Le coup de Collendaveloo

Coup de théâtre au Parlement, cette semaine. Un Parlement qui, n’en déplaise au ministre des Sports, peut souvent ressembler à un cirque. Non seulement par certains propos qui y sont tenus, mais également par l’accoutrement de certains membres, qui font penser à des clowns.

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Non, l’opposition n’a pas effectué un énième walk out tonitruant après une décision du Speaker hurlant et tapant du pied. Non, on n’a pas procédé à une autre expulsion d’un membre de l’opposition après une motion d’urgence présentée par le Vice Premier ministre Obeegadoo – spécialiste de ce genre de motion – et votée d’une seule voix par tous les députés de la majorité. Dont cela semble être une des principales activités, en sus de chanter les louanges du Premier ministre en lisant mal des discours visiblement pas écrits par eux. Non, le dit Premier ministre n’a pas répondu simplement et directement à une question parlementaire, mais a continué à faire l’historique du sujet dans une intervention qui a duré plus de trente minutes. Ce qui lui a évité de répondre aux questions embarrassantes que le Speaker aurait oublié de censurer. Non, aucune voix de député, impossible à reconnaître malgré la matériel high tech du Parlement, n’a proféré des injures contre un ministre. Non, le député Boolell n’a pas révélé à la Chambre que « le Speaker était en train de négocier l’achat d’une résidence payée par l’argent des contribuables. »

Alors, devez-vous vous demander, quel était ce coup de théâtre qui a sidéré les parlementaires des deux côtés de la Chambre ?

Il s’agissait de l’intervention du député de la majorité Ivan Collendavelloo, lors des débats sur les amendements du Finance Bill, concernant des nominations sur un comité devant accorder des permis au ministère des Collectivités locales. Le député a exprimé des réserves sur les nominations qui seront faites par le ministre et a demandé si, de ce fait, les nominés seront des personnes indépendantes. D’autant plus qu’elles pourront être révoquées par le même ministre. Il a fait une contre proposition qui a été, évidemment, rejetée. C’est cette intervention du député qui a sidéré l’hémicycle en laissant sans voix la majorité, à qui on n’avait pas donné des consignes, face à cette situation imprévue.

Par contre, l’opposition a rapidement réagi en applaudissant le député pour son intervention. Tout de suite, la machine à rumeurs a commencé à fonctionner et du côté de l’opposition, on a annoncé que l’intervention d’Ivan Collendavelloo était un prélude à sa démission du gouvernement et à une cassure de l’alliance MSM/ML.

Cette éventualité a été prise au sérieux du côté de la majorité puisque le ministre des Finances est monté en créneau pour dire que le deputé Collendavelloo avait le droit légitime de ne pas être d’accord avec un point du Finance Bill et de l’exprimer au Parlement. Dans son souci d’éteindre l’incendie, le ministre a ajouté qu’il était personnellement d’accord avec le point soulevé par Collendavelloo. Si ce n’est pas une phrase de trop, elle y ressemble dans la mesure où c’est le ministre des Finances qui présente le Finance Bill et ses amendements proposés par les différents ministères.

En disant son accord avec le point soulevé par Collendavelloo, il se met en porte-à-faux avec le ministre des Collectivités locales.

Si Ivan Collendavelloo voulait quitter le gouvernement, comme l’opposition l’a souhaité et la majorité l’a redouté, il l’aurait fait depuis belle lurette. Depuis qu’il a été révoqué de son poste de Vice Premier ministre sur la base d’un dossier brandi au Parlement mais jamais rendu public et une enquête de l’ICAC dont on attend toujours les résultats. Mais connaissant le personnage, on ne peut s’empêcher de penser qu’il a dû s’amuser à provoquer le coup de théâtre qui a fait trembler l’hémicycle.

L’émoi causé par l’intervention du leader du Mouvement Liberater – c’est le nom de son parti – a rappelé à quel point les travaux du Parlement ont été dévalués. Puisque le fait qu’un député fasse son travail pour lequel il a été élu : dire son sentiment – et, si besoin, son opposition – à une proposition du gouvernement est devenu un évènement marquant de l’actualité.

Nous nous sommes habitués à un Parlement dont les députés de la majorité ne sont que des « rubber stamps » juste bons à dire « yes » à ce qu’on leur dit de voter et à insulter leurs adversaires avec la bénédiction d’un Speaker de plus en plus ouvertement goal keeper du gouvernement.

En dehors de son aspect coup de théâtre, la réaction à l’intervention d’Ivan Collendavelloo a révélé à quel niveau est rendue notre démocratie parlementaire.

Bien bas !

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