Au menu quotidien des patients des hôpitaux : implacable réquisitoire de l’état à la Santé de Jagutpal

La silver bullet du ministre Kailesh Jagutpal pour déjouer l’offensive de l’opposition parlementaire contre l’état de déliquescence à la Santé, en particulier dans trois hôpitaux, dont le porte-drapeau, l’hôpital Dr Jeetoo, a été déviée par la teneur d’un Audit of Catering Services de l’Internal Control Unit du même ministère en date du 11 juillet dernier. Cet implacable réquisitoire, que ce soit contre la qualité de la nourriture servie aux patients de l’hôpital Jeetoo de Port-Louis, du Brown-Séquard Mental Health Care Centre de Beau-Bassin et du Shri Bharati Eye Hospital de Moka, et également le niveau des services et des équipements médicaments, relègue au second plan le post Facebook des députés de l’opposition Eshan Juman et Shakeel Mohamed. Sauf que les dénonciations, il y a deux semaines, de ces députés travaillistes, confirment une attitude de laissez-faire plus que condamnable au niveau de la haute hiérarchie administrative et politique à la Santé.
Des fonctionnaires affectés à l’Internal Control Unit de la Santé avaient d’abord effectué des descentes des lieux dans les établissements hospitaliers susmentionnés en début d’année, notamment le 9 mars dernier pour l’hôpital Jeetoo, avec un catalogue de manquements les uns plus préoccupants que les autres dressés à cette occasion. Puis, le Draft Internal Audit Report sur les catering services d’une quarantaine de pages soumis officiellement le 11 juillet dernier. Et ensuite la tenue d’un Exit Meeting sur le rapport, présidé par le secrétaire permanent de la Santé le 22 septembre dernier.
Autant d’occasions ratées au sein de l’establishment de la Santé de rectifier le tir et de redorer le blason, avec une moyenne de dépenses de Rs 35 millions chaque jour en provenance des contribuables. Pourtant, à la fin du mois dernier, le coup d’éclat du bouillant député du Parti Travailiste, celui-là même qui mène la guérilla parlementaire sur le scandale de Pack Blister au coût de Rs 476 millions de la pandémie de Covid-19, n’a fait que révéler le cauchemar en plein jour dans ces hôpitaux.

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« Chaotic situation »

Avec la Private Notuce Question (PNQ) du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, de mardi dernier, le ministre Jagutpal s’était préparé à renverser la vapeur sur l’opposition parlementaire avec une réponse liminaire fleuve. Mais il a été assommé lourdement par l’Audit of Catering Services, dont une copie a été fuitée en faveur du leader de l’opposition, qui s’est permis le luxe, en cette période préélectorale, de déclarer « Mr Speaker, Sir, it’s the Minister’s officers who are giving us these reports because they are disgusted with you. That is the truth ! »
En dépit de ces critiques acerbes formulées par l’Internal Control Unit de la Santé, Kailesh Jagutpal continue à s’agripper à la thèse à l’effet que « l’opposition est en train de saper la confiance des Mauriciens dans les services hospitaliers. » Comme ce fut le cas lors des précédents scandales ébranlant ce ministère depuis 2020, que ce soit pour Black and Blister ou encore la Molnupiravir Saga, Kailesh Jagutpal trouve dans les fonctionnaires un bouclier de défense en déclarant « je laisse à la population le soin de juger qui sert mieux son pays : les membres de l’opposition ou les 14 000 hommes et femmes qui travaillent dans la santé publique pour sauver des vies. »
À l’hôpital Jeetoo, le constat chaotique et préoccupant porte surtout sur la qualité des repas et les conditions dans lesquelles ils sont servis. Mais l’état hygiénique des lits et des Wards de l’hôpital, avec des risques potentiels pour la santé de ceux qui y ont été admis pour se faire soigner, est dénoncé sans fioritures dans le rapport, gênant encore considérablement Kailesh Jagutpal qui, malgré tout, continue à parler de complot de l’opposition.
D’entrée de jeu, l’Internal Control Unit note par rapport à cet important établissement hospitalier de Port-Louis que « a survey at both the Warehousing Stores of the Surgical and General Stores revealed a chaotic situation. » Une absence totale de contrôle sur l’approvisionnement des ingrédients pour la préparation des repas pour les patients est mise en évidence.
« Due to unavailability of ledgers and goods forms 5, it could not be ascertained since when exactly updating was not being done at both stores and the quantum of backlog available », souligne le rapport, qui dresse également une liste des errors in casting and calculatuion, dont entre autres 33 pots de conserves en moins 24 boîtes de petits pois en plus avec un double entry in the ledger. Une des conséquences de ces maldonnes pourrait se traduire par « a disruption of catering services to patients and staff. »

