Dans une affaire criminelle, le temps est compté. Les premières heures sont décisives pour résoudre une enquête. Les 48 premières heures qui suivent un crime sont les plus importantes. Et pour cause, les traces et indices sont encore frais et visibles, ce qui permet aux enquêteurs de se lancer sur une piste. Les témoins ont également un rôle très important dans la résolution de ces enquêtes. C’est pourquoi les policiers s’empressent d’interroger toutes les personnes sur place pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé. Tous les policiers s’accordent sur ce point : si un crime n’est pas résolu au bout de deux jours, il reste peu de chance de retrouver le coupable et encore moins les commanditaires. Pire, ça leur donne le temps d’échafauder une stratégie pour déjouer l’enquête. Évidemment, à toute règle il y a des exceptions… mais encore faut-il qu’il y ait de la volonté, pas des enquêteurs sur le terrain qui pour la plupart remplissent leur mission, mais de leur hiérarchie, qui répond elle parfois à d’autres impératifs et a une vision différente de la situation !
Nous avons côtoyé dans l’exercice de nos fonctions beaucoup d’enquêteurs de police mauriciens fort sympathiques qui ont à cœur leur métier et ont de réelles compétences pour arriver au bout des enquêtes les plus compliquées qui leur sont confiées. Force est cependant de reconnaître que, malheureusement, une bonne partie d’entre eux, les plus lucides souvent, passent le clair de leur temps à faire du paperwork et à enquêter sur les banalités qui visent plus à tenter de mettre la pression sur d’honnêtes citoyens qui effectuent leur travail le plus consciencieusement et honnêtement possible, même si nul n’est parfait dans ce bas monde.
En tout cas, ceux-là auraient été d’un grand support à leurs collègues qui font leur investigation dans ce qui est présenté comme l’affaire du sabotage de la piste du Champ de Mars lors du week-end du Maiden des 2-3 octobre dernier. Mais dans l’essence et dans les objectifs, il s’agit en fait d’une véritable tentative d’attentat contre des personnes et des animaux qui risquaient leur vie, avec pour but ultime de porter atteinte à la réputation de l’organisateur des courses de cette double journée classique, le MTC-MTCSL. Lorsqu’on constate que les charges retenues contre les deux personnes arrêtées jusqu’ici ne se limitent qu’à « attempt to torture animals », il est probable que les autorités ne mesurent pas la gravité de cet acte criminel ou que certains tentent de minimiser les faits pour assurer l’impunité aux criminels. Pourtant, quoi qu’il en coûte, il est important pour l’image du pays de résoudre cette affaire qui porte atteinte à notre réputation à travers le monde…
À ce stade de l’enquête, il y a deux suspects, le premier, travailleur à temps partiel de PTP, a obtenu la liberté conditionnelle et clame son innocence avec un alibi solide à l’appui, alors que le second, soupçonné d’être le complice, est toujours en cellule policière en attendant sa motion de remise en liberté. On ne sait quel crédit il faut donner à la nouvelle des autorités à l’effet que les véhicules suspects filmés sur les lieux du crime ne soient pas clairement identifiables par les caméras de surveillance. Cette information a de quoi faire sourciller, car le réseau de CCTV de Safe City est suffisamment dense dans les six voies d’accès vers le Champ de Mars pour que les deux véhicules auraient dû avoir été clairement reconnus et leurs propriétaires retracés. Nous ne nous aventurerons pas à faire un parallèle avec d’autres affaires, comme celle du meurtre de Kistnen, de Kanakia, de Boiteuse, et de Fakoo, où les caméras de surveillance ont apparemment failli, mais elles sont tellement efficaces dans d’autres affaires que le doute est permis et le droit à la question de savoir si ces radars-là sont sélectifs ou pas.
Quoi qu’il en soit, chacun a sa petite idée sur ceux qui pourraient être les auteurs, mais surtout les commanditaires d’une telle ignominie… mais il est clair que les intérêts qu’ils représentent soient si importants et qu’ils soient si bien connectés que personne ne s’aventurera à les identifier nommément. Comme pour toute affaire de ce type, à l’image des affaires de saisies de drogue, communiquées par les Casernes centrales à grand renfort de publicité au moment de la saisie, ce sont les menus fretins, les éventuels exécutants, qui sont tout de suite épinglés, presque jamais les parrains. Plus inquiétant, c’est qu’une grande partie de ces enquêtes concernant la drogue n’aboutit pas nécessairement à des condamnations. En sera-t-il de même pour l’enquête sur le sabotage de la piste du Champ de Mars ? Il est plus que probable, mais souhaitons, pour le bien-être des courses, que cette affaire soit élucidée et que les soupçons qui pèsent sur certaines personnes ou groupuscules soient clairement écartés.
