– Les hôteliers réclament un travailleur étranger pour chaque trois salariés mauriciens
– Jocelyn Kwok, CEO de l’AHRIM: « Besoin de résoudre les problématiques de l’industrie, sinon nous allons droit dans le mur »
La situation est grave dans le secteur touristique, avec 2 500 postes à remplir jusqu’à décembre, des difficultés persistantes à recruter sur le marché local et un ministre du Travail qui ne semble pas très favorable à la proposition de faire appel à la main-d’œuvre étrangère. Pourtant, l’Association des hôteliers et restaurateurs de Maurice (AHRIM) affirme qu’il y a un Immediate Requirement pour 1 500 travailleurs, rien que pour ses membres, sachant que ces derniers ne représentent que 85% du parc de chambres à l’échelle nationale.
L’association persiste et signe en maintenant qu’il faut « immediately open foreign labour to the industry », soit pour tous les détenteurs de permis de la Tourism Authority, « to the tune of one foreigner allowed for every three permanently employed locals ». L’AHRIM souhaite que ces travailleurs étrangers soient accueillis pour une période initiale de quatre ans, « with a review at the end of year 3. »
Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer (CEO) de l’AHRIM, soutient que ces propositions sont élaborées pour combler le déficit d’employés et que « si on ne bouge pas, nous allons ramener à la baisse nos objectifs ».
Il ajoute : « nous ne proposons pas la main-d’œuvre étrangère par plaisir. Il y a un besoin urgent de résoudre les problématiques de l’industrie, sinon on va droit dans le mur. » L’association souligne que le manque de personnel actuel se fait particulièrement sentir dans certains départements, comme la Food Production, le F&B et le Housekeeping.
Plan de réinsertion
L’AHRIM plaide également pour un Proper HRD Plan échelonné sur les quatre prochaines années, avec le soutien du Human Resource Development Council (HRDC). Ce plan pourrait « study and scope labour migration, circular migration and employment in cruise sector and other competing ones ». Parallèlement, il y a un désir de voir l’École hôtelière sir Gaëtan Duval développer un plan d’action et signer des partenariats avec des institutions étrangères. Le plan de quatre ans devrait inclure toutes les institutions publiques comme Polytechnics Mauritius, l’UTM, l’UDM et les institutions privées. L’AHRIM plaide aussi pour un plan de réinsertion pour tous les Drop Outs du système éducatif.
Jocelyn Kwok, qui intervenait lors d’une conférence à l’École hôtelière, explique que la main-d’œuvre étrangère est présente dans tous les secteurs économiques, notamment dans la manufacture et la boulange, où l’on compte trois fois plus de travailleurs étrangers que de Mauriciens. Le même cas de figure se présente dans la construction et les Tic, où 50% des employés sont étrangers, selon la présentation de l’AHRIM.
Compétition entre employeurs
Comment en est-on arrivé là ? Diverses raisons expliquent la dérive actuelle, estime Jocelyn Kwok, à commencer par la prolifération de petits établissements dans le secteur informel, qui concurrencent le secteur hôtelier. « Il y a de la concurrence dans le secteur, les opérateurs puisant dans le même bassin, à commencer par les hôtels, les petits établissements, les restaurants et Food Outlets, les maisons de retraite haut de gamme, les Caterers et les projets immobiliers » , dit-il.
En 2018, 139 961 petits établissements touristiques étaient opérationnels, dont 38 550 dans le secteur informel. Ces petits établissements regroupent 329 630 employés (dont 64 387 employés dans le secteur informel). Ces facteurs ont fait que les « recently advertised job appointments have not been successful despite meaningful offers and competition among employers ».
Le CEO de l’AHRIM fait aussi état du déclin dans le système éducatif, avec 14 186 candidats au CPE en 2019, contre 33 915 en 1991. « Cela devrait interpeller nos Policymakers ! » Autre chiffre marquant : les 10 981 réussites au CPE en 2019, contre 19 938 en 1991.
Par ailleurs, il cite aussi la tendance démographique baissière, la population vieillissante et l’émigration, qui sont aussi responsables des problèmes de recrutement actuels. Chute de la population égale, chute de la main-d’œuvre et des problèmes plus aigus à venir dans le futur, si rien n’est fait à ce stade…
Les phases de crise et de redressement rebutent également les jeunes à intégrer ce secteur, qui a été le premier à s’effondrer avec la pandémie. Un facteur qui tend à décourager. Une étude, commanditée par l’AHRIM, a d’ailleurs confirmé que la pandémie a apporté de l’incertitude dans le secteur et une Poor Job Security. Jocelyn Kwok ajoute que les employés du secteur touristique ont désormais plus de difficulté à décrocher des emprunts auprès des banques. Sans oublier la tendance au travail à temps partiel, qui gagne en popularité.
Autres avantages
Concernant les critiques émises par certains sur le niveau salarial dans l’hôtellerie, le CEO de l’AHRIM reconnaît que « l’hôtellerie reste en retrait et a perdu du terrain par rapport à la moyenne nationale », mais soutient que les comparaisons précises sont difficiles, car le secteur hôtelier offre d’autres types d’avantages à ses employés. « Il faut laisser les forces du marché opérer sans contraintes. Je ne minimise pas que les salaires peuvent être plus bas dans le secteur, mais d’autres facteurs sont à prendre en compte. Laissons les forces du marché opérer; il n’y a que ça qui puisse faire évoluer les salaires. Les forces du marché sont les seules qui vont attirer les meilleurs employés », dit-il.
