Dangereuse lubie

Comme il fallait s’y attendre, les événements se sont enchaînés à un tel rythme qu’ils ont vite fait d’enterrer le quart d’heure d’excitation et de vociférations jubilatoires qui a suivi la décision du Privy Council de rejeter l’appel de Suren Dayal contestant l’élection de Pravind Jugnauth et de ses colistiers dans la huitième circonscription.

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Il n’a fallu qu’une question de Rajesh Bhagwan à la rentrée parlementaire du mardi 17 octobre pour que le régime soit pris en défaut et en infraction des recommandations du Pay Research Bureau en procédant à la nomination de Hans Marguerite à la direction du National Empowerment Foundation. Le pot au rose découvert, le CEO de quelques jours a dû démissionner. Encore un record battu.

Ni la ministre de la Sécurité Sociale, qui a sans doute recommandé le maire évincé de Curepipe sur les instructions de son parti et de son leader, ni le conseil d’administration de la NEF, avec son transfuge notoire Raffick Sorefan à la présidence ne savaient qu’ils enfreignaient les règlements. C’est quand même inquiétant. Mais pour eux, le plus urgent était de caser un petit copain.

La fameuse CSG, une dangereuse lubie de Renganaden Padayachy, qui lui a permis de « bangoler » avec la pension des salariés, a aussi occulté le jugement du conseil privé du Roi. Nous l’avions écrit ici même au moment de l’annonce de l’introduction de cette CSG : ce gouvernement ne disposait d’aucun mandat pour liquider le Fonds National de Pension, un totem qui a pris les allures du sacré dans l’imaginaire collectif. Ce n’était annoncé nulle part dans son programme gouvernemental de 2019.

Venir aujourd’hui dire que cette CSG est déficitaire relève d’une négligence criminelle. C’est comme si le ministre des Finances avait joué à la loterie avec l’argent des salariés et autres contributeurs à la CSG et qu’il avait tout perdu. Et il s’en tirera comme cela, ni vu ni connu, juste deux ou trois explications foireuses qui ne convainquent personne et qui font craindre le pire aux retraités d’aujourd’hui et de demain. On se casse pour moins que ça ailleurs !

Pour éloquents que les épisodes Hans Marguerite et CSG auront été de la manière dont les affaires de l’État sont gérées, c’est le cataclysme qui a frappé La Citadelle le samedi 21 octobre qui a retenu l’attention durant la semaine écoulée. S’il n’y a pas eu de blessés à déplorer, le traumatisme des participants au grand concert est, on le devine, encore considérable.

En pleine séquence d’agitations et de réactions émotionnelles ravivées par ce qui se passe au Proche-Orient et de la remise sur le tapis, toujours salutaire, du sort de la Palestine et de ses habitants dépouillés de leur territoire qui, faut-il le rappeler, est une cause juste, universelle et qui transcende religions et partis, qu’ont fait la police et le service de renseignements en amont ? Ils étaient, comme d’habitude, mobilisés pour surveiller les faits et gestes des opposants politiques et des syndicalistes ?

Pourquoi ne pas avoir renforcé la sécurité à La Citadelle ? C’est bien pour le ministre de l’Intérieur de venir faire de grandes déclarations a posteriori et, à ce commissaire de police, trop occupé à croiser le fer judiciaire avec le DPP, à venir dire sa détermination à coffrer les auteurs de ces actes. Au moment où les deux responsables de la sécurité intérieure déblatéraient, les auteurs des faits étaient pour la plupart dans la nature, probablement affairés à défalquer leurs objets tranchants et contendants.

Et pourtant, l’acte perpétré à la nuit tombée sur la capitale ne s’apparente ni plus ni moins à une attaque préméditée, en bande bien organisée et armée, contre des artistes qui ne faisaient qu’essayer de procurer un moment de détente et de bonheur aux familles présentes et dont les recettes étaient destinées à alimenter les caisses de quelques ONG.

Rien de spontané dans l’invasion de cette trentaine de fanatiques encagoulés qui se sont donnés en spectacle avec leurs longs sabres et leurs bâtons télescopiques bien en vue à l’intérieur de ce qui était jadis connu comme Fort Adélaïde et qui est un haut lieu du patrimoine portlouisien et mauricien.

Ceux qui sont venus semer la terreur et qui ont endommagé les instruments des artistes n’étaient pas que les voisins immédiats de La Citadelle puisqu’ils viennent de Port-Louis, certes, mais aussi de diverses autres régions, notamment de Rose-Hill et de Terre Rouge. La preuve qu’ils étaient pour certains étrangers à cette région, c’est qu’ils ont lancé « Isi Plaine Verte, sorti la ale », alors que La Citadelle se trouve dans le N°2 et Plaine Verte au N°3.

Parmi les individus initialement interpellés qui ont semé la terreur à ce paisible concert, un conseiller de ministre, deux policiers et un Train Captain de Metro Express Limited. Le conseiller du ministre Anwar Husnoo, Best Loser du N°3, vite « blanchi » pour des raisons évidentes, a expliqué qu’il s’était rendu au concert pour voir comment cela se passait et ainsi rapporter les faits à son ministre après avoir eu vent de certaines rumeurs.

Ce « bhai looke » d’un nouveau genre, grassement rétribué des fonds publics, se serait donc rendu dans la circonscription voisine pour une mission expresse diligentée par le ministre du N°3. C’est une blague à deux balles qui ne fait rire personne compte tenu de la gravité des événements.

Quant aux policiers et le Train Captain, lorsqu’on sait comment le MSM procède aux recrutements de la base jusqu’au sommet, de la NEF, entre autres, on peut penser que ce sont des pistonnés politiques. Voilà le type d’individus à qui est confiée la sécurité des uns et des autres sur la voie publique et dans le tram.

Avec ce régime, il faut constamment repasser pour ne serait-ce entrevoir le début d’un soupçon de méritocratie. Et c’est ainsi que tout fout le camp dans le pays. Plus rien ne doit étonner…

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