Avec la COP 27, désormais clôturée, c’est une 27e page de notre prise de conscience collective qui se ferme. Et comme d’habitude aussi depuis quelques années déjà, elle se sera certes soldée par quelques succès, mais aussi par pas mal d’échecs. Pour autant, l’on peut se poser une question, fondamentale en la matière : de quelle prise de conscience parle-t-on ? À laquelle l’on répond naturellement : « climatique » ! Autrement dit, le monde, tant bien que mal, cherche à lutter contre l’un des fléaux anthropiques les plus alarmants dans la conjoncture. Ce qui est bien entendu une vérité. Néanmoins, ce faisant, en nous attaquant à ce seul problème, nous banalisons de facto tous les autres, à l’instar de la destruction de la biodiversité, la pollution – dans toutes ses formes –, les disparités sociales, les crises civilisationnelles, etc.
En d’autres mots, nous faisons cause commune contre l’un des symptômes de la maladie, oubliant au passage tous les autres, plutôt que de chercher à soigner l’humanité. Et ce, pour une raison évidente, puisque la source de tous nos problèmes tient dans notre système capitaliste. Ainsi, si vous preniez au hasard n’importe quel problème sociétal ou crise actuelle, et que vous cherchiez un peu, vous trouveriez alors sans l’ombre d’un doute quasiment toujours un lien de cause à effet, même quelquefois indirect, avec cette quête éternelle de maintenir vivant – et vivace – notre modèle capitaliste. Quitte à ne faire au final que principalement remplir les poches, déjà débordantes, d’une minorité d’individus.
Évidemment, cela ne signifie aucunement que l’on ne doive pas s’intéresser à la cause climatique ; nous ne cessons d’ailleurs de le répéter dans ces mêmes colonnes. Cela dit, parallèlement, il serait grand temps de réunir nos ressources intellectuelles pour réfléchir à un modèle de société plus viable, car la croissance ne pourra nous sauver du pire. En résumé : répondre à l’appel d’une coalition contre le changement climatique est une chose ; détourner le regard des autres problèmes systémiques, ancrés dans un modèle favorisant la surexploitation de l’environnement et des peuples, en est une autre. Alors qu’il s’agit là pourtant de la source même du problème global.
En faisant du climat notre unique combat, nous mettons en effet sciemment de côté ses causes, tout autant que la globalité de la catastrophe écologique en cours. Combien de temps perdrons-nous d’ailleurs encore à régler cette seule question alors que tant d’autres se bousculent au portillon ? D’autant, une fois encore, qu’en tant que problèmes anthropiques, toutes ces questions ont pour dénominateur commun cette sempiternelle croissance.
Ainsi, en se trompant (délibérément) de cible, non seulement nous nous enfermons dans la spirale du déni, mais nous laissons le champ libre aux industriels, qui bien entendu préfèrent cent fois composer avec cette crise planétaire plutôt que de devoir revoir les bases mêmes du système dont dépend leur survie. Un système qui, d’ailleurs, et bien que mortifère, leur profite plus que de raison. Car le capitalisme a beau être vert, il n’en demeure pas moins basé sur l’exploitation des ressources, naturelles et humaines, lesquelles ont évidemment toutes leurs limites.
C’est un fait : si l’origine « capitalistique » du changement climatique n’est plus à prouver, l’on se rend en revanche moins bien compte que cette problématique, comme à chaque fois que le monde contemporain a eu à affronter une crise, est instrumentalisée par les industriels. Avec pour seul leitmotiv de poursuivre leur enrichissement et de préserver l’ordre social, sachant qu’ils en constituent bien évidemment le sommet.
D’une certaine manière, l’on pourrait même presque dire que la question climatique fait bien les affaires des nantis, puisqu’elle aura réussi, en quelques années seulement, à rallier à sa cause de plus en plus de monde, à commencer par la jeunesse, poussant de fait les « insoumis climatiques » à se détourner inconsciemment des causes profondes du désastre annoncé. Ce qui est bien dommage, car en l’occurrence, rien n’interdit de s’attaquer au réchauffement du climat tout en réfléchissant à un monde moins productiviste et recentré sur nos besoins essentiels. Un combat qui, s’il était emporté, redonnerait à l’humanité ses lettres de noblesse. Avec pour principal capital simplement notre bien-être.