Ça y est ! La grand-messe du climat s’est clôturée, son président a regagné son palais et l’assistance est rentrée chez elle. Il faut dire que la lecture des conclusions du rapport aura été particulièrement éreintante. Une lecture qui, nous pouvons le parier, sera d’ailleurs tout aussi vite oubliée. Après tout, pas besoin de croire pour entrer dans un lieu de culte. En résumé, sachant que les termes de l’accord ne sont nullement contraignants et pourraient tenir sur un simple post-it, pas la peine pour les nations signataires de s’inquiéter outre mesure. Quelques mesures par-ci, quelques discours par-là, et ça ira.
Il faut dire que de confier la présidence de la conférence sur le climat à un roi du pétrole envoyait d’emblée un mauvais signal, et équivalait en quelque sorte à enfermer pendant deux semaines DSK à double tour dans une chambre remplie de jeunes vierges ! Organiser une réunion internationale aux enjeux si colossaux à Dubaï constituait de facto un évident conflit d’intérêts, que d’aucuns ont feint de ne pas voir. D’où notre scepticisme en entendant parler d’accord « historique » (dixit Sultan Al-Jaber). Merci, mais on nous a déjà fait le coup.
En quoi d’ailleurs cette COP28 se démarque-t-elle des 27 précédentes éditions ? Pour la majeure partie de la presse internationale de même que les diplomates, la réponse tient en une phrase : pour la première fois, tous les pays présents, à travers cet accord, reconnaissent le rôle des combustibles fossiles dans la crise climatique, tandis que les nations s’engagent à sortir au plus vite de ces énergies sales. Magnifique ! Mais alors, de quoi discute-t-on depuis bientôt trois décennies ? Il nous semblait que cette reconnaissance de l’origine anthropique du problème était déjà acquise. Et aujourd’hui, voilà que l’on vient qualifier d’historique un document attestant une vérité admise. Dit autrement, en quoi une réunion de platistes paraphant un parchemin notant que la Terre n’est pas ronde constituerait-elle une avancée ?
Parce que, pour le reste, on ne peut pas vraiment dire que le texte final, censé clôturer « en beauté » la conférence sur le climat, augure une percée significative. À vrai dire, il aurait même l’effet inverse. Ainsi, si l’accord reconnaît le rôle des gaz à effets de serre dans le dérèglement climatique, le terme « énergies fossiles » a été volontairement biffé (sous la pression des pays producteurs de pétrole). Une légère nuance, pensez-vous ? Oui, mais qui a toute son importance, puisque suggérant que l’on peut poursuivre l’exploitation de gaz fossile et de pétrole. Seule promesse : les pays les plus polluants s’engagent à utiliser toutes les technologies permettant de capter et stocker leurs émissions de CO2. Ben voyons !
Autre aspect dérangeant : aucun objectif contraignant et daté n’est clairement explicité. En outre, le texte « appelle les parties (les nations représentées) à contribuer aux efforts » en termes de réduction de nos émissions polluantes. Or, une fois encore, « appeler » n’est pas contraindre. Autant dire que toutes les parties prenantes se seront empressées de signer le texte, sachant que, de toute manière, elles resteront souveraines quant aux moyens et le temps qu’elles prendront pour mettre en œuvre les actions promises. La bonne affaire !
Bon, mais le charbon, alors ? Eh bien, alors que l’on pensait en avoir fini avec la question, il apparaît qu’en fait, elle est elle aussi loin d’être réglée. Certes, l’accord prévoit une « accélération des efforts pour sortir du charbon ». Sauf qu’en vérité, il n’est question que de « unabated coal », et n’interdit donc pas l’utilisation de charbon pourvu que l’on puisse en capturer le CO2. Une autre preuve de l’importance du choix des mots ? Le texte « reconnaît que les énergies de transition pourraient contribuer » à l’effort mondial. Or, comme le savent très bien les experts, l’expression « énergies de transition » désigne quelquefois… le gaz fossile !
Sans surprise, la montagne aura donc, une fois de plus, accouché d’une souris. Deux semaines de débats, de tergiversations, d’annonces, de polémiques et, surtout, d’inquiétudes (des nations pétrolières) pour, finalement, rendre au monde une copie quasi vierge de ce qui nous avait prématurément été vendu comme un tournant dans la lutte contre le changement climatique. Prochain rendez-vous : fin 2024 en Azerbaïdjan, autre pays producteur de pétrole. Ce qui nous laisse un an pour essuyer nos larmes… et préparer les suivantes !