La People’s Turf PLC de K. K. Ubheeram a finalement cédé à la pression de l’opinion publique en soumettant son Cost-Sharing Contract de l’entretien de la piste du Champ-de-Mars à la MTCSL, lundi après-midi. Son ultimatum pour un Non-Disclosure Agreement ayant échoué, la PTP a une nouvelle fois assorti ses propositions d’une condition Sine Qua-Non de reconnaissance par le club bicentenaire que les dirigeants du PTP sont « sound of mind » et qu’ils n’ont, à aucun moment et sous aucune forme, agi contre les intérêts des responsables des MTC/ MTCSL.
Si les MTC/MTCSL ont plutôt trouvé risible— pour ne pas dire enfantine — cette nouvelle condition imposée par PTP accompagnant le contrat du Cost-Sharing pour l’entretien de la piste, de même, elles ont trouvé la contrepartie financière hors de proportion et inacceptable.
Rs 12 M
En tout cas, ces propositions ressemblent fort à celles contenues dans une lettre envoyée à la Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complexe Limited (COIREC), le 19 décembre dernier par Me S.S. Murday (avoué). À l’époque, People’s Turf PLC avait signifié son intention de réclamer Rs 650 000 par mois à la MTCSL pour l’entretien de la piste.
Le Draft Contract que la PTP a finalement soumis — qu’aucune des deux parties n’a souhaité rendre public à ce stade — exigerait un paiement total d’environ Rs 12 millions pour l’année par la MTCSL à la PTP, soit environ les Rs 650 000 pour chacune des 18 journées qui sont supposées être attribuées à la MTCSL. Cette somme était partagée entre les deux parties l’année dernière. Aucune des deux parties n’a voulu donner de plus amples renseignements sur la proposition de la PTP.
Il faut comprendre que cette somme représente une estimation et qu’elle est départagée en plusieurs items :
• l’entretien de la piste, la plus onéreuse (environ Rs 750 000 par mois),
•la pose des false rails (environ Rs 100 000/mois) et,
•l’ajout du sable nécessaire pour la petite piste pour (Rs 80 000/mois) montant payé annuellement, soit de Rs 1 million).
Ce deal financier comprend aussi un dépôt initial de plus de Rs 1,5 million et une garantie bancaire de près de Rs 10 millions.
« Laughable »
Pour le MTC, cette proposition représente une absurdité car malgré tout ce qu’avancera PTP pour justifier sa demande. Le consortium MTC/MTCSL, de par son expérience, sait que la somme demandée est plus qu’exagérée et ne mérite même pas d’être considérée et analysée. « It’s laughable », laissent entendre les hauts cadres du club, approchés, hier.
De son côté, la PTP justifie ses propositions de par ses investissements techniques mais aussi humains avec un spécialiste du gazon, en la personne de l’agro-écologue, Guillaume Maurel, pour entretenir la piste et un autre pour les False Rails, Nicholas Dupavillon, figure incontournable du centre hippique de Petit-Gamin.
Afin de mieux comprendre l’inflation des prestations de PTP pour la piste, il faut établir la comparaison avec les propositions de la lettre à la COIREC le 19 décembre dernier, où les raisons suivantes ont été avancées pour justifier sa demande d’environ Rs 650 000 par mois, notamment elle a beaucoup investi dans l’entretien de la piste depuis qu’elle en a pris possession en juin 2022 ; avant cela, alors que la piste était sous l’entretien de la MTCSL, l’entretien laissait à désirer et l’hippodrome était dans un état misérable ;
Elle a engagé de gros investissements pour constituer une équipe de maintenance composée de personnel qui travaille dans l’industrie des courses depuis des décennies et de personnel formé pour entretenir la piste ;
(Elle a acheté des détecteurs de métaux et d’autres équipements pour relever des objets sur la piste alors que la MTCSL n’en avait aucun ;
Elle a acheté du sable pour rehausser le niveau de la piste de course ;
(Elle a encouragé la construction d’une « pépinière » pour avoir de l’herbe résistante de haute qualité ;
Elle a entretenu la piste alors que la MTCSL n’a rien fait pour favoriser le bon entretien de la piste.
Plus que jamais le contrat proposé par le PTP à la MTCSL pèsera de tout son poids sur l’avenir des courses en 2023 mais aussi les années suivantes.
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Ce vendredi, 3 mars
Une assemblée générale « vraiment extraordinaire » attend le MTC
•La cessation des activités du MTCSL semble être le souhait d’une majorité des membres du MTC à 72 heures du vote décisif
• Seul un manque de quorum peut bloquer cette mise à mort
• Un ex-président du MTC : « Tout a été prémédité et orchestré par la politique »
C’est une assemblée générale vraiment « extraordinaire » qui attend les membres du Mauritius Turf Club, vendredi après-midi. Dans une correspondance qui leur a été adressée par le MTC, le président Gavin Glover souligne que « cette assemblée générale est capitale pour le futur de la MTCSL, notre filiale conçue pour être la Horse Racing Organiser, en marge des amendements apportés à la Gambling Regulatory Act en 2021. Toute décision impactera l’organisation des courses en 2023 et aura des conséquences importantes pour nous tous, membres, employés, entraîneurs et propriétaires. Nous sommes dans une situation extrêmement délicate et nous demandons à tous les membres de faire valoir leur droit de vote en présentiel ou par procuration. Le destin du Club et de sa filiale dépendra de votre décision ».
