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Dr Grégory Amouyal : « On peut guérir de l’adénome de la prostate »

🔴 « Les chiffres donnés en France indiquent que 60% des hommes âgés de 60 ans ont un adénome de prostate et que cette proportion augmente avec l’âge » 🔴 « Le principe de l’embolisation est de s’introduire, à travers les vaisseaux périphériques du corps – ici, le poignet – pour atteindre ceux de la prostate pour aller les boucher par l’intérieur »

Savez-vous que l’adénome de la prostate est une maladie tellement répandue qu’elle pourrait concerner 60% des hommes de plus de 60 ans ? Je l’ignorais jusqu’à ce qu’un ami me révèle dans le même temps qu’il était atteint d’adénome de prostate symptomatique et qu’il s’était rendu en France se faire soigner en subissant une embolisation. Une opération qui lui a fait, affirme-t-il, se ressentir comme un homme de trente ans au niveau de ses fonctions urinaires. Il était tellement enthousiasmé par les résultats de son opération que j’ai voulu en savoir plus sur l’adénome et l’embolisation de la prostate. Pour ce faire, je me suis adressé au médecin français qui avait pratiqué l’opération. C’est pour cette raison que je vous propose l’interview qui suit, réalisée par téléphone, dans le courant de la semaine. L’interviewé est le Dr Grégory Amouyal, radiologue interventionnel et spécialiste de l’embolisation de la prostate qui a fait ses études de médecine en France. Français né en Martinique, il revendique, avec fierté, avoir des origines diverses comme ce fut souvent le cas dans les colonies françaises : algérienne, tunisienne, haïtienne et française. Il a fait ses études de médecine et a été formé à la radiologie interventionnelle à l’hôpital européen Georges Pompidou. Il a travaillé par la suite à l’hôpital Saint-Louis de Paris avant de pratiquer dans une structure libérale. Le Dr Amouyal exerce à l’hôpital privé Geoffroy Saint-Hilaire, à Paris

🔴 Est-ce que l’adénome de la prostate, dont on ne parle pas beaucoup, est une maladie récente, une maladie dite moderne ?

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— C’est une maladie connue qui affecte une grande proportion des hommes à partir de 50 ans. C’est une maladie assez invalidante au quotidien pour le patient qui a des envies pressantes d’uriner qu’il a du mal à satisfaire, surtout quand il a besoin de se déplacer. Quand il change d’environnement, il faut qu’il sache où sont les toilettes au cas où il aurait une envie pressante. C’est une maladie assez handicapante parce que le patient a du mal à se retenir et à contrôler sa vessie, d’une part, et que, de l’autre, il peine à la vider et passe du temps aux toilettes, alors que d’habitude, uriner c’est une formalité.

🔴 Le volet performance sexuelle joue-t-il aussi un rôle dans cette gêne des hommes atteints des maladies de la prostate pour en parler ?
— Oui. On sait qu’il y a des troubles de l’érection qui sont fréquemment associés lorsqu’on a des problèmes pour uriner. Il est fréquent qu’il y ait des problèmes d’érection chez ces hommes-là, et je me rends compte, après avoir discuté avec mes patients, que les hommes ne partagent pas souvent ce genre de désagréments. C’est pour cela qu’il faut les dépister durant la consultation.

🔴 Je suppose qu’ils préfèrent de loin parler de leurs supposées performances sexuelles que de cette maladie, quand ils l’ont…
— C’est exactement ça !

🔴 Les statistiques officielles indiquent qu’un peu plus de la moitié des hommes ayant dépassé 50 ans peuvent avoir une maladie de la prostate. C’est énorme : ça fait pratiquement un homme sur deux !
— Exactement. L’adénome, qui est aussi appelé hypertrophie bénigne de la prostate, désigne le fait que la prostate croît sous l’effet des hormones masculines et aussi de l’âge. Donc, elle continue à croître, devient symptomatique, en général à partir de 50 ans. Les chiffres donnés en France indiquent que 60% des hommes âgés de 60 ans ont un adénome de prostate et que cette proportion augmente avec l’âge. Les observations médicales indiquent que 25% de ces patients en sont symptomatiques et ont besoin d’un suivi médical dans les 5 premières années de la maladie, c’est-à-dire des traitements médicaux, et si c’est insuffisant, une intervention : de la chirurgie qui est le traitement le plus connu ou l’embolisation, un traitement de radiologie interventionnelle qui est une alternative à la chirurgie. C’est une maladie connue et les médecins généralistes ont tendance à référer les malades à des urologues qui sont les spécialistes de l‘appareil urinaire et, notamment, des traitements chirurgicaux de ces troubles-là. Les traitements novateurs comme l’embolisation sont moins connus.

