluridisciplinaire. Il fait toujours émerger le rire partout où il passe. Lui, pourtant, reste neutre, presque surpris par des éclats de rire à profusion.
En tant que clown, est-ce qu’il lui arrive de pleurer ou tout n’est que rires ? « Un clown ne rit pas toujours, et il ne pleure pas toujours non plus. Un clown traverse toute une gamme d’émotions, tout comme les personnes. Je veux dire que je suis humain, et le clown l’est aussi. Habituellement, je me sens bien et heureux de faire le travail que j’apprécie vraiment, même dans les moments difficiles. J’en retire toujours du plaisir, et je me considère chanceux de pouvoir exercer cette profession. »

Avec sa pratique artistique de clown confirmé, Yool est aussi en mesure d’intervenir auprès des enfants malades. Car, devenir clown dans un hôpital, ça ne s’improvise pas. Yool a besoin de savoir canaliser les émotions de ces petits êtres en souffrance. Pour cela, il a sa tactique personnelle de développer son approche relationnelle. Il illumine sa présence de poésie, sort de sa bulle pour approcher avec douceur les enfants malades et les embarque dans ses tours les plus surprenants. Parfois, Yool a droit à un sourire tout en apportant sa touche artistique de couleurs et de soleil.

Son répertoire est des plus variés, Yool fait le pitre, agrémente ses tours de musique. Spécialiste en distraction, curieux de tout, Yool raconte que le déclic s’est produit chez lui alors qu’il n’avait que 14 ans. Sa grand-mère lui avait acheté un diabolo (jouet composé d’une bobine et de deux baguettes reliées par une ficelle que l’on tend sous la bobine pour la lancer et la rattraper) qui lui a permis de réaliser son premier spectacle en maison de retraite où elle résidait. Très vite, il se fait remarquer et décide d’opter pour le sobriquet de Juggalo. Voulant offrir à son public une meilleure expérience de scène, Yool décide de suivre un cours de clown théâtral pour apprendre les rudiments du métier.

De la scène à l’hôpital

Des ateliers en Allemagne lui permettent de peaufiner son art et de poursuivre son projet de “dream doctor”. Yool se forme ainsi pour devenir un clown médical, opérant ainsi cette transition de la scène à l’environnement hospitalier. Son rôle consiste à apporter un moment hors du temps, de l’hôpital, des soins, de la maladie…
« À l’hôpital, je n’amuse pas mes patients, mais je les aide plutôt à se sentir plus forts. Je leur offre une réalité alternative en soulageant leur stress. J’aide mes petits patients à faire face à la maladie, à coopérer lors des procédures et examens médicaux, en proposant des perspectives humoristiques sur la situation. C’est un travail très différent du divertissement, par exemple, pendant mes spectacles, où mon objectif principal est de faire rire les gens et où le public est en bonne santé. »

Le quotidien de Yool est tout en couleur car il a su garder son âme d’enfant. Inspiré par la joie communicative du public, son métier de clown est aussi l’histoire de sa vie. Il raconte que son moment le plus magique comme clown s’est produit avec le spectacle, Kirkas, au Caudan Arts Center en décembre 2022. Un spectacle de cirque qu’il a dirigé avec une touche comique et clownesque.

« C’était merveilleux et un grand plaisir de travailler avec des artistes locaux qui sont aussi mes amis et de créer un spectacle que je trouve magnifique. » Il a aussi des anecdotes tristes en milieu hospitalier lorsque, dit-il, « les enfants ne s’en sortent pas et cela me brise le cœur ». Ces épreuves décuplent aussi sa force de se diriger vers le patient suivant pour l’aider à rendre son expérience à l’hôpital plus joyeuse.

