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Shalinee Dindyal : « Je ne suis pas une fautrice de troubles »

Elle se qualifie comme un simple travailleur intègre ayant eu le courage de dénoncer haut et fort ce qu’elle a subi dans le cadre d’un exercice de transfert chez Air Mauritius. Elle, c’est Shalinee Dindyal, une habitante de Mahébourg dont le père est commerçant à la foire de la localité et la mère femme au foyer mais souffrante. Dans l’interview qui suit, celle qualifiée de fautrice de troubles  dans certains milieux revient sur les circonstances de ses démêlés avec la direction dans le cadre d’un exercice de transfert qu’elle estime de nature punitive.
Se sentant lésée dans ses droits, cette ex-Customer Service Agent chez Airmate, a décidé de porter plainte au ministère du Travail pour Violence at Work. En attendant la fin de l’enquête du ministère, Shalinee Dindyal affirme qu’elle est très affectée psychologiquement par le traitement subi dans le cadre de cet exercice de transfert. Elle a préféré ainsi démissionner de son poste de Customer Service Agent pour envisager ensuite de porter plainte pour Constructive Dismissal. « Si je faisais partie des clans des betchwa ou des chatwa, je ne serais pas là aujourd’hui, sans salaire et sans emploi. J’aurais profité d’un poste quelque part… », fait-elle remarquer.
Cependant, Shalinee Dindyal affirme qu’elle n’est pas de cette trempe… car elle milite contre le népotisme, la victimisation, et le non-respect des droits des travailleurs. En tout cas, dit-elle : « Je ne suis pas une fautrice de troubles. Loin de là. Je veux tout simplement qu’on respecte les droits et la dignité des travailleurs car ce sont des hommes et des femmes qui font les institutions et non l’inverse. »

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Quel est votre mood en ce moment ?

Korek. Pe trase… Je suis née et j’ai grandi à Mahébourg. Mon père est un commerçant à la foire. Ma mère est souffrante et elle est malvoyante. Je ne suis qu’une simple travailleuse.
Une simple employée qui a eu, cependant, le courage de briser le silence afin de dénoncer la violence au travail. J’ai tout simplement réclamé mes droits et ceux de mes collègues d’Airmate, j’ai organisé tout simplement les travailleurs dans le cadre d’un transfert pour réclamer un délai afin de prendre en considération des conseils sur le plan légal.
Est-ce pour cette raison qu’on doit me persécuter ? Est-ce à cause de cela qu’on doit me qualifier de fautrice de troubles ? Je n’en suis pas une. Loin de là. Je veux tout simplement qu’on respecte les droits et la dignité des travailleurs car ce sont des hommes et des femmes qui font les institutions, et non l’inverse.
Le comble dans tout cela est que maintenant une confédération syndicale invite toute la presse du pays pour me critiquer et défendre Air Mauritius… C’est aberrant, car c’est moi la victime. J’ai écouté attentivement les propos tenus par un dirigeant syndical à mon égard. S’il avait des doutes à propos de l’existence d’une connivence entre cette confédération syndicale et la direction d’Air Mauritius, je pense maintenant que celle-ci s’est dissipée. Elle est de même aux yeux du public. Je demande à tous les travailleurs du pays de tirer leurs propres conclusions.

Depuis quand avez-vous commencé à travailler en tant que Customer Service Agent chez Airmate ?

