Tamam Sounds lui avait demandé de se présenter à l’Immigration britannique comme un proche venu rendre visite à de la famille. Alors que ses services professionnels de chanteur avaient été retenus par cette société anglaise pour des showcases à Londres. Résultat : le chanteur mauricien Mr Drespoir a été interpellé par l’Immigration en Angleterre, détenu durant un jour, avant d’être renvoyé à Maurice.
« Mo’nn al laba sa… fouf », témoigne Louis Dylan Jefferson Respoir à lemauricien.com.
D’après les faits reprochés par les autorités anglaises, l’artiste de Plaisance, Rose-Hill, n’a pu prouver sa venue comme visiteur et il ne disposait pas des documents nécessaires pour sa visite professionnelle en Angleterre.
Lesdits documents, selon nos recoupements, auraient dû lui avoir été fournis par Tamam Sounds – qui comptent des employés mauriciens basés à l’étranger – après des arrangements auprès des autorités anglaises.
A la place, un préposé de Tamam Sounds a demandé à Louis Dylan Jefferson Respoir de s’identifier comme « un ami » ou « un cousin distant » venu rendre visite à sa famille, et non comme un professionnel.
Sauf que, questionné davantage par l’Immigration, le chanteur n’a pu prouver qu’il était bien en Angleterre pour faire du tourisme.
Désormais, l’interprète de Profonder Lamour, popularisé par son « style Brital », souhaite être rémunéré entièrement par Tamam Sounds en se basant sur les termes de leur contrat, évoque-t-il.
« Coming to see family ».
En mars dernier, Louis Dylan Jefferson Respoir avait signé un contrat avec Tamam Sounds, une société basée à Banstead, située dans le comté de Surrey, en Angleterre. Auprès d’autres artistes mauriciens, il était annoncé pour notamment deux soirées : Roulma dan Londres (le 8 juillet) et Met La Faya (17 juillet).
En marge de sa venue, Jacques Immouche – Mauricien basé à l’étranger que Tamam Sounds présente comme un de leurs employés – adresse un courriel de confirmation à Mr Drespoir.
Le producteur et saxophoniste, installé en Angleterre, écrit que « Louis Dylan Jefferson Respoir is coming to see family and we are inviting him to visit London ».
Le jeune homme prend l’avion le 6 juillet en destination de l’aéroport de Heathrow, avec un transit compliqué en Nairobi, capitale du Kenya. Finalement, Mr Drespoir arrive à l’aéroport de Heathrow (Londres) « le 7 juillet vers 16h30 ».
Sur place, il traverse la douane mais est interpellé par les officiers de l’Immigration, qui lui adressent une série de questions préliminaires, avant de le diriger vers une autre salle pour un interrogatoire.
« Nou enn kouzin distan ».
Le jeune homme se retrouve face « à deux officiers de l’Immigration », dont un Mauricien, qui s’assure de la traduction de l’exercice en créole.
Leur but : connaître les raisons de sa venue en Angleterre. Ils s’intéressent notamment à ses contacts sur le territoire anglais, son lieu d’hébergement et la quantité de fonds dont il dispose.
De leur côté, Tamam Sounds, par l’entremise de Jacques Immouche, insiste auprès de Mr Drespoir pour qu’il se présente comme « visiteur » et non professionnel. Chose que fait le chanteur.
« C’est la première fois que je me rendais en Angleterre. Je ne savais pas comment se faisaient les formalités », indique-t-il.
A 20h48, Mr Drespoir reçoit un message de Jacques Immouche, qui lui demande de « dir zot nou kamarad me nou enn kouzin distan ».
Le chanteur expliquera à l’Immigration, entre autres, qu’il souhaite voir le stade de Manchester.
« Remove from UK ».
L’interrogatoire de Mr Drespoir est donné en créole. Cette « further » examen intervient sous le Paragraphe 2/2A du Second Schedule de l’Immigration Act 1971.
La question du financement de son billet d’avion retient l’attention. De même que celle de son métier et de ses revenus.
Souhaitant obtenir la permission d’accéder au territoire anglais comme « visiteur » pour « deux semaines », Mr Drespoir confie travailler comme « car paint sprayer » à Maurice, sans toutefois soutenir ses dires, relève la Notice of Refusal of Permission to Enter qui lui a été servie.
En outre, Mr Drespoir tergiverse sur la question du financement de son billet, soutenant tantôt qu’il s’agirait d’un cadeau avant d’avancer que ce serait une proche qui aurait envoyé de l’argent à un certain « Berty Salvara » pour le financer. Ledit billet, confirme le chanteur, a été financé par Tamam Sounds.
« Les officiers (de l’Immigration) savaient déjà que j’allais participer à un concert… ki zafer-la pa deklare », estime Mr Drespoir.
