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Le mauvais cinéma de l’ICAC

Jeudi de la semaine dernière, la presse a été briefée sur une action que comptait entreprendre l’ICAC. Oui, vous avez bien lu : l’ICAC a changé de comportement vis-à-vis de la presse, considérée, il n’y a pas si longtemps, comme un de ses adversaires. Dans ce passé pas trop lointain, la presse n’avait même pas accès à la cour de l’institution, de sorte que ceux qu’elle convoquait, ou qui se rendaient à ses bureaux de leur propre gré, ne soient pas importunés par les flashes des caméras de la presse.

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C’est ainsi que la presse a raté la visite nocturne que le Premier ministre rendit à l’ICAC dans le cadre de l’affaire Angus Road. Une affaire dont on semble avoir enfermé le dossier dans un tiroir dont on aurait sciemment égaré la clef. Autrefois, il fallait à la presse faire le pied de grue pendant des heures, à l’extérieur de l’immeuble, pour essayer de photographier un des convoqués de l’ICAC, à travers les vitres levées de sa voiture. Depuis quelque temps, la presse est prévenue de l’heure exacte des convocations et les grilles sont grandes ouvertes pour que les photographes puissent faire leur travail. Mais dans cette « démocratisation » de l’information, il est évident que la presse est plus invitée pour certains convoqués de l’ICAC que d’autres. C’est ainsi que jeudi de la semaine dernière, la presse fut briefée pour qu’elle puisse titrer le lendemain que « le leader du Reform Party était recherché par l’ICAC pour être interrogé » sur une affaire vieille de huit ans. Mardi « l’information » précisait que « l’ICAC était en présence d’un ordre d’arrestation de Roshi Bhadain. »

Le même jour, le leader du Reform Party reçut un appel d’un surintendant de police l’informant que s’il ne se rendait pas à l’ICAC, il serait arrêté, un mandat d’arrêt ayant été émis par le commissaire de police contre lui. L’avocat se rend au triangle de Réduit avec ses hommes de loi et après plusieurs heures de discussion, il fut convenu que les légistes de l’ICAC et l’avocat n’ayant pas la même interprétation de certaines lois, il serait demandé à juge en chambre de trancher, et Bhadain put rentrer chez lui. Le soir dans son journal télévisé, la MBC consacra un reportage détaillé des événements avec des images de l’avocat entrant à ICAC. Un reportage donnant le point de vue de l’ICAC.

La MBC expliqua, en citant les textes de loi, que la commission avait « sollicité l’intervention du commissaire de police pour émettre un ordre d’arrêt (contre l’avocat), chose faite dans la matinée du 18 avril. » Pour le téléspectateur du JT de la MBC, l’avocat qui ne s’était pas présenté à une convocation de l’ICAC, avait commis une offense et le commissaire de police avait émis un mandat d’arrêt contre lui. Mais le problème de l’ICAC c’est que Roshi Bhadain est un avocat qui connaît les lois et peut mobiliser une équipe pour préparer les documents nécessaires pour assurer sa défense. C’est ainsi que le lendemain, il a présenté au juge en chambre un affidavit juré racontant sa version des faits, ce qui a intéressé le juge qui a posé pas mal de questions à la police et aux représentants de l’ICAC. Dans son ordre qui résume les débats en chambre, le juge écrit que la police et l’ICAC ont été obligées d’admettre que malgré les déclarations plantées dans les médias, aucun mandat d’arrêt n’avait été émis par la police contre l’avocat à la demande de l’ICAC ! Bref, tout le château de cartes de l’ICAC s’est écroulé !

Ce billet d’humeur n’est pas écrit pour défendre Roshi Bhadain. Il sait le faire et dispose de moyens suffisants pour cela. Ce billet est écrit pour expliquer comment des institutions de la République, censées défendre la loi et le citoyen, peuvent utiliser des méthodes de mafieux pour essayer de salir et de décrédibiliser des opposants au régime en fournissant de fausses informations à la presse. Comment elles font du mauvais cinéma. Roshi Badhain a pu souligner les incohérences et les lake ferblan installés par ses accusateurs, et éviter son arrestation, ce qui était visiblement le but de la manœuvre. Mais que pourrait faire le simple citoyen pour se défendre, s’il se retrouvait dans la même situation que celle vécue, cette semaine, par le leader du Reform Party ?

Et l’on osera s’étonner du manque de confiance des Mauriciens dans les institutions !

Jean-Claude Antoine

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