Gaspillage flagrants

Toutefois, le pire problème surgit au niveau des repas servis chaque jour aux patients avec de graves lacunes au titre de « the exercise of tallying of number of requests for meal with attendance. » De ce fait, des cas de gaspillage flagrants. Le rapport de l’Internal Control Unit met en avant que les directives du Regional Director de l’hôpital du 6 mai 2022 établissent les procédures à cet effet.
Le jour de la descente des lieux, soit le 9 mars dernier, les officiers de l’Internal Contril Unit avaient constaté que le menu du jour, soit le riz, le pain, des haricots blancs, de la pomme de terre et des carottes, du giraumon, du soya, de la salade de concombre et des oranges, était prêt pour être servi dès 11 heures. « The food was hot at that time », dit encore le rapport.
Une premier écart aux procédures est relevé, à savoir « instead of using food trolleys, ordinary trolleys were seen to be used to transport food which did not have any element to keep food warm. » La raison avancée par les membres du personnel concerné est que « food trolleys are heavy and hence could not be used to fetch food from the Catering Unit. »
Plus grave encore est alors qu’il est recommandé que le repas soit présenté dans des récipients en acier inoxydable, dans au moins deux cas, notamment pour les patients des Chemo and Transit Departments, des conteneurs en plastique sont utilisés. « Plastic containers can be a cause of contamination of food and may be detrimental to patients’ health, especially when food contained are hot. It is also to be noted that such containers are not easily cleaned », souligne à juste titre le rapport.
Même si les repas chauds sont prêts à être consommés à 11 heures, la distribution aux malades dans les Wards se fait avec des délais allant jusqu’à 45 minutes et, de ce fait, les repas sont froids avec des risques de perdre toute leur saveur au moment de la consommation. « Out of the 23 wards, in 20 wards, a delay of 15 minutes or more was observed in the collection of food », constate le rapport sur la base du Survey effectué à l’hôpital.

Repas froids

L’explication fournie par les membres du personnel est que « they had other woks to do on the way to the Catering Unit and there was also a shortage of staff. » Le témoignage d’un patient, qui avait été admis à l’hôpital Jeetoo du 23 février au 6 mars de cette année, est édifiant à plus d’un titre. « Il n’y a pas un seul jour où j’ai pu boire une tasse de thé encore chaud au cours de cette période », devait-il déclarer.
Mais il n’y a pas que la qualité de la nourriture et du service à déplorer avec l’Internal Control Unit de la Santé affirmant que « the level of hygiene and cleanliness was found not be satisfactory in certain wards. »