« I am not satisfied that you are a genuine visitor », relève la Notice. « I therefore refuse you permission to enter the United Kingdom (…) I hereby direct you to remove the person named above from the United Kingdom to Mauritius by flight ».
« Heathrow Detention Center ».
Suivant cette étape, les officiers prévoient sa détention sous le Paragraphe 16 (1) de la même loi, et ce, jusqu’à son renvoi à l’île Maurice. L’accès au territoire anglais lui est refusé sous le Paragraphe 2A (7) de l’Immigration Act. Ces affaires sont saisies, dont son cellulaire et son passeport.
« Je suis resté dans cette salle (d’interrogatoire) jusqu’à 11h le lendemain matin. Il n’y avait pas de lit ni de place pour dormir. Je suis resté assis », raconte le jeune de Plaisance.
Par la suite, Mr Drespoir relate avoir été transféré « au Heathrow Detention Center ». « J’ai été détenu en Angleterre », regrette-t-il. Dans sa cellule, « deux lits ». L’autre occupant était « un Anglais ».
« Il m’a protégé, parce que les autres me regardaient bizarrement », soutient Mr Drespoir.
La détention prend fin « dans l’après-midi de dimanche », 9 juillet. « On m’a alors emmené jusque dans une autre salle de l’Immigration de l’aéroport. J’ai attendu qu’un avion vienne », relate-t-il.
De retour dans l’île, Mr Drespoir tente malgré tout d’être rémunéré par Tamam Sounds. Leur contrat prévoit que l’artiste soit payé 400 livres après chaque prestation. Il est stipulé que l’artiste « will be paid full fees » dans le cas où « the presenter cancels the performance for any reason after the artist signed the contract ».
« Mon anniversaire était le 3 juillet. Je n’ai pas pu le passer en famille. Ce sont mes amis qui ont dû payer un avocat pour me représenter. Sans quoi, mo res laba mem », conclut-il.
Tamam Sounds : « Fausses allégations »
Dans une brève conversation avec lemauricien.com, Tamam Sounds s’est identifiée comme une société caritative, soutenant avoir procédé à tous les arrangements requis pour la tenue des évènements et la venue de Mr Drespoir. La société anglaise affirme que Mr Drespoir aurait fait « de fausses allégations » à leur encontre, notamment dans un Live sur sa page Facebook.
Tamam Sounds affirme avoir demandé à Mr Drespoir de se présenter comme chanteur professionnel. Cependant, la société n’a pu justifier pourquoi un de leurs employés – Jacques Immouche – a demandé à Mr Drespoir de prétendre aux officiers de l’Immigration qu’il serait un ami ou un cousin distant, venu rendre visite à de la famille.
A cette interpellation, notre interlocutrice devait soutenir avoir une réunion, nous demandant de rappeler dans une quinzaine de minutes. Personne ne répondra à nos appels par la suite.
Ruse présumée autour du déplacement d’artistes mauriciens
De nombreuses formations mauriciennes et chanteurs s’envolent pour l’Angleterre en vue de participer à des soirées ou des festivals. Cependant, selon nos recoupements, les organisateurs de ces évènements – notamment des promotteurs mauriciens installés à l’étranger – ne procèdent pas tous aux arrangements légaux indispensables en vue de permettre ces déplacements à des fins professionnels.
Il est ainsi demander aux artistes mauriciens de ne pas trop faire de publicité avant leur venue en Angleterre. Et une fois à l’aéroport, ils doivent se présenter comme « visiteurs », s’adonnant à différentes explications, notamment en vue de justifier leur venue avec des instruments.
Les organisateurs étrangers procèdent ainsi car une certaine somme doit être remise aux autorités anglaises afin de bénéficier des permis requis. D’autres documents leur sont également réclamés lors de cette étape, et ce, pour s’assurer que l’évènement ne se tiendrait pas de façon illégale – « au noir » comme soutiennent les gens du milieu.
Ces autorisations en bonne et due forme retiennent des dispositions pour la ponction de certaines taxes du cachet remis aux artistes.
Nous apprenons que, en vue de contourner certaines règles, des sociétés s’associent à des ONG ou se présentent comme telle. Car les évènements caritatifs jouissent d’une certaine flexibilité au niveau légal.
Les cas comme ceux de Mr Drespoir sont généralement rares, en raison du manque de surveillance autour de ce procédé. Ce sont des dénonciations anonymes – motivées par des raisons concurrentielles diverses – qui informent l’Immigration de la tenue d’évènements louches sur le sol britannique.
A l’étranger, tout un réseau semble être mis en place pour le déplacement d’artistes mauriciens selon des conditions questionnables. On parle alors dans le milieu de « travail au noir ».