Le 20 novembre marque la Journée mondiale de l’enfance. Ombre majeure au tableau cette année chez nous : l’affaire du nourrisson d’à peine quatre mois qui s’est retrouvé aux soins intensifs de l’hôpital du Nord fin octobre dernier. Le cas suscite, non sans raison, passions et débats. Comment se retrouve-t-on, en 2022, dans une île Maurice développée, à grand renfort de béton et d’acier, et où roule le métro, avec un bébé de quelques mois qui se bat pour sa survie ?
Un Fact Finding Committee pour faire la lumière sur les circonstances de l’affaire, sous la férule de la ministre de l’Égalité des Genres, Kalpana Koonjoo-Shah, voit depuis quelques jours des arrestations parmi les personnes employées dans le centre d’accueil où se trouvait l’enfant, jusqu’à ce qu’il se porte très mal. Ces mesures répressives agiront certainement comme des “deterrents”, décourageant les uns et les autres d’avoir des attitudes qui pourraient porter préjudice à d’autres enfants dans le futur. Mais est-ce assez ? Qu’en est-il de la formation évolutive de ceux engagés dans ce secteur ?
Le rapport annuel de l’Unicef met en lumière, dans le cadre de la Journée mondiale de l’enfance, « le racisme et la discrimination à l’égard des enfants du fait de leur origine ethnique, de leur langue et de leur religion, qui sont présents dans tous les pays du monde ». Dans Des droits bafoués, l’Unicef déplore, par la voix de Catherine Russell, directrice générale, que : « L’exclusion et la discrimination font courir aux enfants le risque d’être exclus et de vivre à jamais dans la précarité. En cette Journée mondiale de l’enfance, comme tous les autres jours, chaque enfant a le droit d’être inclus et protégé et de bénéficier des mêmes chances d’atteindre son plein potentiel. »
Octobre dernier, le bureau de la Ombudsperson for the Children publiait son rapport annuel. Et, ironie du sort ou coïncidence malheureuse, axait l’essentiel du document sur les Residential Care Institutions (RCI) pour les enfants abandonnés ou rejetés par leurs familles. Suivant des visites sur les lieux, un constat accablant établissait que « certaines de ces structures sont en dessous des critères requis ». Le sort de ce pauvre nourrisson est donc venu confirmer les pires craintes de cette entité, qui représente les droits des enfants mauriciens.
Ce triste incident incitera-t-il le gouvernement à revoir enfin toute sa politique concernant nos enfants ? Ces deux dernières années, avec la crise sanitaire causée par le Covid-19, nombre d’enfants se retrouvent déscolarisés et à la rue. Le rapport, encore plus accablant, de l’Ong M-Kids en atteste. Confirmant que nombre de parents ont perdu leurs sources de revenus, l’organisation, fondée par l’imam Arshad Joomun, souligne que « des mineurs ont été contraints de se substituer aux adultes et à improviser pour subvenir à leurs besoins ».
N’y a-t-il pas là suffisamment de bonnes raisons pour le gouvernement de Pravind Jugnauth de s’atteler à faire du sort de nos enfants la priorité des priorités ? Que faut-il de plus qu’un bébé qui lutte pour sa survie pour espérer enfin un réveil des politiques et de nos institutions ? Les tragiques précédents des petits Samuela, Farida, Ayaan, Mattéo et d’autres encore, résonnent dans nos mémoires. Ces enfants dont les vies ont été abruptement stoppées, certains par des bourreaux, d’autres par des circonstances d’une vie qui les a fait naître du mauvais côté de la barrière, hanteront longtemps nos souvenirs.
Mais quelles leçons sont tirées ? De petites âmes innocentes paient de leur vie des circonstances qu’elles n’ont pas créées. Qu’est-ce qui est mis en place pour protéger nos enfants ? Quelles structures pour aider ces familles en grande difficulté, depuis le Covid-19, avec le conflit entre l’Ukraine et la Russie qui n’en finit pas de faire grimper les prix des aliments de base, entre autres, sur le plan mondial ?
La grève de la faim engagée par l’éducateur Nishal Joyram mérite d’ailleurs d’être saluée. Une telle initiative vient renforcer l’importance d’une action cohérente citoyenne face à un climat social qui se dégrade.
Husna Ramjanally