Des milliers de scénaristes de télévision et de cinéma américains ont débuté mardi un mouvement de grève en raison de l’échec des négociations avec les principaux studios et plateformes portant notamment sur une hausse de leur rémunération.
A Los Angeles comme à New York, des piquets de grève se sont formés devant les studios.
« Les scénaristes ne sont pas suffisamment payés », notamment au vu de leurs « longues heures » de travail, estime Louis Jones, un scénariste en grève, interrogé par l’AFP devant les studios de Netflix à Los Angeles.
Ce mouvement social va se traduire par l’interruption immédiate d’émissions à succès, comme les « late-night shows », et d’importants retards pour les séries télévisées et films dont la sortie est prévue cette année.
Les réponses des studios aux demandes ont été « totalement insuffisantes, compte tenu de la crise existentielle à laquelle les scénaristes sont confrontés », a justifié le puissant syndicat des scénaristes, la Writers Guild of America (WGA).
« Le problème actuellement, c’est que le streaming a complètement changé le paysage médiatique », estime auprès de l’AFP le scénariste Danny Strong, interrogé à New York.
« Nous sommes le fondement même du contenu que les gens aiment et apprécient et duquel nos employeurs tirent profit », avance le créateur de la série « Dopesick », également vainqueur d’un Emmy pour le téléfilm « Game Change ».
Jimmy Fallon et Stephen Colbert, célèbres présentateurs de deux populaires « late-night shows », ont manifesté leur soutien lors du gala du Met de New York lundi soir.
« Je soutiens mon équipe », a assuré Jimmy Fallon, précisant qu’il « ne pourrai(t) pas réaliser l’émission sans eux ».
Pour Stephen Colbert, « les exigences des scénaristes ne sont pas déraisonnables ».
« Je suis membre du syndicat et je soutiens les négociations collectives. Ce pays doit beaucoup aux organisations syndicales », a-t-il ajouté.
Le dernier mouvement social d’ampleur à Hollywood remonte à la grève des scénaristes qui avait paralysé l’audiovisuel américain en 2007-2008. Un conflit de 100 jours qui avait coûté deux milliards de dollars au secteur.
– Essor du streaming –
Les principaux studios et plateformes, dont Disney et Netflix, représentés par l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP) ont annoncé lundi soir que les pourparlers avec la WGA « s’étaient conclus sans accord ».
Les scénaristes réclament une hausse de leur rémunération, des garanties minimales pour bénéficier d’un emploi stable et une plus grande part des bénéfices générés par l’essor du streaming. Leurs employeurs, disent-ils, réalisent des bénéfices et augmentent les salaires de leurs dirigeants.
Ils estiment n’avoir jamais été aussi nombreux à travailler au salaire minimum fixé par les syndicats, tandis que les chaînes de télévision embauchent moins de personnes pour écrire des séries de plus en plus courtes.
De leur côté, les studios affirment devoir réduire leurs coûts en raison des pressions économiques.
Si l’AMPTP assure avoir proposé aux scénaristes une augmentation de la rémunération, elle s’oppose à plusieurs revendications, notamment la révision de la rémunération des scénaristes de séries diffusées en streaming, qui restent souvent visibles sur des plateformes pendant des années.
Pendant des décennies, les scénaristes ont perçu des « droits résiduels » pour la réutilisation de leurs œuvres, par exemple lors des rediffusions télévisées ou des ventes de DVD.
– Forte pression –
Il s’agit soit d’un pourcentage des recettes engrangées par les studios pour le film ou l’émission, soit d’une somme fixe versée à chaque rediffusion d’un épisode.
Avec le streaming, les auteurs reçoivent chaque année un montant fixe, même en cas de succès mondial de leur travail comme pour les séries « Bridgerton » ou « Stranger Things », vues par des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde entier.
La WGA réclame la revalorisation de ces montants.
Les studios soulignent, eux, que les « droits résiduels » versés aux scénaristes ont atteint un niveau record de 494 millions de dollars en 2021, contre 333 millions dix ans plus tôt, en grande partie grâce à l’explosion des emplois de scénaristes liée à la hausse de la demande en streaming.
Après avoir été dépensiers ces dernières années, lorsque les diffuseurs concurrents ont cherché à augmenter le nombre d’abonnés à tout prix, les patrons soulignent être désormais soumis à une forte pression de la part des investisseurs pour réduire leurs dépenses et réaliser des bénéfices.
Et ils nient prétexter des difficultés économiques pour renforcer leur position dans les négociations avec les scénaristes.