Je ne sais pas si ceux qui, dans l’ombre, « gèrent » les affaires politiques censées profiter au gouvernement en place s’en rendent compte, mais beaucoup de leurs stratégies ont l’exact effet contraire.
Prenons l’exemple le plus flagrant : l’affaire Bruneau Laurette. Après des débuts fulgurants sur la scène politique, notamment avec les manifestations après le naufrage et la marée noire du Wakashio, l’activiste a pris la grosse tête.
Comme tous les politiciens emportés par la foule. Déjà, au soir de la marche de Port-Louis qui avait réunion des milliers de Mauriciens venant des quatre coins du pays, il avait commencé à déraper dans le n’importe quoi. Il a continué dans la même veine au fil de déclarations qui ont commencé à provoquer des interrogations sur le bien-fondé de son action, de ses prétentions, de ses motivations et surtout ses sources de financement. Des éléments de langage ajoutés les uns aux autres qui firent que lorsqu’il fut arrêté lors d’une de ces opérations spectaculaires que la Special Striking Team copie sur les séries télévisées, on s’est dit que les rumeurs associant l’activiste au trafic de drogue étaient vraies.
D’autant que la Special Striking Team, battant son propre tambour, n’arrêtait pas de clamer qu’elle avait suffisamment de preuves pour faire tomber celui qui avait osé faire des centaines de Mauriciens arpenter les rues de Port-Louis en criant BLD au Premier ministre. Celui qui avait surtout parlé des relations entre un officier de police et un certain Franklin de Rivière Noire. Il suffira de seulement quelques audiences à la Cour de Moka pour se rendre compte que les preuves de la police contre Bruneau Laurette relevaient plus de déclarations que d’éléments prouvés. Rapidement, l’arme redoutable saisie devint un « fizi antiquité », la drogue synthétique se révéla être de la poudre – aux yeux ? — et ainsi de suite.
La manière dont l’arrestation avait été mise en scène — pour être diffusée sur les réseaux sociaux ? – et surtout l’incapacité de la police de démontrer l’authenticité des preuves firent le doute changer de camp. De trafiquant de drogue coincé par la police, Bruneau Laurette se transforma en victime d’un grossier coup monté par la police. Le fait de s’opposer à sa libération sous caution — assorties de conditions jamais vues — ne peut qu’augmenter le capital de sympathie que Bruneau Laurette est en train d’accumuler. Grâce à la police — capable de trafiquer les téléphones dont elle a la garde — et, disent les mauvaises langues, aux spin doctors qui pilotent l’opération, dans l’ombre.
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Après nous avoir annoncé un tsunami, M. Sherry Singh, qui à une époque s’était prétendu descendant de maharajah, est de retour sur la scène publique. Pour qu’on n’oublie pas qu’il a dirigé les télécoms mauriciens pendant des années, il a fait son retour avec un show à l’américaine devant un écran géant, avec clips vidéo. Exactement ce qu’il faisait quand il lançait des produits MT avec Pravind Jugnauth à ses côtés. Pour expliquer sa longue absence, M. Singh a dit qu’il était en pèlerinage à travers le pays. Est-ce ce périple qui l’a poussé à mettre de l’eau dans son vin et d’annoncer la création d’une plateforme sociopolitique, au lieu de la force politique qui, comme un tsunami, allait tout balayer sur son passage ? Surtout son ex-ami intime et complice des 400 coups pendant quinze ans ? L’avenir nous le dira, mais disons que pour un homme qui nous annonçait un tsunami il y a quelques mois, son lancement de jeudi dernier était bien terne et que son interview radio, comprise dans le lancement, a plus suscité l’endormissement qu’autre chose.
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Valeur du jour : au lieu de s’unir pour former la grande alliance pour battre Pravind Jugnauth et botter le MSM hors de l’hôtel du gouvernement, l’opposition continue à disperser ses énergies. Si le MMM et le PMSD semblent solidement arrimés au PTr, Nando Bodha et Roshi Bhadain font toujours bande à part, chacun campant sur ses positions qui se rejoignent, tout de même, sur le slogan ni Navin ni Pravind. Par ailleurs, les discussions sont discrètement en cours entre les autres partis, formations et les activistes de tous bords qui se pensent un destin politique et qui soignent leur image en participant à toutes les manifestations et autres marches de protestation. La question déjà posée et répétée demeure : est-ce que ces dispersions des énergies, ces affrontements d’ego ne vont pas finir par profiter à celui qu’ils sont censés combattre et battre : Pravind Jugnauth ?
Jean-Claude Antoine