Écœurant ! Odieux ! Révoltant et dégoûtant que le Premier ministre, en pleins travaux parlementaires, ait eu ce geste aussi humiliant que de brandir une photo et le nom de l’artiste Jasmine Toulouse, l’associant au réseau du dénommé Franklin, caïd présumé de la mafia et trafiquant, la traînant ainsi dans la boue, et profiter de son immunité parlementaire à lui pour commettre un acte aussi vil et s’en tirer, finalement, à bien bon compte.
Ce qui s’est passé ce 28 mars dans l’hémicycle ne doit plus jamais se reproduire. Il n’y a pas de mot assez fort pour traduire la révulsion des nombreux Mauriciens depuis ce lamentable incident. Hommes comme femmes sont solidaires avec l’artiste et jeune maman, qui n’a pas perdu de temps et posté, avec justesse, un live post sur les réseaux sociaux pour partager sa détresse.
Bravo d’ailleurs à ceux qui, anonymes comme personnalités politiques, n’ont pas fait preuve d’attentisme et qui sont rapidement montés au créneau pour dénoncer cette attitude des plus barbares – surtout venant d’un chef de gouvernement, de surcroît père de trois jeunes femmes ! Tu parles d’un exemple ! Et pour réclamer des excuses publiques, au plus vite. Car cette situation est bien trop grave pour la passer sous silence. Ce serait même un délit moral de la part de chacun de nous que de faire comme s’il ne s’était rien passé.
Cette affaire ne s’arrête pas à la personne de Jasmine Toulouse. Une femme, une Mauricienne, mère de famille, bread earner qui se bat contre les obstacles de la vie, a été traitée de la manière la plus blessante et offensante qu’on puisse imaginer. Et par qui ? Nul autre que celui qui s’est autoproclamé défenseur des Mauriciennes !
Pas plus tard que début mars dernier, dans le cadre de son grand rallye pour la Journée de la Femme, aux côtés de sa ministre de l’Égalité des genres, Pravind Jugnauth bombait le torse et se présentait comme le plus ardent défenseur des Mauriciennes. De toutes les Mauriciennes ? Ou de certaines d’entre elles ?
Où est passée, justement, Kalpana Koonjoo-Shah ? N’a-t-elle rien à dire sur ce qui s’est passé ? Peut-être que la scène lui a échappé… Mais des vidéos de l’incident sont là. Et quid des autres femmes présentes ? Et la députée qui est elle-même une artiste de renom ? Ces silences sont dangereusement assourdissants.
Il est quasiment impossible de faire l’impasse sur ces paroles de Pravind Jugnauth, à Vacoas, lors du meeting du 1er mai 2019 : « Si met ou tifi tou sel dan enn la sam ar sak leader de bann parti politik la, dir mwa avek kisanla ou pou pli santi ou pli en sekirite ? » Ces paroles ne s’estomperont jamais. Et pourtant, cette semaine, l’auteur de ces mots a franchi (encore !) une nouvelle ligne rouge. Nul ne peut cautionner un tel degré d’ignominie !
Ce cas est, à notre humble avis, suffisamment clair et net. Chaque Mauricienne a été blessée et réclame réparation. Car en s’attaquant aussi ouvertement à Jasmine Toulouse, en révélant nom et photo de la citoyenne, le Premier ministre n’a, ni plus ni moins, manqué de respect envers toutes les femmes. Envers chaque Mauricienne. Et l’entorse qu’il commet aux Standing Orders du Parlement est tout aussi grave. Puisque, selon le protocole en vigueur dans cet auguste temple de la démocratie, des règles comme la protection de l’identité d’une personne, entre autres, ont cours. Et Pravind Jugnauth en a tout simplement fait fi ! Il ne doit pas et ne peut pas walk away scot-free. Des excuses sont attendues. Et tout autant de l’organisateur de spectacles, qui a honteusement rayé Jasmine Toulouse de sa liste d’artistes. These people need to make amends.
Quelle rentrée parlementaire ! Si c’est sous ce signe que se dérouleront les travaux du calendrier de 2023, on ne donne pas cher de notre sens de la moralité au sein de l’hémicycle. Peut-on s’attendre à ce que des élus de la majorité fassent preuve de courage, qu’ils dénoncent cet incident des plus répugnants et avilissant, et fassent la différence ? Ou est-ce toujours du wishful thinking que de penser qu’il y a encore quelques espoirs de ce côté de la Chambre ? À écouter les justifications (déjà) d’Alan Ganoo, on ne devrait pas trop se faire d’illusion toutefois.