Olivier Gomez , CEO et confondateur d’IAC.ai : « L’avenir de l’intelligence artificielle dépend des humains qui sont derrière »

Olivier Gomez, Chief Executive Officer (CEO) et cofondateur d’IAC.ai, (Intelligent Automation Company and intelligent automation), expert en automatisation et en Intelligence artificielle, était l’invité cette semaine de BDO IT Consulting, qui a organisé mardi dernier une conférence sur le thème Automation and AI Business: Unveiling future busines success in Mauritius. Le Mauricien l’a rencontré pour parler de la Generative AI et de son application. Olivier Gomez note ainsi que « l’avenir de la technologie dépend des humains qui sont derrière ». D’où l’importance, selon lui, de la gouvernance et de l’implication des pouvoirs publics pour contrôler la direction que prend cette technologie. « Si on est capable d’avoir de bonnes gouvernances, on ne peut faire que du bien avec cette technologie. Mais si on la met entre les mains d’industriels peu scrupuleux, cela peut potentiellement partir dans la mauvaise direction », souligne-t-il
Olivier Gomez est basé en France et explique qu’il est dans le domaine de l’automatisation et de l’intelligence artificielle depuis 20 ans. Il a travaillé entre autres pour IBM et Hewlett Packard, où il était responsable de l’automatisation des ressources de la société, qui compte près de 100 000 employés dans le monde, et pour ses clients.

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Le terme Intelligence artificielle (IA) fait le buzz à travers le monde. On en parle dans les discours, les magazines internationaux en font leur Une. De quoi parle-t-on en fait ?

Il faut savoir que ce terme est à la mode aujourd’hui, mais que cela fait très longtemps qu’il existe. Il y a énormément d’intelligence artificielle déjà à l’intérieur de certains produits. Lorsqu’on utilise Netflix, il y a déjà dedans de l’intelligence artificielle. Lorsqu’on se met en interaction avec un site Web qui nous propose certains services, il y a déjà derrière de l’intelligence artificielle. Elle est très présente dans les industries.
L’élément déclencheur qui a provoqué le buzz a été le Chat GPT. C’est un type d’intelligence artificielle bien particulier. Il a révolutionné le regard que nous portions sur l’IA. Auparavant, elle était discrète et invisible. Le Chat GPT a fait un boom dans le monde. Il a été utilisé par des dizaines de millions de personnes. Les gens ont constaté que c’est vraiment révolutionnaire. Cette capacité de dialoguer avec une intelligence artificielle qui est capable de nous répondre. C’était un choc pour les gens.

Est-ce cela que l’on appelle Generative AI ?

La Generative AI s’applique directement au Chat GPT. Plusieurs sociétés sont en mesure de générer la même technologie que Google et IBM. Mais c’est le Chat GPT qui a le plus frappé l’imagination du grand public.

On dit que c’est la plus importante révolution depuis l’arrivée des réseaux sociaux. Est-ce vrai ?

On dit que l’IA a provoqué une révolution supérieure à l’Internet. Donc, on s’attend à voir le Generative AI un peu partout, parce qu’on a la possibilité d’engager une conversation intéressante avec une intelligence non humaine. Avant, on était dans un système d’intervention très limité. On avait besoin d’interagir avec un humain.
Or, malgré ses limitations et ses problèmes, l’interaction avec le Chat GPT peut vraiment permettre de retirer de la valeur. Il faut savoir que le Chat GPT a été entraîné avec toutes les connaissances disponibles sur Internet. Cela veut dire que c’est un super-cerveau qui a les connaissances de tout ce qu’on peut trouver sur le réseau. Toutefois, c’est une intelligence qui n’est pas encore mature. Elle commet des erreurs. C’est comme si on parlait à un enfant de cinq ans qui est omniscient. Il connaît tout, mais n’a pas encore le recul et la maturité nécessaires.
Ces lacunes sont connues dans le monde digital comme de l’hallucination. Personnellement, je travaille avec la Generative AI tous les jours. J’ai un module vocal où je discute avec la machine. Cet exercice me permet de valider certaines de mes idées ou d’en restructurer d’autres. C’est une augmentation de mon propre cerveau, avec le bémol de se dire que parfois, cette IA commet des erreurs. Il ne faut pas prendre tout ce que la machine dit pour une vérité. Il y a des problèmes au fur et à mesure de l’évolution des technologies et avec l’amélioration de la maturité de cette technologie, on aura de moins en moins d’erreurs.