Autant dire que la participation d’un maximum de membres sera d’une importance capitale. Si une majorité simple suffira pour que le MTC ordonne à la MTCSL d’arrêter d’organiser les courses, en revanche, il faudra que le quorum soit atteint pour que le vote puisse être ratifié. Ainsi, le président Glover doit s’assurer qu’un maximum de membres soient présents au Champ-de-Mars pour un vote In Situ et que les absents se fassent représenter sous forme de procuration certifiée.
Les membres présents de cette assemblée seront appelés à délibérer et à voter deux résolutions :
la première : décider, compte tenu des circonstances financières, contractuelles et règlementaires de la MTC Sports and Leisure Limited et de la situation financière actuelle du MTC, si celui-ci doit continuer de soutenir la MTCSL financièrement pour qu’elle organise les courses et,
la seconde : donner tout mandat à son/ses représentants en vue d’appliquer la résolution ainsi votée à tout conseil d’administration du MTC et à toute assemblée d’actionnaires.
Difficile de sortir la tête de l’eau
Il n’est un secret pour personne que bon nombre des membres sont pour l’arrêt des opérations car les pertes financières des MTC/MTCSL ne font que continuer à grossir au fil des mois. Actuellement, ces pertes s’élèveraient à plus de Rs 130 millions. « Cette situation ne s’améliorera pas d’autant que le nombre des journées des courses a diminué. Et qu’avec les amendements apportés par la Côte d’Or International Racecourse and Entertainment Complexe Limited (COIREC) au bail du Champ-de-Mars, il sera très difficile, voire impossible à la MTCSL d’au moins équilibrer son budget », explique un membre de la direction de la MTCSL.
La People’s Turf PLC entend faire chèrement payer son exclusivité de l’entretien de la piste du Champ-de-Mars à la MTCSL, ce qui complique davantage la situation qui n’est déjà pas propice à un retour à l’équilibre financier. Une détérioration des pertes des revenus de la MTCSL à partir des activités hippiques ne peut qu’être favorable aux desseins du magnat des paris, Jean Michel Lee Shim, le plus gros actionnaire de PTP. Il s’apprête à prendre avantage de cette situation pour asseoir sa mainmise sur tous les aspects des courses à Maurice.
Pour le consortium MTC/MTCSL, le plus gros challenge n’est certainement pas de savoir s’il faut arrêter ou non d’organiser les courses mais de gérer l’éventuel licenciement des employés, étape qui semble inévitable. Après deux années de survie pénible et d’angoisse, ces employés redoutent leur avenir immédiat et sont dans le flou le plus total pour savoir s’ils recevront ou non une compensation.
Sauf nouveau revirement de situation spectaculaire, MTC/MTCSL n’organisera pas de courses cette année, une première pour le Club bicentenaire. Un ancien président amer s’est confié à Le-Mauricien : « MTC/MTCSL était un condamné à mort, n’attendant que son exécution dans le couloir de la mort. Tous les Mauriciens, y compris ceux qu’on appelle les chatwas, savent pertinemment bien que les malheurs du MTC/MTCSL étaient écrits sur les murs et que tout a été prémédité et orchestré par les autorités gouvernementales à travers la Gambling Regulatory Authority, la Horse Racing Division et la COIREC. Avec la bénédiction du gouvernement et du Premier ministre, Pravind Jugnauth. En tant que dirigeants responsables du MTC, mais aussi en tant que patriotes, nous nous sommes battus contre vents et marées pour que MTC/MTCSL continue à organiser les courses mais hélas nous n’avons pu résister à l’étranglement financier qui a eu raison de l’existence même du club ».
« Priez pour nous, les employés »
Par ailleurs, un employé qui compte plus de 15 ans de service, rajoute : « Je ne sais si je suis employé du MTC ou de la MTCSL, mais ce que je sais j’ai donné plus de 15 ans de ma vie à l’industrie hippique, au sport hippique. Une décision sera prise vendredi et autant que je sache, la fermeture est inévitable. Elle causera le désarroi et la détresse dans plusieurs familles. Que les vrais fautifs soient sanctionnés ! ».
Avec cette menace potentielle de pertes d’emploi, aucune personnalité politique a montré le moindre intérêt pour ce drame humain qui se profile à l’horizon :« c’est une preuve supplémentaire de la détermination et la volonté du pouvoir et de ses alliés d’en finir avec MTC/MTCSL. Il ne reste à la MTCSL que d’appuyer sur la gâchette pour abréger ses souffrances financières…».
Certes, certains des ex-employés trouveront sans doute du travail chez celui qui est responsable de leur situation. Mais plus rien ne sera comme avant. « Nous travaillerons pour la forme, mais dans le fond, notre cœur restera avec le MTC, qui est un membre de la famille et qui nous a aidés à vivre et assurer l’éducation de nos enfants. Aujourd’hui, il n’y a hélas que l’argent qui compte mais attention, par mon expérience, je suis capable de dire que l’argent détruit plus qu’il ne contribue pour construire. Je fais un appel aux Mauriciens et aux turfistes pour prier pour notre pays qui traverse par des moments très difficiles, ces jours-ci », fait-il encore comprendre.
Dans 72 heures, quoiqu’il arrive une nouvelle page de l’hippisme mauricien sera tournée…