Tandis que dans les régions urbaines du globe des populations entières se réveillent en grande partie au son de l’alarme de leur portable, l’ancienne pendule à coucou ayant depuis longtemps été reléguée en objet de décoration, souvenir de nos grands-parents, d’autres, plus chanceuses, peuvent encore le faire au chant du coq, voire aux doux gazouillis des oiseaux. Mais pour combien de temps encore, lorsque l’on sait que le réchauffement climatique affectera des espèces entières d’oiseaux, faisant chuter leurs populations, appauvrissant ainsi la diversité philogénétique et impactant leur migration ? Car, à moins que la tendance s’inverse, d’ici 60 ans, de nombreuses espèces disparaîtront, préviennent les scientifiques.
Il faut dire que les oiseaux ne sont pas vraiment notre priorité du jour, celle-ci étant plutôt axée sur le maintien de notre sacro-saint système productif. Et qui dit production, dit aussi et surtout énergie. Et de l’énergie, il en faut beaucoup pour rester dans les clous de la croissance. Aussi, et puisqu’il nous faut prendre en considération les réalités climatiques, nous nous attelons à accélérer le mouvement de la transition, à commencer par chercher les sources d’énergie renouvelable ayant les meilleurs rendements en termes de qualité/prix. L’une d’elles, le biogaz, a d’ailleurs le vent en poupe, même si l’on ne peut pas vraiment parler ici d’une nouveauté. Son concept, inscrit dans une logique d’économie circulaire, est simple : il consiste à transformer des matières organiques fermentescibles (fumier, résidus de récolte, déchets alimentaires, etc.) en énergie, sous forme de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2).
Ce procédé, décliné sur une échelle industrielle – et qui porte le doux nom de « méthanisation » –, semble en effet des plus prometteurs. D’autant qu’il consiste à générer de l’énergie à partir de sources qui, si elles ne sont pas utilisées, sont tout bonnement perdues. D’où l’idée de rentabiliser nos déchets organiques par des techniques de production massive de biogaz. Hélas, l’on peut s’en douter, la médaille a là aussi son revers, et même plusieurs. Entre l’accaparement de terres et la pollution des sols et des eaux, en passant par les incidents explosifs et une promotion accrue de l’agro-industrie, le projet est bien éloigné de celui dont on vante les mérites.
En premier lieu, rappelons que le méthane, s’il est correctement contenu et valorisé, ne représente aucun danger pour l’environnement. En revanche, si pour une raison quelconque il se retrouve à l’air libre, ses molécules finissent par se fixer dans la haute atmosphère, accentuant la problématique du changement climatique. Et si le CH4 disparaît spontanément après quelques années – contre plus d’un siècle pour le CO2 –, en revanche, son pouvoir réchauffant, lui, est bien supérieur (par 25 à 30 fois) au dioxyde de carbone. C’est d’ailleurs aussi tout le problème du gaz naturel, liquéfié ou non, et dont les pertes sont énormes. Provoquant dès lors plus de dégâts qu’ils n’en réparent.
Qui plus est, emprunter la voie d’une production de masse de biogaz obligera à trouver davantage de terres. Et donc à accélérer la déforestation. Ce qui, pas besoin de le dire, est là aussi contre-productif. Certes, la méthanisation se pratique déjà dans de nombreuses fermes, mais pour être efficace, le lisier et le fumier d’élevages ne sont pas suffisants. Ce qui oblige les agriculteurs à acquérir des terres additionnelles pour y cultiver prioritairement sorgho, maïs et colza – et dont le rendement est important –, non pas avec vocation de servir l’alimentation humaine, mais pour la seule production énergétique.
Ajouté à cela, le développement massif de méthaniseurs accentue les possibilités d’accidents (incendies, explosions, émanations toxiques…), et ce, du fait que les centrales de méthanisation présentent un important risque inflammable. Sans compter que le digestat (résidu de la méthanisation) est un véritable nid à bactéries, et qu’il peut ainsi facilement contaminer les eaux souterraines et les nappes phréatiques. Et ce ne sont bien entendu là que quelques-uns des inconvénients majeurs de la production de biogaz.
Alors certes, le temps est venu de penser autrement notre société, et notre production énergétique est un excellent point de départ, puisque c’est là que se situe le nœud gordien. Pour autant, l’analogie entre énergie renouvelable et énergie propre n’est pas toujours vérifiable. Aussi, même si d’autres voies nous apparaissent comme moins confortables, car impliquant que l’on adopte une posture plus « raisonnable » en termes de consommation, la raison voudrait que nous les empruntions sans tarder. A moins bien sûr que l’on ne veuille que se taisent à jamais nos oiseaux !