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Du bleu au rouge

Si l’on dit de la Terre qu’il s’agit de la « Planète bleue », ce n’est pas par hasard, ni même le fruit d’un laisser-aller poétique, mais bien parce que, vue de l’espace, il s’agit bien là de la couleur dominante de notre planète. Une couleur que celle-ci doit à ses océans, qui couvrent 71% de sa surface. Et lorsque l’on sait qu’il y a environ 4,5 milliards d’années, lors de la formation de la Terre, tout n’était que roches en fusion, et donc sans aucune trace alors d’eau, l’on aura compris à quel point notre présence, aujourd’hui, tient d’un véritable miracle, tant il aura fallu de chance pour que la vie finisse par émerger. Une vie dont regorgent d’ailleurs ces mêmes océans, d’où nous-mêmes – ou du moins nos lointains ancêtres – sommes d’ailleurs sortis il y a déjà bien longtemps. Malheureusement d’ailleurs, pourrait-on dire ironiquement.

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« Malheureusement », car au final, au fil de notre évolution, notre espèce, dominante faut-il le rappeler – si ce n’est par le nombre, tout au moins par notre capacité à dépouiller et à détruire – aura fini par compromettre la richesse de cette époustouflante biodiversité. Au point qu’aujourd’hui, nous nous retrouvions embourbés dans un incroyable paradoxe : celui de déstabiliser le climat par nos seules actions tout en ayant les moyens intellectuels et matériels de l’empêcher. Incroyable, on vous disait ! Car lorsque l’on parle de changement climatique, notre esprit a tendance à généraliser ses conséquences aux seules espèces terrestres, la nôtre en premier. Occultant alors involontairement l’ensemble de la diversité biologique propre aux océans, ou en dépendant directement.

En poursuivant sur la voie du développement tous azimuts, de notre expansion et de notre domination sur l’environnement, nous continuons à augmenter nos émissions de gaz à effets de serre comme si de rien n’était. Croyant, ce faisant, que nous n’avons pour seul chemin que celui de la croissance, que l’on aime penser éternelle. Et donc sans se soucier de ce que notre machine industrielle apporte comme lot de destructions. Y compris marine, donc. Or, cette biodiversité marine, dont nous dépendons énormément, est aujourd’hui en déclin. Une régression incroyable que l’on peut d’ailleurs constater depuis maintenant déjà depuis plus de 50 ans, sans que nous ne nous en alertions davantage.

Pourtant, cette biodiversité est d’une importance capitale. Non seulement pour nous nourrir, mais aussi parce qu’elle permet le rétrocontrôle du climat, car constituant des puits de carbone naturels. En sus bien sûr d’être un immense réservoir de ressources génétiques vitales pour les écosystèmes du globe. Aussi, posons-nous une simple question : qu’adviendrait-il si tout cela venait un jour à disparaître, et que nos océans se transformaient en une gigantesque piscine dépouillée de toute forme de vie ? Et ce n’est pas de la science-fiction, mais bien ce qui risque d’arriver si nous poursuivons dans cette voie.

La preuve a encore été apportée récemment par des chercheurs qui, après avoir analysé pas moins de 25 000 espèces marines (poissons, bactéries, plantes, protozoaires, etc.), en sont arrivés à un terrible constat : si nous ne réduisons pas immédiatement nos émissions carbone, c’est près de 90% de la vie marine qui disparaîtra d’ici 2100, et ce, sous l’effet d’une hausse des températures des océans et de leur acidification. Et s’ils ne doutent pas de leurs résultats, c’est que notre planète a déjà vécu pareille situation il y a 252 millions d’années, au Permien-Trias. Ère où, du fait d’un réchauffement induit par une intense activité volcanique terrestre, plus de 95% des espèces marines et 70% des vertébrés terrestres avaient été soudainement éradiqués.

Autant dire qu’il ne s’agit pas là de prédictions d’oiseaux de mauvais augure, mais bien de la mise en évidence d’une réelle menace. Menace dont, évidemment, nous ne voulons pas plus entendre parler que du reste. Quitte à ce que notre planète finisse un jour par perdre son bleu naturel et ne ressemble plus qu’à un gros caillou dérivant dans l’espace infini. Et qui jadis abritait la vie, jusqu’à ce que l’homme ne vienne en changer définitivement le destin.

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