L’automobiliste (55 ans) impliqué dans l’accident fatal ayant coûté la vie à sir Bhinod Bacha (82 ans) est attendu au tribunal de Rose-Hill ce lundi pour son inculpation provisoire d’homicide involontaire. Cet habitant de Sodnac a expliqué à la police qu’il était au volant d’une Toyota grise et sortait du parking de l’Orchard Centre, à Quatre-Bornes, pour regagner la route peu après 13h samedi, lorsqu’un piéton aurait traversé devant lui. Et il n’aurait pu l’éviter. Il ajoute qu’il a lui-même fait appel aux secours.
Le Senior Adviser au bureau du Premier ministre était à terre et saignait de la tête, en plus de vomir du sang. La moitié de son corps, soit du côté droit, se trouvait alors sous le véhicule. Un petit groupe de personnes s’est attroupé sur les lieux de l’accident mais personne n’a voulu prendre le risque de soulever l’octogénaire, de peur d’aggraver la situation. Une équipe de la police est ensuite arrivée et des officiers ont soulevé légèrement la victime sous la voiture.
Le Samu a par la suite pris en charge sir Bhinod, qui respirait toujours, mais ses blessures étaient sérieuses. Il a été conduit à l’hôpital Victoria, où le personnel médical lui a fait passer un CT Scan. Après quoi il a été admis à l’Intensive Care Unit (ICU), son état de santé étant alors jugé critique. Il était prévu que le conseiller au bureau du PMO subisse une intervention chirurgicale en début de soirée, mais celui-ci n’en aura pas eu le temps, un médecin constatant en effet son décès à 18h55.
La dépouille de sir Bhinod a été transférée à la morgue de l’hôpital Victoria. L’autopsie pratiquée par le Dr Maxwell Monvoisin, Principal Police Medical Officer (PPMO), et le Dr Prem Chamane, Police Medical Officer, a attribué le décès de sir Bhinod à des blessures cérébrales.
Un peu plus tôt, la police avait marqué la position de la Toyota grise et de la victime. Avant que le véhicule et son propriétaire soient conduits au poste de police de Quatre-Bornes. Une équipe de l’Emergency Response Service (ERS) a fait subir un alcootest au conducteur, lequel s’est révélé négatif. Il a été placé en détention.
Une équipe du Scene of Crime Office (Soco) examinera le véhicule dans les prochains jours. La police a noté que la route était en bon état et qu’il n’y avait aucun dommage causé aux infrastructures. La zone où s’est produit l’accident n’est pas couverte par des caméras de surveillance. L’enquête pour faire la lumière sur les circonstances de cet accident fatal est menée par l’équipe de l’ASP Ragoo et de l’inspecteur Tandrayen.
Yogendranath (Anil) Bacha : « L’impossible n’existait pas pour lui »
«Binod était mon frère aîné. Nous avons deux autres frères, Bipin et Sushil. C’était une personne extrêmement intelligente et studieuse depuis son enfance. Il lisait beaucoup. Il était le seul à consacrer autant de temps à la lecture dans la famille. Il a obtenu la petite bourse et a été admis au collège Royal de Port-Louis, où il excellait. Il a été classé troisième pour la bourse d’Angleterre.
À cette époque, il n’y avait que deux boursiers. Il a toutefois obtenu une bourse du Commonwealth. Lors des examens de HSC, il était le seul à avoir obtenu un triple A et un Triple One pour l’anglais. C’est la raison pour laquelle il avait obtenu sa bourse pour poursuivre ses études à la Durham University. Il détenait un BA honours English.
Il retourne à Maurice en 1966 et a pris emploi comme enseignant au collège St Andrews, avant d’être recruté comme enseignant au collège Royal de Curepipe. Il était très aimé. Il a ensuite postulé pour le poste d’Assistant Secretary dans la fonction publique. Il s’est présenté à un examen, et il y a été classé premier.
