Les derniers jugements

Non, on ne va pas s’attarder sur les travers, les mêmes que les partis se présentant comme les nouveaux immaculés de la conception politique reprochent aux formations traditionnelles, tant honnies.

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Aussi paradoxal et risible à la fois que cela puisse paraître, ce ne sont pas les partis dits mainstream avec leurs dirigeants décrits de manière expéditive comme des “dinosaures” qui se sont empressés de révéler leur casting, mais ce sont ceux qui disent les combattre qui ont été les premiers à s’attribuer le top job et même de distribuer les restes à d’autres, dont la collaboration n’est même pas encore acquise.

Il y a heureusement des événements sur le plan juridique qui semblent indiquer que, pour certaines dérives qui n’ont que trop duré, le frein commence à être sérieusement appliqué.
Il y a, d’abord, eu le jugement de la magistrate Darshana Gayan de la cour industrielle accordant des indemnités de Rs 149 millions au pilote Sheik Oumed Ali, dit Salim Toorabally, ancien Executive Flight Operation d’Air Mauritius. Il en avait réclamé Rs 192 millions après un renvoi qu’il estimait arbitraire et injustifié. Cette mise à pied sommaire avait eu lieu en juillet 2018 alors que Somas Appavou avait été placé aux commandes de la compagnie nationale d’aviation par le MSM de Pravind Jugnauth.

Il avait pris le relais de Megh Pillay, débarqué de manière expéditive de la direction d’Air Mauritius en octobre 2016 pour avoir osé traduire un cuistot, particulièrement apprécié par ses supérieurs de Lakwizinn, devant un comité disciplinaire pour divers manquements connus de tous au Paille en Queue Court.

Le jugement en faveur du pilote Salim Torabally, même s’il est éventuellement contesté en appel, tient lieu d’avertissement pour les employeurs qui croient que leurs employés ne sont que des produits jetables. Il prend aussi une résonance particulière à un moment où des turbulences sont enregistrées sur le front des relations industrielles au sein de la compagnie nationale d’aviation. Où être syndicaliste ou porte-parole des employés semble être devenu une insupportable tare… en 2023 pour des organismes d’État.
En sus du cas de Yogita Baboo qui, elle aussi, a décidé de saisir la Cour industrielle après son licenciement, il y a aussi celui de Shalini Dindyal, employée d’Airmate, filiale d’Air Mauritius, transférée du jour au lendemain de son emploi comme Customer Service Agent au centre d’appel d’Ébène. Deux victimes du protégé du PM, Ken Arian.

Le deuxième jugement rendu, cette semaine, constitue également une sorte d’avertissement à ces nominés politiques qui se croient tout permis comme à Air Mauritius. La situation est plutôt cocasse puisque c’est la police, représentée, eh oui! par le bureau du DPP, qui a obtenu que deux organismes d’État – et non des moindres, la Banque de Maurice et la State Bank of Mauritius – soient désavoués par la Cour Suprême.
Pour avoir une idée de la manière dont certaines organismes cruciaux sont gérés par les protégés politiques du présent régime, il faut savoir que cette affaire concerne la saga NMC Health Care, compagnie basée aux Émirats Arabes Unis qui avait obtenu un peu trop facilement un prêt de 40 millions de USD (Rs 1,7 milliards) de la SBM. Elle s’est déclarée insolvable peu de temps après avoir touché le pactole de la compagnie d’État.
Lorsque le pot aux roses a été découvert, la SBM s’est trouvée dans l’obligation de se tourner vers la police pour pouvoir recouvrer une partie de cette perte sèche auprès de son assureur. C’était pour la forme parce que la banque publique fera tout ensuite pour paralyser l’enquête policière.

Tous les recours juridiques ayant été épuisés, elle a dû soumettre des documents, sauf celui de la Banque de Maurice commanditaire d’une enquête sur l’ampleur des prêts toxiques, jusqu’à Rs 12 milliards, accordés par la SBM notamment aux NMC Health Care mais aussi à la compagnie des Pabari, à hauteur de Rs 7 milliards. Les dessous de ses sombres affaires ne sont guère reluisants pour la direction de la banque d’État.
Pour établir qu’il y a eu collusion à l’intérieur de la banque, faute ou négligence, la police voulait aussi obtenir le document de BDO commandité par le régulateur, la Bank of Mauritius, mais là aussi, il y a eu toutes sortes de tracasseries jusqu’à ce que la juge Shameem Hamuth-Laulloo décide, vendredi, que le document peut être vérifié par la police au nom de l’intérêt public, d’autant qu’il s’agit d’une affaire qui porte sur de possibles violations de la loi contre le blanchiment, la fraude et la corruption.

La notion de confidentialité opposée à l’intérêt public, ou simplement d’une partie lésée dans une affaire, avait aussi été récemment commentée dans le jugement du conseil privé dans l’affaire Stanford Asset contre Afrasia Bank sur le siphonnage de ses Rs 500 millions au profit de Key Stone Properties Ltd.

La Cour suprême avait refusé la demande de la partie lésée, invoquant le secret bancaire tel qu’il est défini dans les lois mauriciennes, mais elle avait aussi autorisé un recours au conseil privé. Les Law Lords ont, en juillet dernier, statué que la victime de ce qui s’apparente à un détournement de fonds avait, dans les circonstances très précises de cette affaire, le droit d’obtenir des informations sur les bénéficiaires des Rs 500 millions, en vue d’engager des procédures pour le recouvrement de ses fonds.

Et dire que pendant que le sacro-saint secret bancaire est battu en brèche dans des cas frauduleux, il y a toujours un gouvernement qui invoque n’importe quoi pour ne pas divulguer les salaires d’un directeur de l’ICAC et qu’un ministre de la Santé refuse de rendre public un rapport sur le décès suspect d’une douzaine de dialysés.
Même lorsqu’il y a mort d’homme, aucune gêne éprouvée pour faire jouer l’opacité et protéger ceux qui sont responsables de négligence criminelle. Un régime, décidément, à contretemps!

JOSIE LEBRASSE

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