J’ai commencé à travailler le 28 juin 2010 comme Customer Service Agent à l’aéroport de Plaisance. Il a fallu attendre un certain temps pour que je sois confirmée à ce poste. Ma liste de responsabilités est assez étendue. Cela concerne le Check-In des passagers, l’enregistrement des bagages, les cartes d’accès, les reçus de bagage, les portes d’embarquement, informer les passagers d’un retard dans l’arrivée des avions, s’occuper des passagers de 5 à 14 ans qui ne sont pas accompagnés, aussi bien ceux à mobilité réduite ou souffrant d’autres handicaps, prendre contact avec les hôtels pour héberger les passagers en cas de retard dans l’arrivée des avions, s’occuper également des passagers VIP à la State Lounge, etc.
Nous vérifions les passeports et effectuons également le Profiling des passagers. Parfois, nous sommes aussi appelés à gérer des situations où des passagers sont sous l’influence de l’alcool ou encore venir en aide aux passagers qui ont des difficultés pour débarquer, entre autres.
Nous travaillons d’après un Shift de huit heures par jour mais lorsqu’il y a manque de personnel, on nous propose alors d’étendre notre shift de deux heures de plus pour compléter le travail. Parfois lorsqu’il y a une urgence, je suis la première à être rappelée parce que j’habite Mahébourg.
Mes responsabilités se rapportent aussi aux activités suivantes : « Provide relevant information on flight schedules/delays, perform basic duties linked with the retrieval of mishandled luggage, make necessary announcements, welcome passengers, visitors, perform relevant administrative and operational duties, accompany young persons, unaccompanied minors to hotels, register proper reports for mishandled baggage, deliver baggage to passengers after reception to respective hotels and addresses after customer clearance, prepare vouchers for delivery/collection expenses and interim relief fund, perform duties related to passenger reservations, cancellation of bookings rerouting, seat allocation, boarding, issuing EBT related to excess baggage charges, provide relevant information to passengers, Airlines Tour operators, Hotels with regards to Flight Schedules, delays and rescheduling, attend customer’s special needs… ».
Vous voyez. C’est un job qui demande beaucoup de concentration, et j’aime ce travail. C’est malheureux que la compagnie ait enlevé cette envie de continuer à servir les passagers.

Quand vos démêlés avec la direction d’Airmate ont-ils vu le jour ?

Tout a démarré en mars 2023 lorsque j’ai pris connaissance du projet de transfert les employés d’Airmate aux Ground Operation Services. J’ai été approchée par mes collègues à la suite d’une General Meeting avec la Confédération des Travailleurs des Secteurs Publics et Privé (CTSP) et les employés. Ces derniers ont été appelés à faire connaître leur position à propos de la teneur des clauses du contrat de transfert. Il fallait qu’ils fassent savoir s’ils sont satisfaits ou non du contenu de celui-ci. Vu que mes collègues disaient que certaines clauses sont arbitraires, ils m’ont alors demandé de rechercher un avis légal ou syndical.
N’étant plus un membre syndiqué de la CTSP, j’ai alors pris contact avec Ashok Subron de la General Workers Federation (GWF) pour solliciter un avis technique. Il y a eu par la suite une réunion en présence des employés du département Ground Operation Services. Après la rencontre avec Ashok Subron, j’ai alors informé les travailleurs qui avaient sollicité mon aide.
Je leur ai donc dit qu’il est préférable d’adresser une lettre à la direction d’Air Mauritius pour réclamer des éclaircissements sur le contrat de transfert. Un délai avait été aussi réclamé. À partir du 6 avril, un nouveau contrat pour les travailleurs du département Ground Handling Services, commençait à être distribué à l’aéroport SSR à Plaisance.
Ce contrat était identique au Draft Contract qui vit le jour le 23 mars 2023. Le 7 avril 2023, une équipe du département des ressources humaines continue à distribuer le contrat de transfert dans l’ancien terminal de l’aéroport et lorsque je suis allée récupérer mon contrat de transfert, j’ai été informée par le HR Officer que je serai mise au courant ultérieurement.
J’ai donc pris connaissance du contenu du contrat de Ground Handling Services et j’ai organisé la mobilisation des travailleurs pour adresser des lettres individuelles à la direction pour réclamer un délai en vue de rechercher un avis légal comme mentionné dans la clause 18 du nouveau contrat.
Celui-ci, à l’item Independent Legal Advice, indique que “you acknowledge having had the opportunity to take time to consider and seek independent legal service on the provisions of the present Agreement before signing the same. It is also strictly understood that you shall be given, and are entitled to request time to consider and seek independent legal advice on any terms and conditions contained in any handbook, code of conduct, rules and policies, and any modification intended to be carried out to those terms and conditions”.
Une copie de la lettre a aussi été envoyée au ministère du Travail. Nous avons par la suite sollicité une rencontre avec cette instance. On nous a fait savoir qu’il y a un problème avec le contrat de transfert et qu’une réunion sera organisée avec le Management pour en discuter.
Le 13 avril dernier, Ashok Subron m’a informée qu’il a contacté la présidence de l’Airport Holdings Ltd par rapport à ce contrat de transfert. Le lendemain, j’ai réitéré ma demande pour obtenir mon contrat de transfert et j’ai appris, par la suite, qu’il y a une réunion entre le ministre du Travail, le syndicat qui détient le statut de sole recognition auprès d’Air Mauritius, au cours de laquelle la décision a été prise de Put on Hold ce contrat de transfert. Jusqu’à maintenant, les employés qui avaient adressé des lettres à la direction n’ont pas eu de réponses. Par contre, il y a eu des pressions pour qu’ils signent le contrat.

