Au premier étage du bâtiment nouvellement construit à Edith, dans les locaux administratifs de House of Digital Art, une salle devenue son atelier de création. Sur une table haute en bois, un bâton de canne à sucre, une ravanne et son ordinateur portable, sur lequel la magie s’opère.
À côté, un micro qui a servi à enregistrer la narration d’une histoire prenant vie dans les rues de Port-Louis. C’est ici que le musicien français Gaël Tissot a créé une balade sonore utilisant une application mobile et un principe de géolocalisation pour transporter les curieux dans un imaginaire futuriste.
Pour découvrir ce récit d’un homme et d’une femme placé sur une composition musicale, seuls sont requis un téléphone portable et des écouteurs (pour une expérience davantage immersive). Après avoir téléchargé et activé une application créée par Gaël Tissot (Toposonic-Maurice), la balade peut commencer.
L’utilisateur est alors localisé et, en se déplaçant dans des zones spécifiques de Port-Louis, une bande-son est automatiquement activée. Celle-ci retrace alors un bout d’histoire entre cet homme et cette femme. La séquence peut se faire dans n’importe quel ordre, le tableau se complétant après avoir entendu l’ensemble de l’histoire. Chacun découvrira ainsi un récit unique.
« Une de mes questions initiales était de définir un terrain de jeu », relate Gaël Tissot, en dévoilant l’écran de son ordinateur portable. Dessus, des points qu’il place où il le souhaite sur une carte de Port-Louis, prise sur Google Earth. Autour de ceux-ci, l’artiste peut déterminer la grandeur d’une zone. Dès qu’un outil technologique – téléphone, tablette… – traverse ledit espace, l’application active un enregistrement.
« Cela me semblait intéressant d’aller dans des endroits hors de House of Digital Art, en particulier dans le Jardin de la Compagnie », ajoute le Français. « Le parcours part d’ici, il passe par la Chaussée, se dirige vers un petit marché… Mais il y a également plusieurs choses sur place à activer avec un QR Code ».
Permettre à l’utilisateur de « placer son téléphone dans sa poche et l’oublier », en vue de découvrir une histoire, a déjà été expérimenté plusieurs fois par Gaël Tissot en France.
Se décrivant comme « artiste numérique », Gaël Tissot s’est mis à la programmation au début des années 90’, vers l’âge de 9 ans. « Nous n’avions pas d’ordinateur à la maison. C’était mon père qui a ramené son ordinateur portable et je n’avais que ce temps pour découvrir la machine ».
Le petit se fascine alors à décortiquer l’outil technologique et changer ses fonctionnements. « J’allais dans des paramètres un peu poussés. J’ai eu quelques sueurs froides parfois parce qu’il fallait qu’à 7h quand mon père parte au bureau, tout soit revenu à la normale. Il ne devait pas être au courant que je trafiquais autant ».
L’informatique est restée une passion qu’il a explorée comme autodidacte, même au fil de ses études en musique, notamment au conservatoire de Lyon, comme pianiste. Puis, les deux savoirs se sont rejoints.
« Il y a eu un moment un peu de crise alors que je faisais de la musique électro-acoustique avec des instruments de musique contemporaine assez sérieuse et cadrée. Mais je ne me sentais pas à ma place. J’ai postulé pour être directeur d’un endroit bizarre mais ça n’a pas marché. Du coup, je me suis demandé si c’était vraiment ma voix », relate Gaël Tissot. Il revient alors à la source de ce qu’il choie : la musique, les textes et la programmation informatique.
En 2017, il a « une inspiration d’ordre artistique » spontanée en se réveillant : « Qu’est-ce que cela ferait si ici j’entends un son et, 20 mètres plus loin, j’entends une autre mélodie ? ». Le projet prend vie pour la première fois à Arras, une ville dans le Nord de la France. Puis il y a eu l’étape du Château Ephémère, un lieu spécialisé dans les arts numériques. Ensuite, à Laval, en Mayenne, Grenoble, Toulouse… La venue à Maurice s’est faite à travers un réseau en contact avec House of Digital Art.
La poésie qu’il a commencé à écrire vers l’âge de 14 ans se révèle désormais indissociable de son travail. Car le texte, depuis 2017, il y accorde une importance majeure. Couplée au récit de Maurice, une musique qui a retenu des sonorités créées à partir de canne à sucre. Et aussi des percussions de Kerwin Castel, à la ravanne et la maravanne.
« J’invite les Mauriciens à venir découvrir les lieux qu’ils connaissent sous un éclairage différent. Là, on est dans la rue. On voit des choses, et on entend un texte qui nous raconte ce lieu dans le futur », conclut Gaël Tissot.
L’histoire poétique
C’est l’histoire poétique de la rencontre entre un homme et une femme à Edith, et qui est contée par une voix off. Le récit prend vie dans un futur où l’île Maurice sera reliée à d’autres territoires via des tunnels sous-marins.
Les temps sont quelque peu difficiles et, en vue de sauvegarder les documents d’Edith, dont des cartes, ceux-ci sont gravés dans la pierre. Les poètes Malcolm de Chazal et Edouard Maunick ont donné des pistes à Gaël Tissot, qui a également été inspiré par les pierres noires et les montagnes de l’île, mis en avant par Petrusmok de Chazal. Les voix, pour la présente narration, sont celles de Robert Furlong (voix off) et Sandrine Ragoonauth (voix féminine).
Digital Poetry
Un atelier de Digital Poetry a été tenu vers la mi-novembre par la poétesse Aliya Chojoo. Elle a mis de l’avant les outils digitaux qui peuvent aider à la rédaction de poèmes et de haïku, forme de poème japonais. AI Poem Generator, Haiku Poem Generator, Poet GPT… autant d’outils qui peuvent inspirer. Certains d’entre eux contiennent même des jauges permettant de contrôler le degré d’abstrait de l’écrit.
Les participants ont ainsi pu échanger leurs inspirations et écrits autour d’une thématique notamment, à savoir la citation d’Edouard Maunick : « S’il était un territoire entre midi et minuit… »