🔴 L’embolisation de la prostate est-elle un traitement récent ?

— Non, ce n’est pas le cas. Elle date d’une bonne dizaine d’années, mais il y a un problème de communication là-dessus dans la mesure ou les patients parlent de leur gêne urinaire à leur médecin, mais peu ou pas entre eux, dans la vie privée. Par ailleurs, il est difficile de faire changer les pratiques des médecins généralistes afin qu’ils orientent les patients vers les traitements novateurs, en alternative aux traitements usuels qu’on peut leur proposer. L’embolisation devient de plus en plus populaire grâce aux patients qui se transmettent l’information, mais ne connaît pas encore la popularité qu’elle mériterait.

🔴 Quels sont les symptômes de l’adénome de la prostate ?
— C’est l’obstruction à l’écoulement des urines. Des difficultés d’uriner avec un jet faible, un retard à l’initiation des urines, une durée d’émission qui est rallongée et, parfois même, des gouttes retardataires. Ça, ce sont les symptômes liés à la phase de vidange. Il y a ensuite les symptômes de remplissage qui sont liés à l’irritation de la vessie. L’adénome, lorsqu’il grossit, va appuyer sur la vessie et l’agresser, ce qui va la faire se contracter plus que d’ordinaire. Le malade se plaindra d’avoir des envies fréquentes d’uriner, plus rapprochées que d’ordinaire, ainsi que des besoins urgents d’uriner qui peuvent donner lieu à des fuites qui sont très embarrassantes pour le patient et affecter son moral parce qu’il sent ne plus être en possession de ses moyens. L’autre type de symptômes est le fait que les malades sont obligés de se lever plusieurs fois la nuit pour aller aux toilettes.

🔴 Existe-t-il des symptômes avant-coureurs de cette maladie ?
— Non. Les symptômes se font sentir de manière progressive, au fur et à mesure que la maladie se développe.

🔴 Peut-on combattre l’adénome de la prostate avec des médicaments ?
— Oui. Mais il y a une proportion significative de patients qui supportent mal le traitement médicamenteux, parce qu’ils peuvent être sujet à des vertiges et, nous en avons parlé, à un retentissement d’un point de vue sexuel en raison de troubles de l’érection et même à celui de l’éjaculation, parce que les médicaments peuvent diminuer les forces de contraction lors de l’éjaculation.

🔴 Faut-il comprendre qu’il est préférable d’avoir recours à la chirurgie plutôt qu’à un traitement à base de médicaments ?
— Oui, lorsque le traitement médicamenteux devient inefficace, n’est pas bien toléré et que le patient est gêné au quotidien par les symptômes décrits. En général, les patients, les plus jeunes surtout, hésitent à avoir recours à la chirurgie parce qu’il est possible que cela affecte leur vie sexuelle avec, possiblement, un long temps de guérison. C’est pour cette raison que beaucoup de patients préfèrent l’embolisation, qui est globalement un processus plus doux et qui, par ailleurs, préserve les fonctions sexuelles, et notamment l’éjaculation.

🔴 Peut-on guérir de l’adénome de la prostate ?
— Les médicaments soulagent, mais ne guérissent pas de l’adénome. La chirurgie et l’embolisation oui. Il y a eu des études randomisées qui ont établi que les résultats de l’embolisation et la chirurgie étaient pratiquement similaires en termes d’efficacité.

🔴 Vous avez dit que l’embolisation date d’une dizaine d’années. De quel pays est originaire cette technique ?
— Les premiers patients qui ont été traités par ce procédé l’ont été en 2012 au Brésil et au Portugal. Le procédé s’est ensuite répandu à travers le monde et notamment en Europe, où des centres de référence ont été créés. En France, il faut mentionner celui de l’hôpital privé Geoffroy Saint-Hilaire à Paris, où j’exerce. J’ai auparavant évolué à l’hôpital Saint-Louis et j’ai la chance de continuer à collaborer avec le Pr Desgrandchamps, un éminent urologue qui reconnaît une place à l’embolisation.

