Non mais, quel aveu !

Lorsque nous parlions de Mafialand, certains ont sauté, estimant que nous avions forcé le portrait, recouru à une exagération provocante pour faire peur et ternir davantage l’image pourtant déjà bien écornée des dirigeants du jour.

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Or, voilà que le Premier ministre – celui qui dirige le pays, la police et qui choisit tous ses petits copains pour piloter les principales institutions – vient, un dimanche matin de show de “scavenging express”, déclarer en public son inquiétude “quant à l’influence de la mafia sur les institutions”. Non mais, quel aveu!

Dans un autre pays où la décence est la norme, un dirigeant de club de foot, d’association caritative, de troisième âge ou de conseil municipal aurait rendu son tablier, en assumant le naufrage et en reconnaissant  l’échec. Non, Pravind Jugnauth est un “inquiet” qui se croise les bras et qui ne fait que constater. Shocking!

Si sa mémoire flanche, on peut juste lui rappeler qu’après des dénonciations systématiques dans la presse, ce n’est pas moins que la commission sur la drogue présidée par l’ancien juge Paul Lam Shang Leen qui avait établi qu’il y avait des liens organiques entre forces de l’ordre et trafiquants de drogue. Une des recommandations formulées était le démantèlement de l’ADSU.

Interpellé à maintes reprises sur cette préconisation très précise, le ministre de l’Intérieur a été catégorique : pas question de démanteler l’ADSU dont il disait apprécier le travail de manière emphatique. Aujourd’hui, il parle de “l’influence de la mafia” et son “evil like” commissaire de police Dip a décidé d’étêter l’ADSU et de privilégier sa “striking team”, elle-même sujette aux pires accusations et à des soupçons de connivence avec plusieurs filières de trafic de stupéfiants. Son ADSU démembré, c’est un nouvel échec pour le PM qui a la responsabilité de la police depuis janvier 2017. Après six ans, avec un tel bilan, c’aurait du être la porte de sortie.

Quant à son commissaire de police, il a fait de la fonction constitutionnelle éminemment importante qu’il occupe une véritable farce. Qu’Anil Kumar Dip, avec le passif qu’il partage avec son fils et ses antécédents peu glorieux, ait été choisi par le PM pour occuper cette fonction est en lui-même une aberration.

Les choix de Pravind Jugnauth sont tous comme ça. Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es. L’adage est seyant. Il aime s’entourer de petits combinards, jamais très nets, mais toujours à l’affût du bon coup. Soit il ressemble à ceux qu’il désigne, soit il les tient pour qu’ils puissent invariablement se plier à ses injonctions. Dans les deux cas, il n’est pas digne d’occuper le poste de Premier ministre.

Son commissaire de police a franchi une nouvelle étape dans la crise des institutions en émettant un communiqué, lundi, pour s’en prendre au Directeur des Poursuites Publiques qui a, dans une décision de grande sagesse, renoncé à l’appel du jugement de la magistrate Jane Ngan Chai King en faveur de la libération de Bruneau Laurette sous de très strictes conditions déjà.

“Evil precedent” a commenté Anil Kumar Dip. Il en connaît un rayon dans ce registre. Sa nomination à la tête de la police autant que la grâce miraculeuse accordée à son fils comme cadeau de Noël 2022 sont, elles, de vrais “evil precedents”. Et le plus étonnant c’est qu’après un tel communiqué qui met à mal la séparation des pouvoirs, le ministre de l’Intérieur n’ait pas invité son poulain à débarrasser immédiatement le plancher. Mais qui se ressemblent s’assemblent, n’est-ce pas?

Les dérapages du commissaire de police ne doivent pas, non plus, nous faire perdre de vue la saga Franklin et la manière dont l’enquête de l’ICAC est menée. Le 12 février, dans ces mêmes colonnes, nous regrettions que la perquisition de la commission ne se soit astreinte qu’au château indécent, insolent et de mauvais goût de La Gaulette et que la grande ferme sur le littoral ait curieusement échappé à  l’ICAC qui n’a pas pensé y rendre une petite visite “pour établir s’il s’agit d’une acquisition et avec quel argent, d’un bail à combien ou d’un squat toléré”.

On sait maintenant qu’il s’agit d’un terrain de l’État de 50 arpents destiné à un projet hôtelier que s’est approprié le roi de l’ouest. L’ICAC, qui semble (ou feint d’) ignorer les vertus des perquisitions simultanées, a décidé de procéder par étapes, ce qui a dû laisser du temps pour de nombreuses défalcations. Et elle s’étonne de ne découvrir, des semaines plus tard, que quelques “drums” vides sur la ferme pieds dans l’eau.

Pareil pour le ranch de Pétrin de 350 arpents toujours sur des terres de l’État. Il est pourtant parfaitement connu des habitués de la région et surtout des jeunes passionnés de motos, qui ont aménagé un terrain juste à côté pour la pratique de leur sport de loisir.

Maintes fois intimidés, ils ont tenté de faire intervenir la police, avant de découvrir que ce Franklin est un protégé qui agissait comme un gendarme auto-proclamé de la région et décidait qui peut y circuler ou pas.

Là-bas aussi, à part les murs que les trafiquants n’ont pu faire disparaître et quelques grosses cylindrées qui n’ont pu être transformées en pièces détachées, rien de probant découvert après la perquisition de l’ICAC, si ce n’est qu’il s’y déroulait quelques parties fines.

Le plus scandaleux dans cette affaire de 400 arpents des terres de l’État occupées par Franklin et ses nombreux prête-noms, c’est que l’on a pas entendu le fidèle adjoint de Pravind Jugnauth, Steve Obeegadoo, celui qui n’avait pas hésité, en plein confinement et au beau milieu de l’hiver, à chasser brutalement des squatters qui occupaient des petits bouts de terrain à Malherbes, Pointe aux Sables et Riambel.

Ce ministre du Logement, qui avait résilié d’un trait de plume et en une journée le bail du MTC du Champ de Mars et causé la disparition d’un patrimoine vieux de 211 ans, n’a pas encore agi dans le cas d’un trafiquant de drogue condamné à La Réunion. La politique autrement, n’est-ce pas !?

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