Sa chose

C’est sa chose. Plus aucun doute, désormais. Parce que s’il fallait une énième confirmation que l’ICAC n’est qu’un simple département du bureau du Premier ministre, elle a été obtenue le 4 septembre. Lorsque Pravind Jugnauth, transformé en porte-parole de l’Independent Commission Against Corruption, a, en plus d’avoir ardemment défendu son ministre Maneesh Gobin, a aussi ajouté que l’ICAC a “officiellement déclaré qu’il n’y a aucune allégation” contre l’Attorney General et nouveau ministre des Affaires Étrangères, qu’il n’a pas inclu dans sa mission en Inde.

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Ces déclarations prononcées de manière catégorique, voire péremptoire appellent de multiples questionnements. Pourquoi parler de déclaration “officielle” de l’ICAC, alors que personne n’a vu ni lu le moindre communiqué émanant de cet organisme indiquant que ses investigations progressaient sur la fameuse stag party et les conditions de l’octroi du bail de Grand-Bassin et qu’il n’y a pas d’accusation contre le ministre Maneesh Gobin ? Qu’elle vienne de l’avant et qu’elle soit confrontée aux faits.

Peut-être que le directeur de la commission a discrètement envoyé un brief à celui qui a gracieusement renouvelé son mandat et qui s’apprête à le nommer à la tête d’une Financial Crime Commission dont les contours annoncés donnent des raisons d’inquiétude à ceux qui sont sincèrement engagés dans le combat contre la corruption, la fraude et le blanchiment d’argent.

Il s’agit, sans doute, de cette même discrétion qui avait marqué l’exercice dérobé et supposé d’interrogatoire par l’ICAC de Pravind Jugnauth, un mardi soir, pour des explications ou un verre de l’amitié, allez savoir, sur l’affaire Angus Road, dont on n’a jamais su si le dossier a été clos ou s’il a été référé au bureau du Directeur des Poursuites Publiques.

Si le PM est au courant du contenu des enquêtes de l’ICAC, il a jusqu’ici, au nom de la transparence, refusé de révéler le salaire de son directeur. Un paradoxe honteux et inacceptable pour un organisme censé favoriser la transparence et démontrer, par l’exemple, une intégrité absolue.

Puisque le patron du directeur de l’ICAC est si bien renseigné sur ce qui se passe au Réduit Triangle, il aurait aussi pu éclairer les Mauriciens contribuables qui rétribuent l’ICAC sur certains aspects de ce dossier de l’octroi d’un bail sur un terrain de l’État pour  l’aménagement d’un ranch transformé en repère de choix pour des trafiquants de drogue.

Maneesh Gobin étant, au moment des faits, le ministre de l’Agro-Industrie, celui qui signe l’accord après avoir obtenu – on le suppose, parce que plus rien n’est acquis – l’agrément du Conseil des ministres à la délivrance du contrat de location de cette large portion du patrimoine public, a-t-il été convoqué pour des explications sur ce dossier ?

A-t-il donné des justificatifs pour sa présence à la fameuse soirée du 12 septembre 2020 au ranch de l’Eco-Deer Park où il aurait même passé la nuit après avoir pris du bon temps en compagnie de son colistier Rajanah Dhaliah, inculpé provisoirement dans cette affaire autant que l’agent MSM du no 7, Rajesh Ramnarain qui est aussi un haut cadre du Registrar, organisme qui enregistre les compagnies, et Ruzayna Beegun, l’ancienne journaliste qui se présente comme Media Consultant.

De cette joyeuse bande, seuls l’ancien PPS Rajanah Dhaliah et Rajesh Ramnarain ont été interpellés pour trafic d’influence, alors que les accusations portent sur des pots-de-vin de Rs 3,5 millions distribués à plusieurs personnes. Pourquoi pas les autres, ceux qui prennent les décisions ultimes et qui ont finalement octroyé le bail aux demandeurs ? Donnant ainsi du poids aux propos de l’avocat de Rajesh Ramnarain, Gavin Glover, selon lesquels l’ICAC ne serait pas intéressée à découvrir la vérité sur toute cette ténébreuse affaire.

La posture du PM sur l’ICAC ramène à ce qui se passe entre le DPP et le CP, Anil Kumar Dip, choix, là aussi, personnel du leader du MSM qui fait office de Premier ministre de ce pays. Parce que, pour lui, tout est politique. Tout doit assurer la pérennité de son parti. Non, mais quel triste spectacle! Deux tenants de postes constitutionnels, le CP et le DPP, se livrant à une querelle à laquelle vont se joindre des hommes de loi étrangers.

Il faut, d’abord, dire que ce Commissaire de Police, qui était dans le viseur de ses collègues pour des faits pas très nets, n’aurait jamais dû devenir le chef des forces de l’ordre. Et lorsqu’on sait que son fils a maille à partir avec la justice et que le DPP a, à juste raison, ignoré les faveurs de la commission de pourvoi en grâce pour le poursuivre sous plus d’une dizaine de chefs d’accusation, dont des détournements de fonds, on comprend que le CP s’est embarqué dans une croisade personnelle contre le DPP.

Il n’y a que sous un gouvernement du cru du MSM de Jugnauth fils que de telles horreurs peuvent se produire. Cette situation donne aussi des frissons lorsqu’on imagine que ce régime, avec ses Collendavelloo, Bodha et Bhadain, étaient en 2016 les porteurs enthousiastes du tristement célèbre projet de Prosecution Commission, celle qui devait avoir le dernier mot sur les décisions du DPP.

Il y a heureusement eu la décision forte et courageuse du PMSD de claquer la porte du gouvernement et priver le MSM de la majorité qui lui aurait permis de contrôler le DPP. Voilà une des raisons pour lesquelles les nouveaux vertueux de l’opposition extraparlementaire, ne sont pas crédibles, malgré les innombrables contorsions pour s’acheter une nouvelle virginité.

Imaginons la Protection Commission, devenue inéluctablement, comme l’ICAC, la chose du PM. Elle aurait, sans doute, renversé la décision du DPP de poursuivre le fils du Commissaire de Police ou Yogida Sawmynaden pour faux et usage de faux. Un cauchemar évité, mais qui vient toujours nous hanter, comme l’atteste ce conflit honteux CP/DPP.

JOSIE LEBRASSE

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