Libérateur d’émotions

Son intervention de clown à l’hôpital se fait par phases. Yool le clown, sorte de joyeux luron, démarre par le service de pédiatrie, travaillant avec chaque patient individuellement, et parfois les patients qui peuvent marcher depuis leur lit se joignent au jeu. Dès qu’il entend des pleurs qui sonnent comme un signal d’alarme, Yool se précipite.
Généralement, son rôle consiste à accompagner des enfants subissant des procédures médicales telles que la nébulisation, la pose d’une perfusion, un examen médical, entre autres… « Il faut généralement moins d’une minute à partir du moment où j’entre dans la situation de pleurs pour que les pleurs s’arrêtent. La plupart du temps, les pleurs se transforment en rires. »

Dans le même ordre d’idées, Yool parle d’apporter aussi son aide lors des échographies cardiaques pédiatriques. « On entend encore des pleurs émanant des petits patients lors de ces procédures. Ils sont en panique, ce qui n’est pas la meilleure condition pour une échographie. Lorsque je suis là, je détourne l’attention du patient avec Terry, l’ukulélé, en jouant de la musique douce et en proposant des jeux dans la pièce. Cela permet parfois d’éviter d’avoir recours à la sédation pour effectuer les examens. »

C’est dire combien le travail de clown d’hôpital diffère du clown théâtral. Le clown d’hôpital n’est pas dans le show. Yool mise sur un face-à-face en jouant sur la sensibilité, la bienveillance tout en y incorporant ces petits tours facétieux. À l’hôpital, la majeure partie de l’échange repose sur l’intuition et la créativité. Il essaie de montrer aux patients qu’en dehors des préoccupations difficiles de l’hospitalisation, il y a aussi la possibilité de s’évader par l’imaginaire.

Par ailleurs, Yool est aussi un clown musical qui au départ avait un groupe, Asphalt Theatre. « Nous faisions des spectacles musicaux avec des instruments tout en nous empilant les uns sur les autres et en réalisant des numéros comiques. Je jouais du cor baryton. Le meilleur festival auquel j’ai participé était à Lublin, en Pologne. C’était un festival de rue sur Lublin et Bashevis Singer. J’ai rencontré des artistes du monde entier et j’ai assisté à leurs performances, pendant que tout au-dessus de nous, des funambules marchaient sur la corde. C’était une fantaisie devenue réalité.»

Fort de son expérience, Yool a songé à un projet d’ONG pour Maurice, Mediclown, dédiée à la pratique du clown médical à Maurice et enregistrée en septembre 2022. L’idée a germé chez lui lorsqu’il avait commencé à visiter le service de pédiatrie de l’hôpital SSRN, à Pamplemousses, deux fois par semaine, en tant que bénévole, pendant environ un an. En septembre 2018, le parrainage de deux jours de clown médical à l’hôpital SSRN a été rendu possible grâce à Novaterra et perdure jusqu’à aujourd’hui.

Selon Yool, l’association Mediclown de l’île a été créée avec la participation de médecins, d’artistes et d’entrepreneurs. « L’idée d’une telle association est de répandre de la joie dans le secteur de la santé à Maurice en faisant d’un hôpital un lieu agréable pour les enfants malades. Notre mission est de fournir des clowns médicaux dans les établissements de santé de Maurice et d’autonomiser les enfants malades pour qu’ils acceptent les procédures médicales et les traitements tout en faisant face à la maladie. »

Parmi les objectifs de Mediclown de l’île, Yool mise sur une rencontre de tous les enfants hospitalisés avec un clown médical pendant leur séjour à l’hôpital. Cela aura pour but de réduire le stress et l’anxiété des patients tout en faisant du clown médical une partie intégrante de l’équipe médicale. « Les clowns médicaux peuvent égayer la journée des patients, leur apporter un sourire, les encourager et les aider à faire face à leur situation plus facilement. »

Comme projets pour 2024, Yool souhaite organiser une journée de collecte de fonds pour la nouvelle ONG afin de trouver des sponsors et d’aller plus fréquemment à l’hôpital, au centre pour enfants autistes et de former au moins un nouveau clown. « Nous savons que les hôpitaux peuvent être difficiles pour les enfants, nous pouvons apporter plus de rires, réduire le stress et être là pour encore plus d’enfants. » Les renseignements sur son ONG sont visibles sur la page Facebook du Mauritius Medical Clowns Project.

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