Le ministre des Infrastructures nationales, présentant le Construction Industry Authority Bill mardi au Parlement, a parlé de Game Changer. Il a souligné l’importance de ce secteur au sein de l’économie tout en s’appuyant sur le dicton suivant: « Quand la construction va, tout va ».
« C’est le secteur de la construction qui a permis de donner un nouvel élan à l’économie après le Covid », a dit Bobby Hurreeram, en citant une croissance de 28,6% en une année. « Il représente aujourd’hui une part de 6% du PIB et emploie quelque 60 000 personnes », déclare-t-il. Il a fait mention des investissements du gouvernement dans les infrastructures publiques de Rs 60 milliards, « faisant de la construction un des principaux piliers de l’économie ».
« Le texte de loi définira les fonctions et les pouvoirs du conseil consultatif de contrôle des bâtiments et du conseil de développement de l’industrie de la construction, et réglementera la construction, y compris les fournisseurs de travaux de construction et de services, ainsi que les fournisseurs de matériaux, d’équipements, d’installations et de main-d’Å“uvre », a déclaré le ministre des Infrastructures.
Il affirme que la nouvelle loi permettra le développement durable au secteur de la construction, que ce soit sur le plan écologique, la réduction des déchets, l’économie circulaire, des outils d’évaluation de la durabilité et de la certification au sein de l’industrie. « Elle devra formuler et élaborer des politiques et des normes pour la construction sûre, efficace, de haute qualité, rentable, résiliente au changement climatique et durable des bâtiments ainsi que promouvoir les pratiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) dans l’industrie de la construction en vue d’un développement plus durable et responsable. Elle sera également responsable de promouvoir le renforcement des capacités dans le secteur de la construction, y compris l’enseignement et la formation techniques et professionnels », dit-il.
Duval s’oppose à la création de nouvelles institutions
De son côté, le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, a affirmé « qu’il y a un consensus dans l’opposition sur le fait qu’il y a trop d’institutions et d’autorités créées par le gouvernement » ; et il s’est élevé contre une nouvelle institution avant de considérer que celles-ci « sont créées aux frais des contribuables, opèrent dans l’opacité et échappent le plus souvent au contrôle du Parlement ». Il a fait remarquer que l’annonce de la fusion des institutions gouvernementales « n’a pas été traduite dans le concret en plusieurs occasions ».
Le grand problème est que la plupart de ces institutions ne soumettent pas de rapport annuel au Parlement, avance Xavier-Luc Duval. Il a fait mention de 54 institutions, et pas des moindres, dont « la CWA, l’ICTA, la MES, la MFDC, le Museum Council ». Il a cité le rapport de l’Audit qui souligne que dans certains cas les rapports annuels n’ont pas été soumis depuis 15 ans.
Son intervention a été marquée par des interruptions et des prises de bec avec le Speaker, Sooroojdev Phokeer, qui considérait que certains aspects de son intervention étaient « irrelevant ». « Ce n’est pas mon avis », a fait ressortir le leader de l’opposition qui a poursuivi son intervention.
Pour sa part, Kavi Doolub, qui est intervenu après le leader de l’opposition qui avait donné le ton des interventions, a souligné que depuis 2015, « pas moins de 4 400 maisons ont été construites par le gouvernement ». Il a lui aussi fait ressortir la place de l’industrie de la construction dans l’économie et a accueilli la création d’une instance « pour régler les différends entre les contracteurs et leurs clients ». Il s’est dit convaincu que la Construction Industry Authority « apportera des solutions technologiques et plus de professionnalisme à l’industrie de la construction ».
Osman Mahomed estime que la Construction Industry Authority entraînera un nivellement par le bas. Il soutient son argument par le fait qu’auparavant le responsable pour superviser la construction à Maurice devait avoir 15 ans d’expérience. Cette qualification a été réduite à cinq ans dans la nouvelle législation. Il s’est demandé si le poste n’est pas « tailor-made »
Kenny Dhunoo, Parliamentary Private Secretary, a accueilli favorablement la création de cette autorité et se dit satisfait de la création d’un organisme « pour régler les différends entre les contracteurs et les consommateurs ».