Le CEO de l’AHRIM déclare que la réalité est souvent cruelle : « nous recrutons massivement et nous perdons massivement des employés aussi, c’est une réalité du secteur. Nous attirons, nous recrutons et nous formons, puis l’employé part ailleurs. C’est pour cela que nous souhaitons recruter des travailleurs étrangers, comme nous l’avons expliqué au ministre.
Dans l’hôtellerie, le débat sur la main-d’oeuvre fait encore rage d’autant plus que le ministre Callichurn a apposé un veto à cette démarche…
Le coup de gueule de Renaud Azema
– Brebis galeuses, moqueries, discriminations…
Renaud Azema, directeur de Vatel Mauritius, et qui a dirigé l’École hôtelière pendant de nombreuses années, est bien placé pour parler du manque de main-d’œuvre. Il soutient qu’il y a eu une évolution générationnelle, qui n’est pas forcément connectée aux besoins du marché et à la formation. Il explique que « les acteurs ont focussed sur les profits et revenus au détriment de la masse salariale et qu’aujourd’hui, il y a un décalage énorme entre cette industrie et les autres ».
Il souligne qu’il est difficile aujourd’hui de gérer de la même façon ceux qui arrivent sur le marché du travail, car ils ont d’autres aspirations. Il évoque aussi la religion et les parents, qui ont un poids énorme dans le choix de carrière des jeunes à Maurice. Le directeur de Vatel Mauritius déplore que l’on « n’ait pas fait de gestion prévisionnelle des emplois », avec pour résultat qu’aujourd’hui, le secteur se trouve dans une situation dramatique.
Il pousse un coup de gueule concernant l’attitude de certains employés dans certains hôtels face aux jeunes apprentis : « l’attitude et le comportement de ceux qui encadrent les étudiants ne sont pas toujours positifs face aux apprentis qui sont placés dans les établissements. La réalité, c’est qu’il y a parfois des moqueries, un manque de considération et de la discrimination à leur égard. On leur attribue des tâches inintéressantes – voire rébarbatives –, que les employés ne veulent pas effectuer. On leur demande parfois de remplacer un employé absent. Tout cela est contre-productif, démotive les étudiants et impacte l’absence d’engagement de notre jeunesse. »
Renaud Azema affirme qu’il faut revoir ces comportements. Il raconte qu’il y a même certains étudiants en pleurs, « victimes de l’absence de considération de la part d’une partie de l’encadrement » tout en poursuivant que : « c’est la réalité aujourd’hui, dans une hôtellerie qui se veut haut de gamme. Je ne veux pas jeter l’anathème sur une hôtellerie qui a un haut niveau de performance, mais il y a des brebis galeuses dans l’hôtellerie, que fuient ces jeunes aujourd’hui. Les jeunes ont d’autres aspirations que de se faire maltraiter. Il est crucial de changer ces attitudes si nous voulons attirer des jeunes. »
Il soutient donc qu’il faut valoriser les métiers de l’industrie et attirer les jeunes avec des éléments motivants. Il reconnaît que dans le monde actuel, caractérisé par une forte volatilité, il est difficile de tout prévoir, mais il estime qu’il faut maintenant réagir. Faire venir des étrangers est une solution acceptable, selon lui, d’autant que beaucoup de destinations touristiques emploient des étrangers, à l’exemple des Maldives, de Dubaï et des Seychelles, etc. Mais il s’appesantit aussi sur le fait qu’il faut trouver des solutions parallèles au désintéressement des jeunes.
Commentant les critiques du ministre du Travail, Soodesh Callichurn, envers les hôteliers, Renaud Azema déclare : « le ministre a dit qu’on n’a pas fait tout ce qu’il faut, mais le secteur public aussi n’a pas fait tout ce qu’il faut pour maintenir une stratégie touristique cohérente ! Nous voulons faire du tourisme quantitatif en voulant à tout prix atteindre le million de visiteurs. Quelle erreur ! Nous n’avons même pas assez d’employés pour servir 600 000 touristes aujourd’hui. Nous ne sommes pas capables de servir ceux que nous accueillons actuellement, et donc nous mettons une pression énorme sur le personnel actuel et nous allons les dégoûter encore plus. »
Renaud Azema estime que le gouvernement doit lui aussi jouer le jeu, notamment sur le plan de la formation. « Nos écoles sont vides – j’ai moi-même perdu 25% des effectifs – et le gouvernement construit encore des écoles pour faire de la concurrence. L’école hôtelière est vide, alors on construit une Polytechnique pour faire concurrence », a-t-il lancé, sous les applaudissements nourris de nombreuses personnes présentes.
Le Journal des Archipels distribué en France
C’est une bonne nouvelle pour « Le Journal des Archipels » qui est distribué en France depuis ce mois d’août. Jacques Rombi, directeur de publication, déclare que : « ce sera précisément dans le Sud de la France, en région Provence Côte d’Azur, que le magazine sera distribué tous les deux mois. Suite à une présentation sur place, de nombreux confrères journalistes et distributeurs de presse nous ont conseillés de le distribuer localement. La région héberge en effet de nombreuses personnes de la diaspora de l’Indianocéanie, autant de lecteurs potentiels. De nombreux professionnels de l’économie circulaire et de l’environnement ont également apprécié le magazine… »
Ce sera donc une belle vitrine pour faire connaitre la région au Sud de la France dans une centaine de points de vente de Marseille à Toulon, en passant par d’autres grandes villes comme Salon ou Aix en Provence.
Depuis sa création en mars 2021, Le Journal des Archipels bénéficie d’une couverture régionale très étoffée (Maurice-La Réunion- Madagascar- archipel comorien) et, depuis ce mois d’août, d’une distribution dans le Sud de la France. En effet, la diaspora de l’Indianocéanie étant très représentée en région PACA (aux côtés du lectorat local), le magazine y aura toute sa place.