Eric Dupond-Moretti, « serein » et qui a « hâte » de s’expliquer selon son entourage, devrait avoir la parole pour une déclaration liminaire dès la fin d’après-midi. Son interrogatoire est prévu mardi matin.
L’ex-avocat star, l’une des rares personnalités connues de la Macronie, a gardé la confiance du président de la République malgré sa mise en examen.
Le temps de l’audience, prévue jusqu’au 16 novembre, il restera ministre comme si de rien était, ou presque: des mesures seront prises « afin d’assurer le bon fonctionnement des pouvoirs publics et la continuité de l’État », comme des délégations de signature, une absence excusée au Conseil des ministres ou encore son remplacement au banc du gouvernement au Parlement, a précisé une source gouvernementale.
« Il faudra qu’il ait le temps nécessaire pour se défendre », a justifié vendredi la Première ministre Elisabeth Borne.
– « Règle claire » –
Eric Duponc-Moretti, nommé à la surprise générale en juillet 2020, joue sans doute son avenir en politique. Interrogée début octobre sur la question d’une démission en cas de condamnation, Elisabeth Borne avait répondu qu’il existait une « règle claire », déjà « appliquée » à d’autres ministres, en référence à Alain Griset qui avait dû quitter le gouvernement.
S’il est reconnu coupable de « prise illégale d’intérêts », le ministre encourt cinq ans d’emprisonnement, 500.000 euros d’amende, ainsi qu’une peine complémentaire d’inéligibilité et d’interdiction d’exercer une fonction publique.
L’ancien ténor du barreau se dit « innocent » et répète n’avoir fait que suivre « les recommandations » de son ministère en lançant des enquêtes administratives contre quatre magistrats avec qui il avait eu des différends quand il était avocat.
Ce dossier inédit débute fin juin 2020, en marge de l’affaire de corruption dite « Paul Bismuth » visant l’ancien président Nicolas Sarkozy, quand Le Point révèle que le Parquet national financier (PNF) a fait éplucher les factures téléphoniques de plusieurs avocats, dont Eric Dupond-Moretti, pour débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé M. Sarkozy et son avocat Thierry Herzog qu’ils étaient sur écoute.
Eric Dupond-Moretti, ami très proche de Me Herzog, dénonce une « enquête barbouzarde ». « On a basculé dans la République des juges », s’insurge celui qui est alors l’un des avocats les plus médiatiques du pays, avant de porter plainte.
La garde des Sceaux d’alors, Nicole Belloubet, avait demandé une « inspection de fonctionnement ». Devenu ministre, Eric Dupond-Moretti avait ensuite ordonné une enquête administrative contre deux magistrats et la cheffe du PNF pour déterminer d’éventuelles fautes individuelles.
– Castex, Belloubet, Molins –
Il avait aussi ouvert, dans une autre affaire, une enquête administrative contre un ex-juge détaché à Monaco dont il avait dénoncé en tant qu’avocat les méthodes de « cow-boy » et contre lequel il avait porté plainte au nom d’un client pour violation du secret de l’instruction.
Pendant l’enquête, Eric Dupond-Moretti, qui a toujours entretenu des relations rugueuses avec les magistrats, a dénoncé une instruction « biaisée » visant à « salir la réputation d’un ancien avocat » et nourrir son procès en « illégitimité à occuper les fonctions de garde des Sceaux ».
Une vingtaine de témoins se succèderont à la barre au procès, dont l’ancien Premier ministre Jean Castex et Nicole Belloubet.
Seront aussi appelés à témoigner les quatre magistrats visés – et blanchis après leurs procédures disciplinaires -, des syndicalistes à l’origine des plaintes contre le ministre et l’ex-procureur général près la Cour de cassation François Molins.
Il est le ministre de « tutelle des magistrats », le « ministre d’une partie des députés qui vont le juger » et l’avocat général « qui va requérir contre lui doit toute sa carrière à la Macronie », a fait valoir dimanche sur Radio J le patron du Parti socialiste Olivier Faure, craignant un procès « largement tronqué ».
« La journée (il va) être jugé et puis il revient à son bureau le soir traiter des affaires de la justice »… « ça laisse planer une suspicion », a regretté Sébastien Chenu (RN).
La CJR est une juridiction mi-juridique mi-politique, composée de trois magistrats de la Cour de cassation et de douze parlementaires de tous bords, régulièrement critiquée pour la clémence de ces jugements.
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