Cornered by the media. Telle est l’image qu’a laissée le ministre de la Justice, Maneesh Gobin, en guise de clôture de la conférence de presse qu’il avait convoquée à son bureau ce 8 février. Une image qui, pour sûr, restera longtemps gravée dans nos mémoires. L’Attorney General se levant précipitamment, ramassant à la va-vite ses documents et quittant subrepticement son bureau, comme s’il n’avait qu’une envie à ce moment précis : se transformer en l’homme invisible ou s’enfouir littéralement sous terre ou dans le sable, comme l’autruche qui y enfonce la tête. L’esquive de Maneesh Gobin, face au torrent de questions de la presse sur l’affaire Franklin, est un bien triste épisode. Tant pour ce politique que tout le régime en place, et leur posture adoptée dans toute cette affaire. Et un joli chapitre pour les médias !
Qui a oublié Maneesh Gobin menaçant – remember le doigt à la télé, durant la saga de Covid-19 -, méprisant, voire même hargneux, souvent quand il est propulsé au-devant de la scène pour défendre bec et ongles les couleurs de la maison orange, brutal, autoritaire, sans concessions et intolérant ? Ce que l’on retient, surtout, c’est une personnalité qui garde la totale maîtrise de l’exercice, qu’il dirige jusqu’au bout, et qui clôt le chapitre en ayant toujours le dernier mot.
En contraste, ce 8 février, c’est un visage défait qu’il a offert à l’heure des questions, un sourire un peu couillon (l’autre dira “dekouyone”) et des bribes de réponses quand les journalistes le pressent de questions. Mais surtout, ce silence gêné en réponse à la question du journaliste du Mauricien concernant une éventuelle extradition du dénommé Franklin à La Réunion, où un jugement a été prononcé et un mandat émis à son égard depuis 2021. Ces détails-là ne pourront s’estomper rapidement dans la tête ni être gommés des mémoires de nombreux compatriotes.
L’enchaînement des gestes et des actions est révélateur. Le “body language” de Maneesh Gobin durant cet épisode a traduit un gros malaise. Qu’importe ce que lui ou ses acolytes du MSM et du régime en place viendront raconter et expliquer pour justifier cet incident, des milliers de Mauriciens ont été témoins d’un moment de sérieux embarras de la part de son ministre de la Justice. Et ce, sur un dossier d’extrême et brûlante actualité, qui aurait des ramifications vastes et qui, une fois de plus, remet en question l’intégrité des institutions qui gèrent ce pays.
Au-delà de toute cette affaire, qui, nous l’espérons, ne sera pas reléguée aux oubliettes, où d’autres têtes tomberont (parce qu’il s’agit bien là d’une mafia tentaculaire) et où la vérité triomphera, la nébuleuse du trafic de drogue, avec son corollaire de “narco state”, comme l’a justement qualifié le leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, seraient donc bel et bien ancrés dans notre pays. On se souviendra que dès janvier 2010, quand Denis Fine avait été froidement assassiné, Le Mauricien émettait ses pires craintes et appréhensions qu’une économie parallèle, dirigée par une puissante mafia, qui serait tapie dans l’ombre et tirerait les ficelles. Craintes relayées et reprises par des travailleurs sociaux infatigables, à l’œuvre sur le terrain, et qui voyaient bien que la situation s’aggravait dans la réalité.
C’est avec beaucoup de peine que l’on réalise que, 13 ans plus tard, la situation a malheureusement dégénéré. Qu’aucun régime au pouvoir n’a pris la mesure de l’ampleur du problème pour résoudre de manière complète les deux pendants de la problématique, à savoir l’offre et la demande. Sans demande, il n’y a pas d’offre. Et donc, pas de marchands de la mort. Pas de mafia qui étende ses tentacules dans toutes les sphères de la vie du pays. Pas de demandes, pas de trafic. Mais bien sûr, vivre dans un pays à 100% “drug free”, c’est pure utopie. Il y aura toujours un petit nombre de curieux en quête de ces plaisirs et sensations éphémères qui tuent l’humain et le ravalent au rang de la bête, comme le font les drogues et l’alcool. Mais au moins il n’y aurait pas de générations de jeunes en péril !
Il suffirait d’un élan, d’une solidarité nationale, là, maintenant, pour terrasser le fléau terrible qu’est le trafic. Mais il faut aussi la volonté politique des uns et des autres. Qui est partant ?