Vikash Nuckcheddy, Parliamentary Private Secretary : « Changement radical pour améliorer la livraison d’un projet »
Le Parliamentary Private Secretary (PPS), Vikash Nuckcheddy, affirme que le projet de loi ouvre la voie à un changement radical qui est susceptible d’améliorer le processus de livraison d’un projet. Il déclare que le secteur de la construction devient un pilier important de l’économie et que cela nécessite un gouvernement doté d’une vision.
Le PPS indique que les statistiques démontrent qu’en 2011 la contribution du bâtiment à l’économie nationale était tombée à 3,3 %. « Même pendant le Covid-19 en 2020, nous avons réussi à atteindre 4% », a-t-il avancé. Il estime donc que la nouvelle loi réglementera désormais l’industrie et que les fournisseurs de matériaux de construction, d’équipement, les installations et la main-d’Å“uvre destinés à la construction sont inclus dans ce processus.
Vikash Nuckcheddy se félicite que l’un des objectifs de l’autorité prévue dans ce contexte consiste à promouvoir l’utilisation de technologies émergentes et de nouvelles méthodes. Ce n’est que lorsque de nouvelles techniques seront favorisées que certains comprendront qu’un exercice d’appel d’offres n’est pas destiné à obtenir le prix le plus bas mais à obtenir le meilleur rapport qualité-prix, a-t-il argué.
De plus, le PPS trouve que le projet de loi privilégie la standardisation et l’amélioration des matériaux de construction, ce qui encouragera la préfabrication. Il est d’avis que le projet de loi aidera l’industrie à prospérer, favorisera un esprit de partenariat et que celui-ci est cette fondation qui résistera à l’épreuve du temps.
Arvin Boolell, chef de file du PTr: « Une Half-Baked Piece of Legislation »
Arvin Boolell avance que le secteur de la construction étant complexe, un gouvernement responsable n’aurait pas précipité ce projet de loi. Il propose que le GM aurait dû produire un White Paper pour engager des consultations. « L’indifférence du ministre a bien été constatée par les parties prenantes du bâtiment. The stakeholders do not share the enthusiasm of the minister », dénonce-t-il.
Arvin Boolell accuse le gouvernement d’avoir délibérément « bled to death » ce secteur en le laissant face à un manque accru de main-d’œuvre. Avec la Construction Industry Authority (CIA), la nouvelle entité avec une Open-Ended Legislation, le champ est libre pour opérer via des Regulations, comme le gouvernement le fait actuellement avec le réenregistrement des cartes SIM sous la ICT Act.
Arvin Boolell a dénoncé le fait que le ministre de tutelle aura des pouvoirs quasi absolus sous ce cadre légal, dont la nomination du General Manager de la CIA. Il dit que le conseil d’administration de cette instance n’aura aucune indépendance vis-à -vis du ministre. Il a aussi averti d’un possible conflit d’intérêts, car des membres du conseil administration feront partie du Registration Panel, l’organisme de la CIA responsable d’octroyer les divers permis relatifs.
D’autre part, il a commenté la pénurie de main-d’œuvre qualifiée devenue chronique. Il a aussi remis en question la politique du gouvernement de laisser la porte ouverte aux compagnies de constructions étrangères. Il réclame davantage plus de transparence et de redevabilité quant au bâtiment, un secteur où les pratiques corrompues peuvent facilement devenir la norme.
Arvin Boolell a ensuite indiqué qu’à Maurice, des immeubles de plus en plus hauts sont construits. Il préconise la prudence pour éviter des catastrophes à la Grenfell Tower à Londres et ajoute que l’incendie de Shoprite à Maurice aurait dû être un Wake-Up Call.
Par ailleurs, Arvin Boolell est revenu sur l’inondation du cimetière de St-Jean, où la construction des voies pour le Metro Express aurait eu un effet désastreux sur le système de drains dans cette zone, ou encore l’hôtel Europa à Curepipe, devenu un repaire de toxicomanes.
Pour conclure, Arvin Boolell a lancé un appel au ministre Hurreeram de ne pas précipiter le vote d’une « half-baked piece of legislation » et de privilégier la sécurité publique.