Quelles ont été les retombées de la rencontre le 12 avril dernier au ministère du Travail ?

Je dois dire finalement que suite à cette rencontre, j’ai commencé à être persécutée. J’ai demandé à un haut cadre pourquoi je n’ai pas encore obtenu mon contrat de transfert alors que d’autres l’avaient déjà. C’est à ce moment précis que ce haut cadre m’a demandé si « je suis une fautrice de troubles tout en lançant à mon égard un sourire sarcastique. C’est donc après la rencontre au ministère du Travail que j’ai commencé à être persécutée et le 19 mai “mo rant travay lor enn shift 14h30”’ et on me fait savoir que l’Administrative Supervisor a besoin de moi tout de suite.
Il m’a fait savoir que le HR manager lui a demandé de passer ce message : un véhicule viendra me prendre à 15h pour m’emmener à Ébène pour une réunion. C’est là qu’on m’a informée que la direction a décidé de me transférer le temps qu’une enquête soit bouclée.
J’ai insisté pour savoir pourquoi ce transfert avec effet immédiat. J’ai demandé si j’ai commis une quelconque erreur ou si j’ai fauté quelque part dans l’exercice de mes fonctions. Est-ce que des passagers ont déposé des plaintes à mon encontre. On m’a dit tout simplement qu’on n’est pas supposé te dire quoi que ce soit. On ne peut rien vous dire.
J’ai fait savoir que d’après mon contrat de travail avec Airmate, on peut me transférer uniquement On Operational Basis. Lorsque j’ai commencé à évoquer ce point, le ton est devenu menaçant à mon encontre. La réunion a pris fin vers 17h et j’ai dû insister pour aller récupérer mes affaires à l’aéroport de Plaisance. Il y avait mon sac et mes effets personnels à l’aéroport.
Après beaucoup d’insistance, on m’a dit qu’on va faire le nécessaire. Je suis arrivée à l’aéroport à 18h35 et là, j’ai été traitée comme enn orlalwa. Je n’ai pas eu accès à mon Locker pour prendre mon sac entre autres effets personnels. Le Duty Officer m’a fait savoir que l’Administrative Supervisor a passé le message à l’effet que lorsque j’arrive à l’aéroport, il faudra rendre les clefs de son Locker pour retirer mon sac et mes affaires.
Imaginez cette scène. J’ai travaillé durant treize ans pour la compagnie en tant qu’emloyée intègre, honnête et toujours présente lorsqu’il y a manque de personnel. Maintenant on me traite comme un hors-la-loi et je n’ai pas pu récupérer mes effets en personne. J’ai été très affectée psychologiquement et pour moi en tant que travailleuse la violence psychologique est très grave. J’ai dû me rendre à l’hôpital pour être traitée.
Le médecin de l’hôpital m’a accordé une semaine de congé pour Acute Stress. Pour moi, ce transfert a été exécuté de manière punitive pour qu’ils puissent aller de l’avant avec ce contrat de transfert arbitraire.
J’ai donc dû prendre mes congés annuels pour me refaire une santé et j’ai porté plainte pour violence at work à l’encontre du CEO d’Airports Holdings Ltd, Ken Arian. J’ai porté plainte donc au ministère du Travail pour violence au travail. À la suite de cette maltraitance dont j’ai fait l’objet, j’ai décidé donc de passer à l’étape de Constructive Dismissal.

