La marche pacifique de cette semaine en solidarité avec l’ex-présidente du syndicat des employés d’Air Mauritius, Yogita Baboo-Rama, devrait définitivement polariser l’attention. Au même titre que la tenue hier du premier congrès de l’alliance Rouge-Mauve-Bleu à Mare-d’Albert. Ces deux événements ont leur importance spécifique : le premier sur le contexte social, et le second sur l’échiquier politique.
Le limogeage brutal de l’hôtesse de l’air et présidente de l’AMCCA, Yogita Baboo-Rama, le 10 juillet dernier, est jugé abusif par plusieurs observateurs sociaux du pays. Qu’il s’agisse de plateformes syndicales, d’associations militantes, comme les ailes féminines politiques, toutes s’accordent sur le fait que cette affaire relève ni plus ni moins que de la vendetta politique. Le plus cruel dans tout cela, c’est l’injustice commise envers une femme, mère de famille, qui a perdu son mari, et qui subvient donc seule aux besoins de sa famille.
En professionnelle, responsable et mature, respectée par ses pairs, Mme Baboo-Rama n’a jamais souhaité que qui que ce soit s’apitoie sur son sort. Elle s’est toujours rangée du côté de la justice et de la vérité. Ses détracteurs diront qu’elle l’a bien cherché, que son ancien employeur lui aurait tendu la perche, mais que c’est son entêtement qui l’aura perdue. C’est la version officielle véhiculée lors des points de presse du gouvernement en place. À chacun sa lecture. Mais au final, il n’y a qu’une vérité. Et c’est celle-là qui triomphe. Qu’importe les tentatives d’intimidation et les campagnes de terreur.
Dans la même veine, quoique sur un registre différent, puisque politique, celui-là, on ne peut que faire le parallèle avec le sort qu’endure Simla Kistnen, veuve de l’ancien chef agent Orange, Soopramanien Kistnen. Livrée à elle-même depuis le meurtre de son mari, que certains ont voulu déguiser en suicide, elle poursuit son combat pour que lumière soit faite sur les circonstances dans lesquelles son époux a péri. Entre-temps, avec peu de moyens et avec l’aide des siens, elle doit se battre pour son enfant et lui assurer une vie décente.
Deux femmes, parmi d’autres encore, ciblées parce qu’elles ont le courage de dénoncer et de réclamer justice. Et paradoxalement, Pravind Jugnauth et son gouvernement souhaitent que plus de femmes s’engagent, fassent leurs preuves, gravissent les échelons professionnels et occupent des positions de responsabilités. Mais gare à celles qui dénoncent les injustices et vont jusqu’au bout de leurs convictions et leur combat… Au nom de quoi ? Parce qu’elles refusent sciemment d’être des pantins aux mains d’hommes qui, en réalité, tirent les ficelles ? Parce qu’elles ne sont pas des vases à fleurs et savent qu’elles valent mieux que certains hommes ?
Le premier congrès de l’alliance Ptr-MMM-PMSD souffle comme un vent de campagne électorale. Et souhaitons que celle-ci se déroule sur une base appropriée. Où l’enjeu ne sera pas qui occupera tel fauteuil ou à coups de règlements de compte. L’électorat réclame une approche honnête et franche. Que ceux qui prônent l’alternative viennent avec des projets de société bâtis qui ne seront ni des promesses dans le vent ou des mots creux. Et qui commencent par des exemples qu’eux-mêmes donneront, en faisant preuve de justice politique. En pratiquant une rupture totale avec une politique qui n’a engendré que corruption, népotisme et copinage jusqu’ici.
Un événement à caractère culturel cette semaine mérite que l’on s’y attarde. Il concerne l’initiative personnelle de Gérard Louis, artiste musicien et producteur de musique, d’honorer un grand monsieur du séga, Jean-Claude Gaspard. Cet artiste a fait danser des générations de Mauriciens avec des tubes comme Sega Souval, Problem cari, Ala mo content content content, et surtout Dhobi de classe. À 77 ans, Jean-Claude Gaspard vit au sein d’une famille soudée, avec deux de ses sept enfants, qui ont suivi ses traces, Denis Claude et Mary Jane.
Malade depuis plusieurs années, Jean-Claude Gaspard s’est retiré depuis 2014. Il n’a reçu aucune distinction nationale. L’initiative de Gérard Louis est totalement privée. Est-ce normal ? Le Status of Artists Bill fait-il provision de plans d’aides et de soutien aux artistes pour que ceux-ci ne terminent pas leur vie dans la pauvreté ? Alors qu’ils méritent tant pour s’être donnés à fond pour leur pays. Comme Jean-Claude Gaspard, Micheline Virahsawmy, malade elle aussi, attend une reconnaissance. Et ces artistes ne sont pas des mendiants.