Le 20e anniversaire de l’autonomie administrative de Rodrigues a été célébré cette semaine. Les membres du gouvernement régional s’étaient mis sur leur trente et un pour les célébrations et le Chef Commissaire a joué au mannequin en portant une tenue différente et coloré pour chaque manifestation. Pravind Jugnauth qui, quand ça l’arrange, marche dans les traces de son père, était présent pour l’occasion. Dans le cadre de sa politique qui consiste à jouer au courtisan du Premier ministre, le Chef Commissaire a poussé le bouchon trop loin. En donnant le nom de sir Anerood Jugnauth au square MCB à Port-Mathurin, il a, sans doute, fait plaisir au PM, mais il a aussi mécontenté, en même temps, beaucoup de Rodriguais.
Il semblerait, toutefois, que pour le Chef Commissaire, c’est faire plaisir au PM qui importe, pas les sentiments des Rodriguais. Ces derniers, on le sait, n’ont pas la mémoire courte. Tout en reconnaissant l’intérêt que SAJ avait pour leur île, ils n’ont pas, pour autant, oublié une de ses dernières déclarations sur les habitants de Rodrigues. Interrogé sur la pénurie d’eau potable chronique à Rodrigues, SAJ avait répondu avec agressivité au journaliste : « Ou oulé ki mo vinn baigne bann Rodriguais aster là ? » Une réplique que n’ont pas oubliée beaucoup de Rodriguais, dont l’élu du Mouvement Indépendantiste Rodriguais au Parlement régional. Il a révélé que l’initiative du Chef Commissaire de donner le nom de SAJ au square MCB avait été prise sans consultation avec les autres membres de l’alliance gouvernementale. Dans la foulée, il a décidé de ne pas participer à la cérémonie, en signe de protestation. On peut comprendre que le Chef Commissaire ait besoin de caresser le PM dans le sens du poil pour faire avancer ses dossiers, mais il ne devrait pas oublier que c’est grâce aux votes des Rodriguais et à l’alliance des partis de l’opposition qu’il se trouve à la place qu’il occupe aujourd’hui. Avec la faible majorité dont il dispose à l’Assemblée régionale, il aurait intérêt à diriger plus dans la conciliation et le dialogue que dans l’affrontement et le fait accompli. Un changement de majorité est si vite arrivé…
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Les rapports des commissions d’enquête se suivent, ces jours-ci, et sont rendus publics – hasard ou stratégie calculée? – le vendredi. Après celui consacré à l’ex-Présidente de la République, nous avons eu droit à celui sur l’affaire Kistnen. Sans remettre en question le scoop de nos confrères du Défi Plus, il faut quand même s’interroger sur la manière dont ce rapport gouvernemental s’est retrouvé dans une seule rédaction, au lieu d’être distribué à l’ensemble de la presse sans qui cette affaire n’aurait eu le retentissement que l’on sait. Comme celui sur la Présidente, le rapport sur l’affaire Kistnen vient confirmer tout ce que la presse avait écrit en long et en large, alors que le gouvernement ne ratait pas une occasion de l’accuser d’inventer des histoires.
En plusieurs occasions, le PM a défendu bec et ongles sa police et son ministre du Commerce, en dépit de faits révélés devant la Cour de Moka. Cette police devait, d’ailleurs, transformer le centre de Port-Louis en une scène de guerre en Syrie avec snipers sur les toits quand le ministre du Commerce fut convoqué en Cour. Sur ce dernier, la magistrate explique comment il faisait accorder les contrats de la STC à ses amis d’enfance. Le rapport qualifie ainsi le comportement de l’ex-ministre: “Kickbacks were given to Yogida Sawmynaden (minister then responsible for the STC) one example of which would be the money which is paid into the account of Neeteeselec (company of Neeta Nuckched, friend of Yogida Sawmynaden)…”
En présentant le rapport sur l’ex-Présidente de la République, le PM avait déclaré qu’il était “damning” et que le gouvernement avait pris les mesures pour que ses conclusions soient référées à l’ICAC et à la police pour l’ouverture des enquêtes appropriées. Est-ce qu’il fera la même chose pour le rapport sur ce qui a été un assassinat, et pas un suicide, comme la police n’a cessé de l’affirmer ? Est-ce que Pravind Jugnauth braquera, enfin, son fameux “radar” sur les éléments de sa police dont les actions sont ainsi qualifiées par la magistrate dans le rapport : “I consider the conduct of the police in the present case to be abhorrent. The manner in which the enquiry was conducted fell so below what can be considered reasonable that it marks a new level of incompetence.”