Punaises

Cet aspect de la gestion à l’hôpital Jeetoo n’a pas été soulevé par le tandem Juman-Mohamed. D’abord, la présence de la cigarette dans l’enceinte de l’hôpital en dépit des Notices of a Non-Smokig Zone at the Main Entrances. Ces infractions sont attribuées invariablement aux membres du public aussi bien qu’aux fonctionnaires de l’hôpital.
Avec photos à l’appui, le rapport dénonce que «there were dirt pillows and bed curtains/sheets at time of survey in wards. Patients complained of bed sheets not regularly being changed and smell dirty. Pillow cases were not available in some cases. In one case, one bed sheet was found stained with blood of a patient.» Les demandes des patients pour des changements de la literie auprès des membres du personnel tombaient régulièrement dans l’oreille d’un sourd et aussi sans compter la présence d’une poubelle sans couvercle à côté du lit d’un patient dans un Ward. Et la présence de punaises dans les Wards de l’hôpital civil. « One patient even showed the Internal Control Team a video of how pests were occupying his bed. Following his complaint to the staff of the ward, his bed was changed. But the bugs were still present in the ward at the time of our visit. A bug was noted in the plate of the patient », peut-on lire à la page 19 du rapport soumis au ministère depuis le 11 juin dernier.
Pour conclure cette énumération de manquements graves à l’hôpital Jeetoo, l’Internal Audit Report, à ne pas confondre comme Kailesh Jagutpal avec le rapport de l’Audit, épingle l’administration au chapitre des Health and Safety Issues, notamment que « metal bed with protruding metal pipes was found in the Orthopaedic Ward […] The medical bed represents a hazard of impalement due to a non-protected edge of the pipe.. »
Pourtant, ce lit constitue également un danger non seulement pour les patients, mais aussi pour les membres du personnel de l’hôpital…

 

Hôpital Brown-Séquard : au menu, des brèdes songe de six jours et des lalos pourris

Le régime alimentaire auquel sont soumis les internes de l’hôpital Brown-Séquard, soit 375 en permanence pour les 550 lits disponibles, est stupéfiant. Sans jeu de mots, et à plus d’un titre. Des plats de brèdes songe cuisinés il y a au moins six jours. Des lalos pourris, dépassant tout entendement. Des margozes vraiment amers à consommer de par leur qualité avariée. Ce diagnostic alimentaire ne relève nullement d’une revendication politicienne. Mais bien plus d’un cri des membres de l’Internal Control Unit qui ont visité les locaux du Brown-Séquard Mental Health Care les 21 avril et 17 mai de cette année, tout en sachant pertinemment bien que « patients at BSH are mentally not in good health, hence, they cannot voice out the quality of food being given to them. »
Le bilan établi de ces deux déplacements est sans appel. « Vegetables delivered were of not the required standards and of poor quality. Vegetables were found rotted and not fresh. There were ladies’ fingers and margoze ; aubergines and cucumbers were not fresh. Onions were found sprouted », assomment les Internal Auditors, qui ajoutent que « not only the ladies’ fingers were rotten but they were also found not to be appropriate for cooking as per the requirement of the ministry. Seeds were found inside of unacceptable range. »
Mais l’Internal Control Team n’était pas au bout de ses surprises. Les chambres froides de BSH avaient conservé leurs secrets sous forme de leftover food en tous genres, en l’occurrence
l « one tray of cooked brède songes, weighing 16,5 kg was found in the -18 °C Cold Room » avec les entrées officielles confirmant que ce plat avait été cuisiné il y avait déjà six jours ;
l 21 pièces de poulet déjà cuites,
l un plateau de poisson frit
l un autre plateau de thon et
l un plateau de riz cuit
l 12,8 kilos de poulet précuit depuis la veille et
l Un plateau de pommes de terre, de carottes et de voëm
Aux dires des membres du personnel de BSH, ces ingrédients devaient servir à la préparation de Canjee. « The Internal Control Unit has witnessed the preparation of the Canjee and the cooked rice and fried fish were used in its preparation. Hence, fresh food was not prepared for patients. »
Et pourtant, dans sa réponse liminaire à la PNQ, Kailesh Jagutpal s’est permis de se vanter de la liste des Awards obtenus par la Santé tout en dénonçant que « members (of the opposition) are deliberately inducing the public in error by making false and malicious allegations, sapping the confidence and trust of the public, purely for political mileage and gains. »
À aucun moment le ministre de la Santé ne s’est douté que le leader de l’opposition disposait entre ses mains d’une bombe à retardement, sous forme d’un Audit of Catering Services qui risque de faire encore mal au sein du public que le post Facebook du Parti Travailliste…

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