À ce moment, le “bolom Ramgoolam” l’a pris au Prime minister’s Office. Il était optimiste et croyait que tout était possible, que rien n’était impossible. Il a gravi les échelons pour devenir Private Secretary. À un certain moment, il a travaillé avec sir Henry Garrioch, qui occupait les fonctions de gouverneur général par intérim entre octobre 1977 et mars 1978. Si je ne me trompe pas, sir Robin Ghurburrun avait dit un jour à sir Seewoosagur Ramgoolam : “To pe les enn boug koumsa laba. Li ti bizin dan to biro”.
C’est ainsi que le Dr Ramgoolam l’a fait revenir au bureau du Premier ministre. Il ne l’a jamais quitté. Il a servi cinq Premiers ministres, à savoir sir Seewoosagur Ramgoolam, sir Anerood Jugnauth, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger et Pravind Jugnauth. Il a occupé le poste de Home Secretary et de Head of Civil Service. Il a été président ou vice-Chairman de la plupart des corps para-étatiques. Il était le vice-président d’Air Mauritius et président de la State Bank. Il était tellement brillant qu’un jour, un dénommé Simpson, un haut fonctionnaire britannique à Maurice, lui avait confié : “Bhinod, you have surpassed me!”.
Bhinod maîtrisait le fonctionnement du gouvernement “Inside Out”. Ce que le fonctionnaire prenait le temps pour réaliser, il le faisait en un flash. Il connaissait tout. Il avait un Network impressionnant et savait où chercher les renseignements. Comme si vous étiez dans une librairie; il savait où se trouve le livre et ce qu’il faut chercher. Il avait une mémoire d’éléphant. Il savait tout.
Il connaissait aussi tous les secrets d’Etat. C’est pourquoi, à un certain moment, lorsqu’il avait eu des problèmes, on croyait qu’il disposait de documents et de cassettes. On a effectué des fouilles, même chez moi, pour voir s’il avait gardé des secrets d’Etat. Mais c’était un homme extrêmement honnête et sincère. Pour lui, il fallait servir “the gouvernement of the day”. Il n’était pas politicien.
Plusieurs grandes phrases prononcées au Parlement par les Premiers ministres viennent de lui. Ainsi, sir Seewoosagur Ramgoolam, en réponse à une question clé, avait répondu : “As far as I know, I don’t know”. Lorsque le problème des Rs 25 avec l’effigie de Lady Jugnauth faisait rage, en réponse à une interpellation parlementaire, sir Anerood avait parlé de “In a moment of darkness…” . C’est lui qui avait rédigé la plupart des réponses des PQ et PNQ, et les discours prononcés dans les grandes occasions.
Pour moi, c’est une perte irremplaçable. Il est vrai que mon frère et moi étions comme chiens et chats. Il m’aimait beaucoup et je l’aimais aussi. Il y avait toujours un conflit entre sa façon de voir les choses et la mienne. Nous étions diamétralement opposés. C’était un fin diplomate alors que moi, je ne suis pas du tout diplomate. Pour lui, l’impossible n’existait pas. Il croyait au miracle.
Si je ne me trompe pas, on lui avait demandé, à un certain moment, de superviser tous les projets de Maurice. Binod était un grand littéraire et un grand bosseur. Il n’y avait pas d’heure pour lui. »
Vibrant hommage à sir Bhinod Bacha
Sir Bhinod Bacha, qui a perdu tragiquement la vie à l’âge de 80 ans dans un accident survenu sur le parking de son appartement samedi après-midi, sera incinéré à Solférino aujourd’hui. Sa dépouille quittera la chapelle ardente de Moura à Petite-Rivière vers 12h30. Entre-temps, ceux qui l’ont côtoyé et l’ont connu ont tenu à lui rendre un dernier hommage.