🔴 Si on vous a bien compris, certains urologues sont, en général, réticents pour recommander l’embolisation à leurs patients. Pour quelle raison ?
— Je pense que pour certains, cette technique représente une menace pour leur activité, alors qu’elle ne concerne qu’une minorité de leur patientèle.

🔴 Comment est-ce que vous vous êtes spécialisé dans cette technique que vous qualifiez de novatrice ?
— Je voulais faire quelque chose qui s’apparentait à la chirurgie. Quand j’étais étudiant en médecine, je suis tombé face à face avec un radiologue interventionnel, c’est le nom que l’on donne au spécialiste qui fait ça, et il m’a fait assister à une intervention de ce type-là et j’ai trouvé ça remarquable. C’est une discipline qui ressemble beaucoup à la chirurgie, dans la mesure où on intervient sur le patient, mais en utilisant toute la technologie de l’imagerie médicale du corps humain qui permet de modéliser le site opératoire et l’intérieur du corps du patient. Cela donne une vision de l’ordre du millimètre et permet d’opérer sans avoir besoin d’ouvrir le corps du patient – on fait des ponctions à travers la peau – et de le traiter sans cicatrice.

🔴 Comment se passe une consultation suivie d’une opération ?
— Je rencontre les patients en consultation préopératoire pour leur expliquer le principe du traitement, répondre à des questions et modifier les prescriptions qu’il faut et pour le suivi, je peux leur faire une imagerie de l’opération.

🔴 Il se passe combien de temps entre la consultation et l’opération ?
— Tout dépend des délais de l’intervention. La consultation a lieu au plus tard quarante-huit heures avant l’opération, qui sont les délais médicao-légaux en France. Après, tout dépend de l’état d’avancement que souhaite le patient. Le gros avantage est que c’est une opération ambulatoire. Le principe c’est de traiter la prostate uniquement par ses vaisseaux sanguins sans en retirer des tissus, ce qui permet de ne pas avoir de séquelles. On n’enlève pas le tissu de la prostate, on va juste modifier sa consistance en faisant le traitement par les vaisseaux. Ce qui va être à l’origine de la guérison du patient, c’est qu’on va modifier la consistance de la prostate en la ramollissant, car elle est initialement dure, comme une balle de golf, et elle appuie sur les structures de l’appareil urinaire, ce qui provoque les symptômes déjà décrits. Suite à l’embolisation, elle va se ramollir, devenir beaucoup plus souple, comme une éponge, et arrêter d’appuyer sur les structures de l’appareil urinaire, ce qui va permettre au patient de recouvrer ses fonctions normales, donc de guérir. Et comme on ne retire pas de tissu de la prostate, tous les autres tuyaux qui y circulent – comme ceux de l’éjaculation – restent intacts. Il n’y a pas de modification de la fonction éjaculatoire ni de la fonction de l’érection.

🔴 En quelque sorte, vous réparez ou vous restaurez la prostate, sans modifier son fonctionnement, si on peut dire ?
— Exactement. Le principe de l’opération est de s’introduire, à travers un vaisseau périphérique du corps – ici, le poignet – de naviguer dans les vaisseaux et d’atteindre ceux de la prostate pour aller les boucher par l’intérieur. Par chance, il n’y a pas de nerf dans les vaisseaux humains, par conséquent, cette opération est complètement indolore et permet de ne pas avoir recours à l’anesthésie générale du patient.

🔴 Le patient peut-il suivre la progression de son opération sur vos écrans de contrôle ?
— Plus ou moins. Et pour lui éviter de s’ennuyer, car l’opération dure entre une heure et une heure et demie, on lui administre, par les veines, des sédatifs qui vont lui permettre de se détendre. Après, le patient peut, s’il le désire, discuter avec l’opérateur tout en suivant les phases de l’opération sur écran. On peut envisager une sortie entre une demie et une heure après l’intervention. Après l’opération, il se repose sur un brancard ou dans un fauteuil, et peut rapidement quitter l’établissement et rentrer chez lui. Il n’y a aucune douleur postopératoire immédiate.