Au niveau de l’éducation, des craintes sont exprimées concernant le risque que les élèves choisissent la facilité en utilisant le Chat GPT pour faire leur devoir sans faire d’effort intellectuel. Qu’en pensez-vous ?

Évidemment, il va y avoir des changements, et chaque changement devrait nous permettre d’évoluer. Dans la nature comme dans la vie, s’il n’y a pas de changements, on est mort. Dans les années 1960, les enseignants se plaignaient de voir les élèves utiliser les calculatrices. Ils trouvaient cela inadmissible et considéraient que ces calculatrices empêchaient les jeunes de faire travailler leur cerveau. Depuis, les calculettes sont entrées dans les mœurs. On les utilise parce qu’on fait des calculs plus compliqués. Ce n’est plus tricher que d’utiliser une calculatrice. L’IA suivra le même parcours. L’interaction avec la machine augmentera nos capacités. Ce qui veut dire que la nature de l’éducation va évoluer. La nature des contrôles à l’école va changer.
Aujourd’hui, des technologies permettent de voir si l’élève triche ou utilise abusivement le Chat GPT. À l’avenir, l’éducation devrait pouvoir s’adapter parce que ces technologies sont là pour rester. Les cours vont continuer à s’adapter à cette situation tout en veillant à ce que les élèves continuent d’apprendre en s’appuyant sur ces technologies.
N’oubliez pas qu’aujourd’hui, dans plusieurs pays, les élèves disposent d’une tablette, qui leur permet d’avoir accès à Google. C’est considéré comme une avancée dans le domaine de l’éducation. On peut imaginer un Chat GPT spécialement conçu pour les enseignants et qui serait là pour aider l’enseignant. La technologie pourra s’adapter au niveau et au besoin de chaque élève. Grâce à la technologie, il pourra détecter ce dont l’élève a besoin individuellement. Cela peut ouvrir des champs très intéressants au niveau pédagogique.

La technologie de l’IA se développe de façon très accélérée, au point que des personnalités, comme Elon Musk de Tesla Motors, commencent à craindre le développement d’une super-intelligence qui menacerait l’intelligence humaine, voire l’humanité. Votre avis ?

Ces craintes se manifestent toujours lorsqu’une technologie très puissante fait son apparition. Prenons par exemple le nucléaire. Avec le nucléaire, deux voies sont possibles, soit on prend celle de la production énergétique, soit celle de la fabrication de bombes nucléaires. L’avenir de la technologie dépend des humains qui sont derrière. Il y a un besoin de gouvernance, un besoin d’impliquer les pouvoirs politiques pour contrôler la direction que prend cette technologie. Le problème n’est pas la technologie, mais les humains qui les utilisent. On peut potentiellement l’utiliser pour faire des choses constructives. On peut le faire pour des technologies moins constructives. Great power means great responsibility.
Tenant en compte que la Generative AI a beaucoup de potentiel, je suis de ceux qui pensent qu’il faut savoir la gérer. C’est pourquoi le patron d’Open AI est allé voir le gouvernement américain en disant que c’est une technologie très puissante qu’il faut encadrer. Le rôle des pouvoirs publics est très important. Si on est capable d’avoir de bonnes gouvernances, on ne peut faire que du bien avec cette technologie. Mais si on la met entre les mains d’industriels peu scrupuleux, cela peut potentiellement partir dans la mauvaise direction.
L’histoire nous montre que chacune de ces technologies ayant du potentiel est gérée avec intelligence. Cette idée de la super-intelligence qui va remplacer l’humanité est bonne pour les films de science-fiction. Le vrai risque n’est pas que la technologie devienne consciente et veuille détruire les humains, mais qu’elle soit placée en les mains d’imposteurs. On peut penser à des pirates, etc.

Vous êtes un spécialiste de l’automatisation et de l’IA… Comment devrait-on utiliser cette technologie ?

