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Au pied de mon arbre

Chaque minute qui passe, le monde perd une surface forestière équivalente à 30 terrains de football, soit plus de 215 000 m2. Ce constat, dressé par Greenpeace il y a déjà quelque temps, interpelle d’autant plus lourdement que l’humanité se dirige lentement, mais sûrement, vers le fatidique point de non-retour en matière climatique. Car si la protection des droits humains est inscrite dans la plupart des Constitutions du monde, celle de l’environnement, elle, en est totalement absente. Avec pour résultat de laisser le champ libre à nos idées de développement les plus folles. Et de promettre dans le même temps à nos forêts le plus funeste des destins : celui de disparaître.
En premier lieu, l’on pense naturellement à la forêt amazonienne, grignotée jour après jour par les terres agricoles et l’industrie minière. Mais bien que son cas soit le plus inquiétant, d’autres forêts, tout aussi primordiales, font également les frais de la cupidité des hommes, que ce soit en Afrique – où l’arbre sert d’aliment au bétail –, en Asie – où des forêts entières d’arbres endémiques sont rasées pour y planter des palmiers à huile de palme –, voire même en Europe. Autant dire que l’on est loin de cette prise de conscience écologique que nos dirigeants aiment afficher à chaque fois que la question climatique est abordée, histoire de se donner bonne conscience.
Et notre pays, alors ? Certes, Maurice ne pèse pas grand-chose sur ce point. Comment d’ailleurs ce confetti de terres posé sur l’océan pourrait-il rivaliser avec les grandes puissances du monde, et donc par définition les plus responsables de la catastrophe en cours ? Se poser la question est se tromper de problème. Car en réalité, il s’agit avant tout d’une responsabilité collective. D’autant plus que Maurice est signataire de l’Accord de Paris. Aussi, comment expliquer la désinvolture de nos autorités en matière d’environnement, et que notre petitesse devrait au contraire nous inciter à davantage protéger ? Au lieu de cela, que faisons-nous ? Nous déracinons, nous bétonnons… Bref, nous nous développons ! Encore faut-il bien sûr savoir de quel développement l’on parle…
Les arbres, rappelons-le, constituent un bouclier naturel contre le changement climatique. En capturant le carbone et en le stockant, ils permettent en effet de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Sans compter bien entendu la riche biodiversité que les forêts abritent, et dont le rôle quant au maintien de la vie sur Terre est tout aussi essentiel. Autant d’espèces qui perdent donc leur habitat, les poussant à se rapprocher de l’homme et, accessoirement, à nous transmettre de nouveaux virus (vous vous rappelez encore du Covid ?).
Et ce n’est pas tout, car les forêts permettent également, par ricochet, de réguler la pluviométrie. Ce qui signifie que plus elles disparaissent, et plus les périodes de sécheresse se rallongent. Rappelons-nous d’ailleurs que si ce n’étaient quelques jours de fortes pluies en début d’année et le passage d’un certain Freddy, les autorités mauriciennes seraient aujourd’hui contraintes de durcir davantage le ton en termes de distribution d’eau potable.
Une récente étude vient d’ailleurs encore de confirmer le fait (déjà observé par les populations locales) que la déforestation assèche les tropiques. Les chercheurs de l’université de Leeds, au Royaume-Uni, appuyés en cela par des données satellitaires, expliquent ainsi qu’au Congo, par exemple, il pourrait tomber, d’ici la fin du siècle, entre 8 et 12% de pluies en moins. Et ce n’est évidemment qu’un exemple parmi tant d’autres. En cause : la couverture arborée, dont la perte perturbe le processus par lequel l’humidité des feuilles est renvoyée dans l’atmosphère (évapotranspiration), où elle finit par former des nuages ​​de pluies.
Mettre un arrêt définitif à la déforestation est donc devenu une réelle urgence, dont nous ne prenons absolument pas la mesure. Lutter contre le changement climatique ne consiste pas qu’à opérer une transition énergétique et à limiter nos émissions carbone ; c’est aussi et surtout sauver ce qui peut encore l’être. À commencer par le peu de surfaces forestières qu’il nous reste. Ainsi, un jour peut-être, nos descendants pourront-ils encore, tranquillement assis à l’ombre d’un arbre, regarder le ciel entre ses branches en se rappelant les jours anciens où l’humanité avait failli perdre son unique maison.

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