De nombreuses personnalités ont défilé hier à la chapelle ardente de Petite-Rivière, où sa dépouille est exposée depuis hier matin, pour lui rendre un dernier hommage. Ainsi, Lady Sarojini Jugnauth a été accueillie par le frère cadet de sir Binod, Anil Bacha. On notait également la présence de plusieurs ministres et fonctionnaires du bureau du Premier ministre, où il exerçait encore comme Senior Adviser, de même que de nombreuses autres personnalités.
Le ministre de l’Environnement, Kavy Ramano se souvient de lui comme d’un grand humaniste. L’ex-Premier ministre, Navin Ramgoolam, s’est également rendu à Petite-Rivière pour un dernier hommage. « C’est avec une grande tristesse que j’ai appris son décès dans des conditions dramatiques. C’était un grand commis de l’État. Il a mis sa connaissance au service de l’Hôtel du gouvernement. Le fait d’avoir servi sous cinq chefs de gouvernement, de bords politiques différents, démontre que c’est le pays qui comptait le plus pour lui. Je présente mes condoléances à toute sa famille », dira-t-il.
Tous les leaders politiques lui ont rendu hommage à travers des messages hier. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, qui avait préparé avec lui samedi matin les interpellations parlementaires prévues pour la séance de demain, affirme : « J’ai été attristé par la disparition tragique et subite de sir Bhinod Bacha. Il laisse le souvenir d’un fin intellectuel doté d’un souci du détail inégalé. Je présente mes plus vives sympathies à sa famille, à ses proches et à ses collègues », dit-il.
Le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, témoigne pour sa part : « C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai appris le décès de sir Bhinod Bacha. Ce fonctionnaire hautement cultivé était un ami de sir Gaëtan Duval. Il était respecté pour son intelligence et avait une grande ouverture d’esprit. Je présente mes sincères condoléances à sa famille, à ses proches et à tous ceux affligés par ce décès. »
« C’est très triste. Je présente mes plus vives sympathies aux proches de sir Bhinod Bacha. Mes pensées les accompagnent dans ces moments douloureux », déclarera pour sa part Paul Bérenger. « Nous avons perdu un grand commis de l’État, probablement le dernier de sa trempe et de sa génération, un pur Establishmentarian. Il avait une plume rare pour rédiger les discours et préparer les réponses aux interpellations parlementaires. Il a dirigé le service civil avec une grande expertise, et c’est lui qui a présidé le comité d’organisation de la première visite du pape Jean-Paul II chez nous; un grand défi. Une chose très rare. C’est lui qui m’a recruté comme attaché de presse venant de la radiotélévision nationale et j’ai travaillé avec lui pendant dix ans au bureau du Premier ministre. Je voudrais exprimer toute ma sympathie à la famille Bacha en ce moment tragique », fait ressortir Nando Bodha.
Pour Alain Laridon, sir Binod Bacha avait toutes les qualités d’un vrai patriote et d’un vrai Mauricien. Il se souvient de lui alors qu’il habitait rue Mère Barthélemy, à Port Louis, où il a grandi. Un de ses plus grands souvenirs aura été son rôle pour assurer la coordination entre les premiers grévistes de la faim en faveur des Chagossiens et le Premier ministre d’alors, sir Seewoosagur Ramgoolam. « Je me souviens m’être rendu en la résidence du Premier ministre d’alors,rue Desforges, où se trouvait déjà Jean Claude de l’Estrac et sir Binod Bacha. Un accord avait déjà été rédigé. Sir Bhinod et moi avions marché jusqu’à la Place du Quai pour transmettre les éléments de cet accord, qui devait déboucher sur l’envoi d’une première délégation à Londres pour rencontrer les autorités britanniques », ajoute Alain Laridon.
Sarita Boodhoo connaissait pour sa part sir Binod depuis son enfance : « Bhinod has passed away. We spent our childhood in Port Louis… And so many times of our life we have crossed each other’s path. We worked at Royal College Curepipe together. We were together on MGI Board of Directors the Governing Council. So Sad. But life is such…A day comes when we all have to leave our mortal beings. May his soul rest in peace. »