L’intérêt de ces technologies est assez large et on peut les utiliser presque partout dans toutes les industries. Il y a énormément de cas d’usage. Il faut identifier dans le secteur privé les activités qui ne sont pas faites forcément pour les humains. Lorsque vous êtes dans un Call Center et que vous répondez 500 fois au téléphone pour dire la même chose, ce n’est pas très motivant. C’est d’ailleurs dans ce genre de métier qu’on a le plus de mobilité. Les gens ne restent pas longtemps. C’est dans ce genre de métiers qu’intervient l’automatisation. C’est la même chose dans les banques, où les guichets automatiques font fonction de caissiers.
On peut craindre bien sûr des pertes d’emplois et le chômage, mais au cours de l’histoire, on a vu que lorsqu’on introduit une nouvelle technologie, il y a toujours une mutation au niveau de l’emploi. À Paris, dans les années 1900, les gens allumaient manuellement les lampadaires tous les jours. Lorsqu’on est passé à l’électricité, ces gens ont perdu leur boulot, mais de nouveaux métiers sont apparus.
Admettons que vous ayez 1 000 articles à lire avant de formuler une opinion et retenir certaines informations, il faudrait normalement plusieurs jours. Or, la machine le fait de manière instantanée. Lorsqu’on automatise, on met en place une technologie et on peut faire du Reskilling, c’est-à-dire former les gens à évoluer. La formation et l’accompagnement empêcheront la marginalisation des travailleurs. Il ne faut pas avoir une vision pessimiste de la technologie et de l’innovation. Il faut se dire que les personnes libérées auront la possibilité de se former dans un travail plus intéressant et mieux payé. L’IA est une technologie disponible 24/24h. En fin de compte, elle facilite l’activité humaine.

Comment mettre cette technologie au service des plus pauvres ?

Au début, l’Internet était essentiellement utilisé par la couche supérieure de la société, mais aujourd’hui, en 2023, des milliards des gens ont accès à l’Internet. Évidemment, cela prend du temps de démocratiser une technologie. Il y a aura toujours des gens ou des entreprises qui utilisent cette technologie plus rapidement. Ils auront évidemment un Competitive Edge. Mais on sait que cette technologie se démocratise. C’est également le cas pour les smartphones, qui sont aujourd’hui utilisés par tout le monde. Il faut laisser le temps au temps.
Le conseil que je donne est « you must embrace the technologies ». C’est très important. Dans 10 ou 20 ans, l’IA sera toujours là, et ceux qui maîtrisent le mieux cette technologie s’en sortiront le mieux. L’autre intérêt de ce genre de technologie est qu’on est capable, avec une petite société qui a de petits moyens, d’entrer en compétition avec les grandes sociétés. Qu’on soit un petit entrepreneur avec deux ou trois employés ou une grande entreprise, on a accès à la même technologie. On peut offrir des services similaires. De plus, on pourrait aller chercher des clients qu’on n’aurait jamais pu avoir avant.

Avez-vous une idée des machines qui pourront être utilisées ?

Ce sera une technologie intégrée. On pourrait envisager avoir une conversation avec votre voiture ou avec un frigo, pour lui demander s’il reste encore des œufs. On peut évidemment avoir une conversation avec son téléphone ou un ordinateur, ou son téléviseur. Le type d’appareil n’est plus important. Quel que soit l’appareil, on aura accès au service. Il y a 20 ans, une voiture, c’était un moteur, quatre roues, un volant et un levier de vitesse. Mais aujourd’hui, une voiture, c’est un ordinateur. Certaines sont même autonomes. Si on y injecte de l’IA, on pourrait discuter avec la voiture.

Vous êtes à Maurice pour parler d’automatisation. Que comptez-vous dire à ce sujet ?

Il y a deux mondes différents. Il y a un monde de la robotisation physique pour l’industrie manufacturière et la fabrication de voitures, entre autres, mais il y a aussi l’automatisation digitale. C’est cela ma spécialisation. Dans une entreprise, il y a un personnel affecté à la fabrication, mais il y a aussi un service administratif, avec des départements de ressources humaines, des finances, d’informatique, etc. Ce qu’on automatise, c’est ce que les gens font sur un ordinateur. Ce qui est le cas pour une grande partie des employés.
Toute personne qui travaille sur ordinateur en utilisant un logiciel peut bénéficier de la technologie d’automatisation et de l’intelligence artificielle. L’objectif est de minimiser le temps que l’employé passe pour réaliser des tâches répétitives sur un ordinateur afin de lui donner du temps et qu’il puisse interagir avec les autres employés.
Si le responsable des ressources humaines passe tout son temps sur l’ordinateur, quel temps aura-t-il à passer avec les employés, et surtout les jeunes recrues, qui ont besoin d’accompagnement. La même chose s’applique pour les finances. La technologie que nous proposons permet d’améliorer la rapidité et le temps de réponse lorsqu’on a une requête. Une machine travaille plus vite qu’un humain.
Pas mal de banques ont adopté cette technologie. Ce qui permet de répondre à une demande de prêt, par exemple, en cinq minutes, et non pas en deux semaines. Il est très important de digitaliser au maximum les données pour pouvoir bénéficier de ces technologies. Le fioul des moteurs utilisant l’intelligence artificielle, c’est des données de qualité. Si on passe du temps à digitaliser son environnement et à améliorer la qualité de ces données, on sait qu’on pourra avoir une vision de meilleure qualité de son entreprise. C’est important.

