En attendant le bilan officiel de la Chambre d’Agriculture sur le secteur avec le passage du cyclone tropical Belal en début de semaine, les premières indications font craindre le pire en matière de culture vivrière. Déjà, les prix affichés sur le marché constituent une indication non-négligeable. Très probablement, le conseil des ministres de ce matin, présidé par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, passera en revue la situation dans le secteur de l’agriculture avec une première série de mesures pour accompagner les opérateurs agricoles à genoux depuis le début de la semaine.
De son côté, Nicolas Benoist, fondateur et Chief Executive Officer (CEO) d’Innovagri, un gros producteur de fruits et légumes basé à Saint-Aubin, ne sait plus à quel saint se vouer. Le passage du cyclone Belal a détruit 80% de ses cultures dans les champs et sous serre. Le producteur en appelle aux banques et au soutien du gouvernement pour qu’il puisse maintenir l’emploi et soit en mesure de relancer ses activités dans les meilleurs délais.
« C’est le pire coup dur que nous ayons connu depuis notre lancement en 2017. Le cyclone nous a mis à genou et à l’heure actuelle, je ne sais pas comment je vais faire pour que l’entreprise puisse survivre », lâche l’entrepreneur, soucieux. Innovagri cultive fruits et légumes sur 500 arpents et fournit des grossistes et supermarchés, incluant SKC Surat.
« Nous avons eu des précipitations très importantes, lundi matin, comme à Port-Louis, avec des vents forts, notamment dans la nuit de lundi à mardi. Après le cyclone, nous nous sommes rendus dans les champs et les serres pour constater que 80% de nos 500 arpents sous culture à Saint-Aubin ont été ravagés par la violence des pluies et des vents », explique Nicolas Benoist.
La bananeraie, couvrant une superficie de 25 hectares, est entièrement détruite, les champs de papayes également. Même constat pour les cultures maraîchères, avec les champs de carottes, de choux et de melon d’eau anéantis. Les cultures sous serre aussi n’ont pas résisté aux rafales enregistrées lors du passage de Belal. Tout le plastique a été arraché et les cultures sont abîmées.
« Nous n’avons pas de produits à commercialiser et il faudra une période de trois à quatre mois au minimum pour pouvoir relancer de nouvelles cultures. Si nous n’avons pas de soutien du gouvernement ou des partenaires financiers pour relancer l’entreprise et reconstruire nos serres, nous serons dans une situation extrême », prévient-il. L’entrepreneur évoque des pertes de Rs 30 millions de son chiffre d’affaires pour les cinq mois à venir.
Dans le concret, 150 tonnes de carottes sont perdues, de même que 120 tonnes de melon d’eau et 150 000 tonnes de choux. Dans les serres, c’est le même bilan amer avec trois tonnes de tomates cerises bonnes à jeter… 500 tonnes de bananes sont à oublier et il faudra attendre neuf mois pour avoir de nouveaux régimes de bananes, dit Nicolas Benoist.
« Nous avons besoin d’une certaine capacité financière pour nettoyer les champs, refaire entièrement les serres et trouver du personnel pour avancer dans la remise à niveau des champs. Nous devrons repartir à zéro, mais avec toutes les charges financières et les employés à payer et sans entrée d’argent, puisque toute la production a été ravagée », répète-t-il.
Inquiet pour l’avenir de ses 70 employés, tous des habitants de la région de Saint-Aubin, l’entrepreneur dit que sa seule et unique mission est de trouver des solutions avec les banques, voire avec le gouvernement et certains organismes, pour des facilités de trésorerie, qui lui permettront de maintenir ses emplois et relancer ses cultures. « Sans cash-flow, je ne peux rien faire et si je ne peux pas payer mes employés, c’est la mort de l’entreprise… », s’appesantit-il.
Les 70 employés étaient présents au lendemain du désastre pour procéder aux premiers travaux de nettoyage, mais sont extrêmement attristés de la situation et craignent pour leur emploi. Nicolas Benoist souhaite que les difficultés des producteurs de fruits et légumes opérant dans le Sud soient prises en compte et que le gouvernement leur accorde une certaine considération. Cela d’autant que les dégâts monstres de Belal avaient été précédés de 500mm de pluies dans le Sud, en novembre dernier.
Avant le passage de Belal, Innovagri s’était positionné comme un important fournisseur de fruits et légumes sur le marché. Le producteur est d’ailleurs l’un des leaders en termes de volume de carottes fournies sur le marché local. « Il faut vraiment que nous puissions redémarrer le plus vite possible pour limiter les délais et qu’on puisse replanter d’ici 3 mois », conclut Nicolas Benoist.