Si on se permettait de rêver ! Il le faut bien de temps en temps en dépit des affres du quotidien. Les débats consacrés à The Status of the Artist Bill à l’Assemblée nationale auraient pu être l’occasion de faire résonner des notes d’harmonie dans les interventions des Honourable Members, invariablement de leurs appartenances politiques ou de leurs rangs dans la hiérarchie politique, y compris le Speaker.
Aurait-il été trop leur demander si avant de débarquer au sein de l’hémicycle, ils auraient Settled Down dans un coin pour apprécier ces douze minutes d’extase découlant de ce chef d’œuvre musical, Morning Love, interprété par le Pandit Ravi Shankar au cithare et Jean-Pierre Rampal à la flûte. De la virtuosité éliminant toute partition acidulée.
Deux sommités dans leurs arts venant de sources complètement différentes, pour ne pas dire aux antipodes. Mais en synchronisation et transcendant toute Cultural Divide en temps d’ambiance guerre froide. Toute la carrière artistique du Pandit Ravi Shankar n’a-t-elle pas ouvert la voie au rapprochement et à la cohésion ?
Vous souvenez-vous encore de cette rencontre avec un autre grand Yehudi Menuhin, cet orfèvre au violon, dans le non moins célèbre West Meets East, suite à un duo réussi Shankar/Menuhin une première fois au Bath Music Festival. Tenez-vous bien, remontant à juin 1966.
Une telle inspiration aurait probablement injecté une bonne dose de sérénité au sein de l’hémicycle, transformée en chaudière pour ceux qui osent faire entendre leur voix. Avec le « Stop Bullying Me » en série du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval au Speaker, Sooroojdev Phokeer, devenant probablement caduc.
Peu importe. Il n’y a pas eu rupture avec la tradition des habitudes politiciennes ?
Toutefois, pour le Summing-Up des débats sur The Status of the Artist Bill, le ministre des Arts, Avinash Teeluck, a préféré jouer sur une note plus grave. Les références du ministre au cri de révolte dans les créations artistiques de Bam Cuttayen à Kaya en passant par Micheline Virahsawmy et sa soeur Rosemay Nelson sans oublier les incontournables frères Joganah, auront eu pour effet de faire comprendre que les artistes ont pour mission de remettre en cause l’ordre établi.
Le ministre s’est contenté de ne cerner que la dimension musicale du monde de l’art. Mais l’avènement du Grup Soley Ruz était précédé d’une autre œuvre littéraire, qui avait poussé l’ordre établi de l’époque dans ses derniers retranchements?
Vous avez entendu parler de Li, pièce théâtrale écrite par Dev Virahsawmy en 1972 quand en tant que membre du MMM, il avait été emprisonné sous l’État d’urgence.
Cette pièce, interdite sur la scène à Maurice dans les années 70, fut récompensée lors d’une des éditions littéraires organisées par Radio France Internationale (RFI). En 1981, le gouvernement s’est retrouvé dans un embarras en matière de liberté d’expression et a dû lever l’interdiction imposée à Li, une œuvre littéraire projetant Maurice sur le plan international.
Maurice était déjà rythmé à une floraison de chansons engagées. Même bien avant ce que Sandra Mayotte découvrira avec Kayambo :
Mare la pe monte
Kayambo
mare la pe monte
Vag-la ape monte
Li pe mouye
Vag-la pe kraze.
Mais l’art ne se cantonne pas qu’à la musique. Le rayonnement planétaire de Malcolm de Chazal, donné à un certain moment comme candidat au Prix Nobel, que ce soit en littérature ou en peinture, atteste du génie du Mauricien.
Il y a encore la très prolifique Ananda Devi, dont la réputation a largement dépassé les rivages de la petite île Maurice, avec sa collection de prix à l’international et cela, depuis l’âge de 15 ans.
D’autres ont sombré dans l’oubli. Surtout pas de leur faute. René Noyau, de son nom de plume Jean Erenne, a gratifié l’île de son Séga de Liberté ou encore d’un frissonnant Tansion Kaiman.
L’ordre établi, avec The Status of the Artist Bill, caresse l’ambition d’assurer une pension aux artistes. Mais une question pertinente : a-t-on vu la création artistique prendre sa retraite ?
Honourable Members; la réponse est un Niet à la manière du Speaker vous interrompant. L’artiste a besoin de reconnaissance. Même si des fois, son œuvre peut être mal à l’aise.
The Status of the Artist Bill présentait des dispositions à réconcilier l’île Maurice avec la création artistique passée, présente et à venir. La préoccupation de la pension à la retraite aurait dû être reléguée pour privilégier l’encadrement des jeunes à un épanouissement artistique du potentiel latent au sein de la République.