Il y avait certes le Français Biga*Ranx et le Réunionnais Davy Sicard. Toutefois, les plus belles surprises de cette deuxième édition du Joy Festival, tenue du 28 au 30 avril à N’Joy, dans le Nord de l’île, sont venues de Rodrigues et de Madagascar.
D’abord, le Rodriguais Wendada a subjugué en exposant sa version du sega tanbour, tourné vers l’avenir. À ses côtés, deux musiciens d’exception, à savoir le bassiste Ashley Spéville et le guitariste Manu Desroches. Lui a dévoilé la beauté de l’accordéon, cet instrument intrinsèquement lié à la musique rodriguaise, dont il fait montre d’une maîtrise unique.
Sur scène le 29 avril au restaurant de La-Cuvette, Wendada a enclenché « enn letour dan Kan-Pitel » pour assister impuissant à l’union de zenn-zan, qui fer leker fer mal. Des sonorités regorgeant de fraîcheur rodriguaise sur ce rythme endiablé provenant de cette île, qui préserve envers et contre tout un cachet pittoresque.
Pour porter cette nouvelle forme de sega tanbour, l’ingéniosité d’Ashley Spéville et la créativité de Manu Desroches. La prestation revêt dès lors un aspect inédit, pouvant ouvrir bien des portes à cette formation.
D’autre part, que dire de Davy Sicard si ce n’est qu’il a fait montre d’une maîtrise scénique hors normes ? L’histoire de la lutte des peuples opprimés trouve résonance au cœur de sa musique. De même que le rétablissement de faits historiques, notamment en dénonçant des esclavagistes élevés au rang de développeurs.
Une manière de conter l’histoire en omettant le rôle qu’ont joué les hommes et les femmes déchirés de leurs pays natals pour se retrouver esclaves en terres inconnues. Des récits d’une milice qui sas limanite, dont certains « passages restent encore dans le noir », a dénoncé le Réunionnais, accompagné durant un moment par Wendada, pour une expérience Réunion-Rodrigues sensationnelle.
Rock, Rap, Reggae…
Toutefois, les échos de la veille retentissaient toujours au deuxième jour du festival. Pour cause, Dizzy Brains a livré un Show Trash et énergique rarement expérimenté dans l’île. Les Malgaches ont, une fois encore, marqué les esprits le 28 avril. Ce, notamment grâce aux folies du chanteur Eddy Andrianarisoa, un natif d’Antananarivo. Micro et stand balancé vers la foule, whisky et eau versés sur lui-même. Pour au final avoir cette photo, diffusée sur les réseaux sociaux du showman à l’allure de 2-D (Gorillaz) gisant à terre devant un public et des organisateurs choqués – pour dire le moins.
Car Dizzy Brains ont du vécu. Dans une grande île témoin de misère, de corruption et de famine, parmi d’autres maux qui minent la bonté innée de ce peuple, grandit une scène rock prestigieuse. Le quatuor déployé à l’occasion du festival l’a relevé : le rock malgache résonne puissamment dans l’océan Indien.
Rappeur, chanteur, DJ, le Français Biga*Ranx a trouvé à Maurice un public de fans qui connaissait chacun de ses morceaux. En clôture dimanche, il ne lui a suffi que d’un ordinateur portable et d’une table de mixage pour les emmener sur les flots de La Glace et Liquid Sunshine.
Le précédant, Zulu et sa Tribu ont enflammé les lieux. Le Mahébourgeois devait ainsi prouver ses capacités à bouz to karapas, poursuivant son show au-delà de la tranche qui lui avait été allouée. Et c’était tant mieux, car beaucoup en redemandaient encore.
Il incombe cependant de souligner quelques phases durant lesquelles le bluesman semblait zapper ses paroles, donnant lieu à des sortes d’onomatopées – quelque peu risibles –, qui ne perdaient point de leur musicalité. Autre point : l’apport nullement négligeable de l’équipe de musiciens épatants qui le soutient. Donnant ainsi à ses œuvres davantage de punch et d’originalité.
En somme, le choix des artistes retenus, avec l’appui de Jorez Box pour cet événement de trois jours, s’est révélé pointilleux à bien des égards. De belles prestations ont ainsi pu être livrées pour ce festival culinaire et musical. The Prophecy, Hans Nayna, Eric Triton et Philippe Thomas, les prometteurs Man and the Positive Vibration, Eva-D, Maron’er, ainsi que les DJ Avneesh, Prince V, Hans Sookhur, Ayef, Reviival…
Le public a, lui, répondu présent durant les trois jours, qui ont également invité à la découverte culinaire, avec le soutien de deux chefs étoilés. Hormis les mets usuellement à la carte, des stands de dégustation avaient été aménagés pour exposer une délicieuse cuisine qui arborait des inspirations japonaises, américaines, mauriciennes et italiennes, entre autres. Tout cela porté par une équipe dont la jovialité et la cordialité mérite d’être soulignée.
Trois jours de House Full pour N’Joy. Avec cette deuxième édition, le Joy Festival ne peut que se qualifier de réussite.