Qu’est-ce qui devrait être digitalisé à Maurice ?

Le gouvernement mauricien parle souvent de l’utilisation de l’intelligence artificielle. Nous pensons aux appels d’offres. Il y a surtout la santé. Avant d’analyser ce qui se passe dans ce secteur, il faudra d’abord digitaliser. C’est alors qu’on pourra mieux gérer des différents services du secteur de la santé, que ce soit le personnel médical, les médicaments, les équipements, etc.
Si on arrive à minimiser les activités qu’on appelle analogues et maximiser les activités digitales, on pourrait avoir toute la puissance de la technologie pour analyser les données, comprendre la situation et ensuite agir avec l’intelligence artificielle.

Parlez-nous de votre visite à Maurice…

L’idée est de donner une conférence pour expliquer le potentiel de cette technologie à notre audience, notamment aux gens du secteur privé. L’idée est de montrer les opportunités que les sociétés ont à utiliser ces technologies. Évidemment, cette technologie peut être perçue comme quelque chose de très théorique et conceptuelle, alors que les sociétés ont besoin de comprendre concrètement ce qu’elle va leur rapporter.
Mon but est de montrer ce que les technologies sont capables de faire pour que les sociétés comprennent qu’il y a des opportunités pour elles. L’implémentation de ces technologies permettra d’être plus efficace pour le marché mauricien et, potentiellement, à l’international. Cela va très vite dans d’autres pays et il y a donc un enjeu pour le pays afin qu’il ne soit pas à la traîne. Nous voulons démystifier l’IA et démontrer que les entreprises mauriciennes peuvent l’utiliser pour améliorer leur efficacité et le service délivré à leurs clients.

Mon psy est une IA, c’est grave docteur ?

ChatGPT est-il un bon psychologue ? Une responsable de la firme californienne d’intelligence artificielle OpenAI, à l’origine du chatbot viral, l’a récemment suggéré, s’attirant de nombreuses critiques pour avoir minimisé la difficulté à soigner les pathologies mentales.
« Je viens d’avoir une conversation personnelle assez émouvante avec ChatGPT en mode vocal, à propos de stress et d’équilibre travail-vie personnelle », a déclaré Lilian Weng, chargée des enjeux de sécurité liés à l’intelligence artificielle, fin septembre sur X (ex-Twitter).
« Fait intéressant, je me suis sentie écoutée et réconfortée. Je n’avais jamais tenté de thérapie auparavant mais ça ressemble probablement à ça? », s’est-elle interrogée.
Son message permettait évidemment de mettre en lumière la toute nouvelle fonctionnalité (payante) de synthèse vocale du robot sorti il y a près d’un an et qui cherche son modèle économique.
La psychologie « a pour but d’améliorer la santé mentale et c’est un travail difficile », lui a vertement répondu la développeuse et activiste américaine Cher Scarlett.
« S’envoyer à soi-même des ondes positives, c’est bien, mais ça n’a rien à voir » avec une thérapie, a-t-elle tancé.
Mais l’interaction avec une IA peut-elle réellement produire l’expérience positive décrite par Lilian Weng ?
Selon une étude publiée cette semaine dans la revue scientifique Nature Machine Intelligence, ce phénomène pourrait s’expliquer par un effet placebo.
Pour le démontrer, des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l’université d’Arizona ont interrogé 300 participants, expliquant à certains que le chatbot était doté d’empathie, à d’autres qu’il était manipulateur et à un troisième groupe qu’il avait un comportement équilibré.
Résultat, ceux qui pensaient dialoguer avec un assistant virtuel bienveillant étaient bien plus enclins à considérer l’agent conversationnel comme digne de confiance.
« Nous constatons qu’en quelque sorte, l’IA est perçue selon les préconceptions de l’utilisateur, » a déclaré Pat Pataranutaporn, co-auteur de l’étude.

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