🔴 Peut-on dire qu’après l’opération, le patient redevient un jeune homme avec un appareil urinaire remis en état de marche ?
— La première chose que font les patients est d’aller aux toilettes après l’intervention. Au moins un patient sur deux dit que la première miction – ou fonction d’uriner – après l’opération est déjà plus facile qu’avant.

🔴 Vous décrivez une opération réussie à tous points de vue. Mais est-ce qu’il peut avoir, quand même, des effets secondaires à une embolisation de la prostate ?
— J’ai publié, l’année dernière, un article scientifique sur la mise à jour des effets secondaires, justement. Cet article établit que lorsqu’un patient est pris en charge par une équipe experte en embolisation de la prostate, les complications sont désormais en dessous de trois pour cent et sont mineures et transitoires. Ce sont des épisodes ponctuels qui surviennent pendant les quinze premiers jours et sont des symptômes légers qui ne nécessitent ni hospitalisation ni chirurgie.

🔴 Est-il possible que l’adénome revienne et se développe après l’embolisation ?
— Oui. Selon des publications scientifiques spécialisées, il est connu qu’après 8 ans, on a à peu près 15% de récidive des symptômes liés à ce que l’on appelle les repousses de l’adénome. Comme déjà expliqué, l’adénome de la prostate est une croissance de la glande sous l’effet des hormones masculines. Le chirurgien va retirer une bonne partie de la prostate et sur le pourtour qu’il laisse en place, il y a des repousses qui peuvent grossir au fil des années et générer des symptômes. C’est à peu près le même principe pour l’embolisation qui inactive une bonne moitié de la glande, mais il reste quand même une partie du tissu qui est encore vivant et qui pourrait continuer à grossir sous l’effet des hormones, et au bout de quelques années, il est possible qu’il y ait des repousses de l’adénome…

🔴 Ce qui nécessiterait une nouvelle intervention…
— Oui, parce que, comme je l’ai souligné, il est possible qu’il y ait une récidive des symptômes parce que la prostate continue à pousser. De manière générale, la deuxième embolisation connaît le même taux d’efficacité que la première : environ 85% des patients traités. Les études que j’ai citées disent qu’elle est efficace. En France, même la société savante des urologues a fini par convenir que l’embolisation peut être un traitement alternatif aux patients, en cas de contre-indication pour la chirurgie. Les choses évoluent lentement, mais maintenant, il y a une forme de reconnaissance de l’efficacité de l’embolisation par les spécialistes.

🔴 Y a-t-il beaucoup de radiologues interventionnels pratiquant l’embolisation, comme vous, en France ?
— Il y en a moins que les chirurgiens, mais toutes les grandes villes ont des radiologues interventionnistes.

🔴 Arrivons maintenant à un autre nerf, celui de la guerre. Ça coûte combien de se faire emboliser ?
— Tout dépend du régime de sécurité sociale du patient. Les Mauriciens peuvent, je crois, se faire rembourser s’ils ont une assurance médicale privée. En général, il faut compter 5,000 euros pour une embolisation, en termes de frais médicaux – d’hospitalisation et honoraires inclus –, sans le billet d’avion et l’hébergement. Étant donné que c’est une opération ambulatoire dont les suites sont simples, il n’y a pas besoin d’hospitalisation, et les soins postopératoires se résument à des médicaments dont les coûts n’excèdent pas la centaine d’euros.

🔴 Comment est-ce que les patients mauriciens sont arrivés jusqu’à votre cabinet de consultation à Paris ?
— Principalement par le bouche à oreille. Certains patients me sont également adressés par les urologues qui ont confiance en mon expertise. Nous avons un site internet pour permettre de nous contacter qui est ri-paris.fr. RI comme radiologie interventionnelle. Nous avons également des vidéos sur YouTube qu’on peut voir depuis notre site internet. Elles donnent des informations qui sont dédiées aux patients. Nous avons adapté le discours et la présentation des choses dans un langage facilement clair et compréhensible par le grand public. Les informations contenues dans les vidéos sont étayées par des publications scientifiques qui confirment les détails qui sont donnés. Par ailleurs, nous bénéficions également du bouche-à-oreille. Un patient satisfait non seulement de la prise en charge, mais des résultats de l’opération en ramène d’autres en transmettant sa satisfaction et les informations à ses proches, et ainsi de suite. C’est sans doute comme ça que j’ai eu des patients mauriciens.

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