Le Premier ministre aura peut-être l’occasion enfin, avec la réouverture de l’Assemblée nationale, en tant aussi que ministre de l’Intérieur, de parler sur cette sordide affaire. Au cas probable où cette question ne pourrait lui être posée au Prime Minister’s Question Time à cause du tirage au sort, on s’attend qu’enfin il fasse au moins un statement sur une affaire qui a choqué la population dans son ensemble. Son silence et les difficultés de l’enquête policière tendent à pointer du doigt des coupables désignés. Pour lever tout soupçon sur ceux-là, il appartient au premier des policiers de nous rassurer sur les réelles motivations derrière cet acte ignoble qui visait aussi à impeach le Maiden, un patrimoine national que des âmes malades veulent rayer de la carte des courses mauriciennes.
Les courses qui poursuivent leur petit bonhomme de chemin avec des difficultés de plus en plus grandes de remplir les programmes par les deux organisateurs, mais bien plus pour le MTC, qui demeure la victime expiatoire d’un boycott sournois qui ne se déclare pas mais se manifeste de certains entraînements qui ont les mains liées. Cette situation n’est pas de nature à créer de l’enthousiasme chez les parieurs, ce qui, par conséquent, pénalise les organisateurs de paris qui voient leur chiffre d’affaires stagner, si ce n’est reculer. Cette situation va peser sur le renouvellement des effectifs, surtout en termes de qualité, pour les prochaines saisons. Mais il n’y a pas que le nombre qui porte préjudice à l’industrie hippique actuellement, c’est aussi le déroulement des courses qui pose question. Il y a chaque semaine de véritables parodies de courses, pour ne pas dire de fixed-race, et il n’y a qu’à prendre connaissance des sanctions, mais aussi de leur sévérité, infligées par les commissaires de courses aux jockeys pour en prendre la véritable mesure. Si le comité d’appel de la GRA, qui est sorti de sa très longue hibernation, avait fonctionné normalement depuis le début de la saison, nous serions aussi dans une situation de pénurie de jockeys.
En tout cas, la monte d’un public horse tel que le favori Walls Of Dubrovnik, samedi dernier, est une insulte au public turfiste pour une course qui semble avoir été mise sur pied pour assouvir les desseins du valeureux Undercover Agent, qui avait certes les moyens de s’imposer, mais comme souvent, on a préféré « make certainty become double certainty ». Le travail malsain d’un certain nombre de jockeys étrangers, mais aussi mauriciens, qui cumulent pourtant les sanctions, démontre que nos courses sont descendues de plusieurs niveaux cette année. Évidemment, si la Police des Jeux, qui brille par son inquiétant silence — à l’exception de sa descente des lieux inopinée et dirigée vers le jockey Andrews qui monte pour le compte de Paul Foo Kune —, agissait comme elle devrait le faire, les cellules policières seraient remplies à ras bord et les fauteurs se tiendraient sur leurs gardes. Pourtant, le control of racing montre des velléités intéressantes — surtout sous l’égide du stipe sud-africain Deanthan Moodley, qui aurait dû avoir repris les rênes après le Maiden et qui est étrangement laissé sur la touche —, et ont pointé du doigt de façon claire qui sont les jockeys qui pèchent en course. Mais ces errements manifestes des jockeys ne semblent, pas plus que le sabotage de la piste, intéresser la police ou la Police des Jeux.
Il y a de toute évidence un frein à main qui bloque tout ce qui pourrait redonner aux courses sa grandeur d’antan et le respect du public qui a clairement envoyé un signal clair le jour du Maiden aux autorités publiques à l’effet qu’il n’est pas pour quitter le patrimoine du Champ de Mars avec l’ensemble de ses traditions. Sera-t-il entendu ? Apparemment non ! Si l’on s’en tient aux informations, non confirmées mais persistantes, que du night racing est prévu à Petit Gamin à courte échéance et qu’un troisième Tote serait offert à PTP, alors que le MTC qui le réclame depuis des lustres s’est toujours vu refuser une telle opportunité, ce qui aurait assuré sa pérennité.
Le gouvernement actuel a de la suite dans ses idées : assurer aussi sa pérennité quoi qu’il en coûte ! Les prochaines échéances électorales qui pointent à l’horizon ne sont pas étrangères à cette posture.