Énergies : à quand la révolution ?

De tous les défis de cette ère troublée de l’humanité, la question du dérèglement climatique est indéniablement la plus pressante. D’autant que malgré moult négociations, conférences et autres signatures d’accords, jamais nos émissions de gaz à effets de serre n’auront connu une telle hausse, la planète payant probablement le prix fort des confinements successifs de ces dernières années. Pour autant, la firme britannique de consultants en énergie Ember vient d’apporter une bouffée d’espoir aux défenseurs de la cause climatique. Ainsi, selon ces experts, la part de l’électricité mondiale produite à partir de carburants fossiles aurait « peut-être » atteint son sommet l’an dernier. Entendez par là qu’à partir de maintenant, nos émissions carbone seraient sur la pente descendante.
Cette affirmation, sous-tendant que nous aurions donc atteint le pic pétrolier, est cependant à prendre avec des pincettes. Certains se rappelleront peut-être des prédictions de Marion King Hubbert qui, pour la première fois, en 1956, avait modélisé la courbe de production pétrolière, avant d’estimer que le pic, aux Etats-Unis, serait atteint dans les années 70’. Si tout cela se sera au final révélé exact, cela aura cependant été de courte durée, et ce, en raison du boom des pétroles de formation compacte, et que l’on ne pouvait alors prédire ! Raison pour laquelle la prudence reste encore une fois de mise.
Il faut en effet savoir qu’il existe plusieurs sortes de pétrole, à commencer par le plus connu, celui dit « conventionnel », que l’on a utilisé et que l’on utilise encore jusqu’ici. L’on retrouve ainsi également le pétrole de réservoir compact (difficile à pomper car la roche-réservoir est peu poreuse), les sables bitumineux (près de la surface, mais visqueux, car mélangé notamment à du sable), le pétrole extra-lourd (genre de sables bitumineux, là aussi, mais plus profondément enfouis, et que l’on trouve au Venezuela), ainsi que le pétrole arctique (difficile à extraire du fait des conditions climatiques). Autant de sources différentes donc, mais qui présentent toutes un dénominateur commun : celui de leur non-renouvellement, du moins à des échelles géologiquement acceptables.
En d’autres termes, quoi que l’on fasse, le pétrole – comme les autres formes d’énergies non renouvelables – finira par définition par manquer. Et ce, que l’on ait ou non déjà franchi le fameux pic, tant attendu par beaucoup pour que nous puissions enfin engager l’humanité d’une manière plus efficiente dans la nécessaire refonte de notre système de production énergétique, à l’origine de tous nos maux actuels.
La bonne nouvelle donc, du moins serait-on tenté de le croire, viendrait donc de l’affirmation de ce cabinet britannique, qui affirme, chiffres à l’appui, que nous serions en phase de déclin. Ce qui garantirait donc que, malgré nos tergiversations sur la question de la réduction de nos émissions de gaz à effets de serre – et donc de nos exploitations –,bon gré, mal gré, nous devrions « bientôt » apprendre à nous passer de pétrole, et le cas échéant également de charbon (même si les réserves de ce dernier sont encore colossales).
Le problème, en fait, vient justement du « bientôt ». Un adverbe qui a toute sa justification à l’échelle de l’humanité, mais qui, dans le cas présent, est largement à relativiser. Car même le pic franchi, les projections prévoient que les réserves exploitables seront seulement de moitié conséquente aux réserves actuelles à l’aube du siècle prochain. Reste évidemment à savoir si ces réserves vaudraient encore la peine d’être extraites, le coût d’extraction ayant probablement d’ici là dépassé les limites acceptables. Mais de toute façon, la fin du pétrole n’est pas pour demain. Aussi, le problème climatique risque-t-il dans le même temps de s’accentuer gravement.
Moralité : même dans le scénario le plus optimiste, rien ne semble pouvoir empêcher la température moyenne de la planète de grimper, et même de dépasser le seuil des +1,5 °C par rapport au 19e siècle, voire des +2 °C d’ici la fin du siècle. Est-ce à dire que « tout est foutu » ? Pas forcément, même si cela en prend malheureusement la direction. Encore faudrait-il que nous acceptions l’idée que, puisque le pétrole viendra bien un jour à manquer, et ce, quoi que l’on fasse, alors autant mettre un frein dès aujourd’hui à notre dépendance à cette ressource de malheur.

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