Patrimoine de la capitale : le bâtiment en bois (1906) des Casernes des pompiers sera détruit

« The council is seeking financial clearance from our parent ministry to go ahead with the demolition works », souligne la mairie
La décision des autorités de ne pas évacuer le personnel opérant
au rez-de-chausée suscite la polémique

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Le Mauritius Fire and Rescue Service (MFRS) n’est pas censé veiller que la sécurité dans les bâtiments publics et commerciaux soit respectée. Or, sa caserne en bois de la capitale, patrimoine national, sise à la rue Maillard, qui menace de s’effondrer, ne semble pas émouvoir les hauts gradés de cette institution et les ministères concernés. Certes, la décision a été prise d’évacuer le 1er étage de l’édifice qui abrite les bureaux des Senior Station Officers (SSO) et les Divisional Fire officers (DFO), sauf que les employés opérant au rez-de-chaussée sont tombés des nues en apprenant que cette partie du bâtiment ne sera pas vidée dans la perspective de prévenir le possible effet domino en cas d’effondrement. Dans une lettre adressée mardi au CEO du MFRS, Asok Kumar Kehlary, la mairie souligne que « the council is seeking financial clearance from our parent ministry to go ahead with the demolition works. » Une énième page de la riche genèse de la capitale qui s’effacera…

Un crève-cœur. Le mot n’est pas trop fort pour décrire l’état lamentable dans lequel se trouve le bâtiment des soldats du feu typique du style architectural créole mêlant le bois, la pierre taillée et un toit à forte pente. Située à quelques mètres de l’ancienne Cour suprême, de l’Hôtel de Ville et du théâtre, la caserne des pompiers faisait jadis la fierté des Port-Louisiens. Laissé sans entretien, l’édifice subit au fil du temps une dégradation évidente, tant est si bien qu’en 2006, le ministère des Infrastructures publiques, chargé de mener une enquête structurelle afin de déterminer si le bâtiment pouvait être restauré ou démoli, a fait le constat que le bâtiment souffre de défauts structurels visibles et se trouve dans un état de détresse général et « beyond economic repair » Il est voué à disparaître, en d’autres mots !
Il a alors été proposé de transférer la caserne vers Jin Fei, Riche-Terre, mais le dossier n’a guère avancé. En 2016, il a finalement été question de la construire à la place de l’Immigration, dans le complexe devant abriter le terminal de Metro Express… qui n’est toujours pas sorti de terre. Les choses prennent une autre tournure lorsqu’un rapport, en date du 5 octobre 2017, du département de l’ingénierie civile du ministère des Infrastructures publiques, conclut que « the wooden building is showing alarming signs of being in a dangerous state. » Un péril pour tout le personnel. Ledit ministère ordonne donc l’évacuation de tout le bâtiment. En attendant qu’elle soit vidée, la caserne de la rue Maillard subit des travaux de consolidation des structures, grâce à des pilotis, et le colmatage des brèches dans les murs et le plafond. C’est le Central Electricity Board (CEB), dont les bureaux jouxtent la caserne, qui est à l’origine de ces travaux. « Une honte pour le MFRS et son ministère de tutelle », confie un pompier.

Les années s’égrènent sans que personne ne se décide à appliquer les recommandations des Infrastructures publiques, avant que certaines voix discordantes tirant la sonnette d’alarme sur cette léthargie, au sein du corps syndical notamment, se fassent entendre.

Les toilettes condamnées !

Les réunions se sont succédées ces deux derniers mois entre les ingénieurs des Infrastructures nationales et la MFRS qui ont pris la décision d’évacuer la dizaine d’employés qui travaille au 1er étage du bâtiment délabré, alors que le rez-de-chaussée continuera à abriter les bureaux et salles de repos des pompiers jusqu’à nouvel ordre. Une démarche loin de faire l’unanimité parmi le personnel, qui craint que le toit ne s’effondre sur leurs têtes. Ils sont d’autant plus frustrés que les toilettes ont également été condamnées par les autorités.

La ville de Port-Louis a été ravagée plusieurs fois par des incendies aux 18e et 19e siècles. Les plus dramatiques sont ceux de 1816 et 1892. En général, les incendies dévastaient des pans entiers de la ville, les maisons étant essentiellement construites en bois et en paille. Il n’y existait qu’un magasin à pompes à incendie dans le quartier du port mais, en cas d’embrasement, les habitants pouvaient aller s’approvisionner en eau chez certains particuliers figurant sur une liste officielle. Ce manque a donné lieu à l’inauguration d’une caserne de pompiers en 1906, à la rue Maillard. On peine désormais à reconnaître le bâtiment.

Deux édifices, un en bois et l’autre en pierre, furent construits sur le site où un petit service de pompiers opérait depuis 1851. La brigade de feu fut connectée au réseau électrique lors du lancement du système d’éclairage à l’électricité dans la capitale en 1907. Des équipements datant de l’époque ont été conservés, comme des échelles et une pendule, utilisée pour sonner l’alarme, qui demeure l’un des trois seuls exemplaires dans le monde à avoir été fabriqués par la célèbre compagnie britannique Merryweather. Les amoureux du patrimoine, à l’instar de l’ONG Sos Patrimoine en Péril, ont beau multiplié les initiatives pour que la bâtisse en bois soit préservée et rénovée au lieu d’être démolie, à mesure que s’égrène le temps et au vu de son état de délabrement avancé, il devient de plus en plus évident qu’elle ne retrouvera jamais son lustre d’antan.
Les mots de l’animateur, écrivain et passionné d’histoire Stéphane Bern: «Mal entretenir son patrimoine et l’abandonner à son sort est une faillite intellectuelle, une faute morale, une erreur politique, un non-sens économique » résument parfaitement ce « je-m’en-foutisme » dont font preuve nos politiques.

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