Que voulez-vous dire par Constructive Dismissal ?

J’ai démissionné de mon poste et maintenant j’ai signifié mon intention d’entrer une action en justice pour Constructive Dismissal à la suite de cette violence, de cette maltraitance au travail. En situation de Constructive Dismissal n’est pas une mince affaire car on se retrouve soudainement sans emploi, sans argent. C’est parce que j’ai été très affectée psychologiquement que j’ai dû prendre cette voie après treize années de service au sein de la compagnie. J’ai passé 13 années de ma carrière pour côtoyer des gens, des collègues d’autres compagnies tels que AML, ATOL, Mauritius Duty Free Paradise, des officiers de Passport and Immigration, etc.
J’ai toujours respecté la dignité de tous les employés, petits et grands. Je ne mérite pas un transfert punitif et une maltraitance. Dans les jours à venir en tout cas, je viendrai rapidement avec le cas de Constructive Dismissal. Le ministère du Travail continue de son côté son enquête sur les plaintes que j’ai déposées. Je suis focussed pour le moment sur mon case de Constructive Dismissal. Je suis une personne qui a beaucoup aimé son travail à l’aéroport de Plaisance.

Quel est votre sentiment général après avoir constaté qu’il n’y a pas que vous qui vous plaignez des relations industrielles qui prévalent chez Air Mauritius ?

Je dois dire que les travailleurs en général ont subi de la maltraitance depuis belle lurette. Mais tous les travailleurs n’ont pas eu le courage de venir dénoncer de peur de perdre leur travail. Je peux comprendre que certaines personnes ne veulent pas élever la voix car elles ont des emprunts dont elles doivent s’acquitter ou d’autres problèmes personnels ; et ils ne veulent pas donc grat ledo maler. Les employés ont peur d’être transférés de façon punitive. Chacun a sa propre raison.
Sharvin Sunassee, Yogita Baboo et moi, nous sommes des employés intègres. Nous avons toujours fait notre travail correctement que ce soit en tant que syndicaliste et en tant que simples travailleurs. En tout cas, si je faisais partie des clans des betchwa ou chatwa, je n’aurais pas été dans cette situation. J’aurais probablement profité d’un poste quelque part. Moi, ce que je souhaite c’est que cette maltraitance que subissent des travailleurs cesse, et il ne faut pas qu’il y ait d’autres victimes comme moi et les autres.
Cessez de jouer avec la dignité des travailleurs ! Cessez de jouer avec les droits des travailleurs ! Il faut mettre un frein à cette pratique pour qu’il n’y ait pas d’autres victimes. Imaginez un peu ce que Yogita Baboo, Sharvin Sunassee et moi avons traversé sur le plan psychologique. Yogita Baboo est à la fois veuve et mère de famille en sus de cela.

Parlez-nous du contenu de ce contrat de transfert.

Les clauses mentionnées dans le contrat me paraissent arbitraires. Celles-ci stipulent que  »It is strictly understood that the terms and conditions attached to this employment offer shall be interpreted as being not less favourable than those related to your previous employment contract with Airmate Ltd , and this present Agreement includes (a) the terms and conditions contained in the collective agreement entered into on 15 August 2019 by Airmate Ltd, and the Private Enterprises Employees Union (PEEU), and its 2023 amendments which shall be applicable to Ground Handling Services (Mauritius) Ltd, and (b) those conditions stipulated in any Collective Agreement which may be entered into and to be in force at any time and may vary the terms and condition of the Collective Agreement mentioned in (a) above.
C’est la fameuse partie « shall be interpreted as being not less favourable than those related to your previous employment contracts » qui m’a fait tiquer. Il y a aussi cette autre section qui dit : « you acknowledge having had the opportunity to take time to consider and seek independent legal service on the provisions of the present Agreement before signing the same. It is also strictly understood that you shall be given, and are entitled to request time to consider and seek independent legal advice on any terms and conditions contained in any handbook, code of conduct, rules and policies, and any modification intended to be carried out to those terms and conditions ». C’est pourquoi nous avons fait une demande.

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