Et si on n’y pouvait rien ?

En ce début d’année, les bonnes résolutions prises à la veille de la St-Sylvestre probablement déjà oubliées, et alors que la canicule nous ramène aux dures réalités de notre siècle, le moment semble bien choisi pour nous reposer une question récurrente, et qui anime cette rubrique depuis son commencement, soit de savoir pourquoi, bien que conscients du danger que représente le changement climatique, nous ne faisons rien, ou si peu de chose. Certes, nous avons déjà démontré que les intérêts en jeu sont si énormes que d’échafauder un plan de sortie rapide des énergies fossiles se heurte inévitablement dans l’heure qui suit au puissant lobby des pourvoyeurs de ces mêmes énergies. Un fait incontestable, et qui aura d’ailleurs encore été prouvé lors de la récente COP28, qui s’est clôturée sur un accord faisant davantage le jeu des pays producteurs que de la masse (écologique) silencieuse.
Mais doit-on pour autant se contenter de cette réponse ? Après tout, nous avons non seulement l’opportunité, mais aussi les moyens de changer tout cela, qu’importe ce que dit la puissante machine industrielle. À cela, nous avions déjà fait écho, il y a quelques années déjà, de la thèse de Sébastien Bohler, qui, en 2019, dans son essai Le Bug Humain, affirmait que les neurosciences pouvaient expliquer notre inertie face au défi climatique. En gros, ce qu’avançait Bohler, c’est que la faute en revient au striatum, structure située dans notre cerveau, et plus exactement sous le cortex. Plus exactement, pour lui, la clé du problème se trouve dans la dopamine, qui nous pousse notamment à fournir le moins d’effort possible.
Ainsi, selon l’auteur, l’humain aurait un « vice de programmation » (le fameux « bug »). Renoncer au plaisir immédiat apparaît dès lors hors de notre portée. C’est ce qui rend d’ailleurs les régimes diététiques si contraignants, mais encore, dans le cas qui nous préoccupe, ce qui freine les populations des pays « développés » à consommer à outrance les produits de nos industries, les plus dépensières en énergie. Cependant, tous n’auront pas partagé les convictions de Bohler, certains lui reprochant en effet d’avoir fait abstraction de ce que nous apprennent les sciences sociales. À commencer par le fait que face à un problème capital, l’humain trouve souvent la volonté d’y apporter une solution rapide. Pour peu bien sûr que l’on garde la même direction.
Pourtant, dans les faits, il n’y a pas ici de réelle contradiction. Cette opposition entre les idées est en réalité artificielle et purement idéologique. La preuve aura d’ailleurs été apportée il y a quelques jours à peine par des biologistes de l’université du Maine, aux États-Unis. Ainsi, selon eux, des caractéristiques de l’évolution humaine empêcheraient notre espèce de résoudre les problèmes environnementaux mondiaux.
En gros, ils rappellent qu’en l’espace de 100 000 ans, l’homme aura toujours cherché à dominer la planète (et ses ressources), et ce, grâce à des outils et des systèmes toujours plus perfectionnés. Or, «  le changement culturel est plus rapide que l’évolution génétique », explique Tim Waring, biologiste évolutionniste. « Au cours des 100  000 dernières années, cela a été une bonne nouvelle pour notre espèce. Le tout grâce à de grandes quantités de ressources et d’espaces.  » Sauf que les ressources, nous en manquons aujourd’hui singulièrement. Tout autant que d’espaces. D’où l’apparition de dangereux problèmes environnementaux, qui mettent l’humanité en péril.
Le gros souci, c’est que du fait de l’évolution culturelle, les différents groupes humains ne tendent que vers une résolution de leurs propres problèmes, et dont dépendent donc leurs intérêts immédiats. C’est ce que nous avons encore une fois constaté lors de la COP28, avec la pression exercée par les pays producteurs de pétrole. Reléguant ainsi au fond d’un tiroir toute action d’envergure face à des problèmes mondiaux, qui ne deviennent vitaux que lorsqu’ils touchent uniformément tous les groupes humains. Ce que le changement climatique ne fait pas encore !
« Des éléments centraux de l’évolution humaine nuisent à notre capacité à résoudre les défis collectifs mondiaux. Nous devons nager à contre-courant. Aller contre l’évolution  », conclura le même Tim Waring. En d’autres termes, si nous n’apprenons pas à intérioriser le défi climatique comme une menace directe à notre existence avant que ce dernier ne se soit globalisé, jamais nous n’actionnerons à temps les leviers nécessaires à notre ultime chance de sauvetage !

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