À l’aube de la COP 27, qui s’ouvre le 6 novembre à Charm el-Cheikh, en Égypte, les acteurs engagés dans la lutte contre le changement climatique font déjà part de leur scepticisme quant à une issue favorable à ce énième rendez-vous climatique. Et on peut les comprendre. Lorsque l’on voit, par exemple, à quel point les engagements pris par une majorité de pays à la fameuse COP 21, ayant débouché sur le non moins historique Accord de Paris, auront été si peu respectés, l’on imagine en effet difficilement comment, sept ans plus tard, les choses pourraient être différentes. C’est un fait, les COP n’ont plus grand-chose à voir avec le climat, s’étant finalement transformée au fil des ans davantage en plateforme politique qu’en un lieu où l’on pouvait à la fois partager nos connaissances, nos inquiétudes et nos ambitions.
Quelque part, l’on peut d’ailleurs le comprendre, tant la conjoncture se prête difficilement, après une longue période de disette économique liée à la Covid (et aujourd’hui la guerre en Ukraine), à une limitation de nos émissions de gaz à effets de serre, sachant que cela imposerait alors de barrer la route à un retour optimum rapide de la croissance perdue. Sauf que, ce faisant, nous ignorons volontairement les conséquences de nos actes présents sur les années à venir, avec pour seule vision un monde économiquement stable. Comme si l’économie allait nous éviter le pire.
Le problème, tout le monde le connaît pourtant : si nous continuons à ce rythme, nous sommes foutus. Ce qui ne nous empêche malheureusement pas d’accélérer le mouvement et de pousser la machine industrielle à plein régime. Bref, à poursuivre notre route comme si de rien n’était. Ce qui est une aberration à plusieurs titres, car non seulement poursuivre dans la voie des énergies fossiles, qui représentent encore plus de 80% de la production énergétique mondiale, nous garantit des jours sombres face à un climat devenu incontrôlable, mais ce faisant, nous oublions aussi que nos réserves sont de toute manière loin d’être inépuisables.
Pour autant, ces réserves sont encore assez suffisantes que pour alimenter le monde en pétrole, en charbon et en gaz de longues décennies encore, et ce, même si le premier nommé viendra à manquer avant les deux autres. À ce titre, il est bon de noter que nous disposons désormais, depuis septembre dernier, d’un « inventaire » enfin digne de ce nom en termes de réserves mondiales, et donc d’émissions potentielles de CO2. Fruit d’un travail de longue haleine, le rapport du think tank Carbon Project et Global Energy Monitor est d’ailleurs des plus éloquents, mais aussi des plus alarmistes.
Ainsi, selon leur étude, l’extraction et la consommation de toutes les réserves mondiales de pétrole, de gaz et de charbon représenteraient pas moins de 3 500 milliards de tonnes de dioxyde de carbone émises dans l’atmosphère. Soit encore… sept fois le budget carbone limitant le réchauffement planétaire sous la barre des +1,5 °C fatidique pour l’ensemble des écosystèmes.
Certes, ce constat signifie, pour les pays producteurs, qu’ils pourraient encore longtemps profiter de cette manne providentielle. Mais il fait également office de sonnette d’alarme, car les limites étant enfin posées, il revient dès lors à nos décideurs, privés et politiques, d’installer les bases d’une politique de gestion des ressources en accord avec nos ambitions climatiques.
Plus que jamais en effet il convient de gérer ces ressources fossiles. En quelque sorte comme une baignoire, expliquait récemment le climatologue Rob Jackson : « Vous ne pouvez faire couler l’eau qu’aussi longtemps que la baignoire n’est pas encore remplie. Lorsqu’elle est sur le point de déborder, les gouvernements peuvent soit fermer le robinet (atténuer les émissions de gaz à effet de serre), soit ouvrir davantage le bouchon de la baignoire (éliminer le carbone de l’atmosphère). » Encore faudrait-il bien sûr avoir la volonté (ou la possibilité) de choisir l’une de ces deux options. Au regard de l’indifférence générale, les chances de voir la baignoire déborder apparaissent hélas jour après jour plus grandes !