Il y a quelques jours, un homme a été arrêté.
Dans un supermarché, il a été accusé d’avoir volé quelques boites de sardines et produits alimentaires de base. Il a fini en cellule.
Le mois dernier, un homme de 41 ans a été arrêté par le vigile d’un supermarché. Dans son sac, du pain et des nouilles instantanées, pour lesquelles il a payé. Et puis deux cuisses d’agneau, dont il ne s’est pas acquitté à la caisse. Il a été placé en détention.
Cette semaine encore, notre actualité a pullulé de cas où des personnes à gros salaires, occupant des postes de responsabilité, sont désignées comme s’étant rendues coupables de graves malversations financières mais pas seulement. Malversations aussi au niveau de l’intérêt public.
Ainsi, dans l’affaire de l’importation de respirateurs défectueux au plus fort de la crise Covid, aucun remboursement n’a encore été obtenu par l’Etat. Mais ceux qui se sont enrichis au passage sur l’argent public, en mettant en danger notre santé, nos vies, n’ont pas été inquiétés.
Ces personnes évoluent en totale liberté. Personne ne paye.
Cette fois, lors des congrès publics tenus par son parti cette semaine à travers l’île, le Premier ministre, en tenue de combat, est venu jeter des accusations d’enrichissement illégal contre son ancien bras droit. Selon Pravind Jugnauth, Sherry Singh et son épouse auraient, il y a plusieurs années, créé une compagnie dont la montée fulgurante en termes d’assets financiers serait frauduleuse. Pourtant, pendant toutes ces années, le Premier ministre n’a pas jugé bon de s’en offusquer, encore moins d’agir à ce sujet.
Vu l’immensité quasi scandaleuse des pouvoirs que détient un Premier ministre ou président (comme disposer de l’argent d’un pays, de la sécurité et de la vie de ses habitants, voire de négocier une partie de son territoire avec des puissances étrangères dans le plus grand secret, comme le montre le cas Agaléga) ne devrait-il pas être le plus accountable de tous ? Et donc puni avec le plus de célérité et d’exigence en cas de faute?
L’actualité en ce moment aux Etats Unis est à ce titre édifiante.
Elle a trait aux perquisitions qui ont été menées ces derniers jours au domicile de l’ex-Président Donald Trump. Vendredi dernier, le ministère de la justice américain a publié un acte de procédure qui donne un aperçu saisissant de la façon dont Donald Trump conservait des documents potentiellement top secrets à son domicile de Mar-a-Lago, en Floride.
Toute cette histoire démarre le 9 février 2022, lorsque l’Agence nationale des archives (NARA) informe le ministère de la justice qu’elle a reçu quinze boîtes de documents de la part des équipes de Donald Trump. Certaines de ces boîtes contenaient, « des documents top secrets ».
La police fédérale ouvre alors une enquête qui confirme que ces boîtes contenaient 184 documents classifiés, dont 25 top secrets. Autrement dit des archives très sensibles n’avaient « pas été gérées de façon appropriée et n’étaient pas stockées dans un endroit approprié », selon une lettre du ministère de la justice aux avocats de Donald Trump.
Craignant que d’autres documents contenant des informations top secrètes de défense nationale soient toujours présents à Mar-a-Lago, le FBI lance, le 12 août dernier, une perquisition de la résidence de l’ancien chef d’Etat américain. Un fait sans précédent dans l’histoire américaine.
Une trentaine de nouveaux cartons y sont saisis. Parmi, 11 contenant des documents jugés ultra-confidentiels y sont saisis. Plusieurs sont classifiés au plus haut niveau : TS/SCI (Top Secret/Sensitive Compartmented Information). Ceux-ci ne peuvent être consultés que dans des bureaux sécurisés appartenant au gouvernement fédéral, et il faut justifier d’un accès spécial et d’un motif spécifique pour en prendre connaissance.
Dénonçant ce qu’il qualifie de « raid » sur sa résidence et estimant être victime d’un « complot » et d’une « chasse aux sorcières » orchestrés par ses adversaires politiques maintenant au pouvoir, Donald Trump conteste. Le juge fédéral Bruce Reinhart impose subséquemment au ministère de la Justice de rendre public le document-clé censé détailler les raisons qui ont conduit à enquêter sur Donald Trump,
Vendredi dernier donc, le ministère de la Justice a circulé un document largement expurgé, « pour des raisons de sécurité nationale ». Un document qui affirme qu’en conservant ces documents chez lui dans un curieux désordre et sans aucune sécurité, Donald Trump pourrait « avoir mis en danger la sécurité nationale ». Le 45e président des Etats-Unis fait donc l’objet d’une enquête pour violation potentielle de la loi sur l’espionnage de 1917, qui interdit toute collecte d’informations relevant de la sécurité nationale qui pourrait nuire aux Etats-Unis ou aider des adversaires étrangers.
En attendant la conclusion de cette affaire, la question reste de savoir comment un homme a ainsi pu contourner tous les règlements établis sans que tous ceux censés assurer le respect de ces règlements ne s’en offusquent.
La question porte sur le pouvoir sans limites de ceux qui sont à la tête de nos démocraties supposément éprouvées.
A ce sujet, l’actualité nous amène aussi ces derniers jours le cas rocambolesque de l’Australie, secouée par un scandale de « gouvernement-fantôme ».
Le chef du gouvernement Anthony Albanese a annoncé une enquête après des révélations selon lesquelles son prédécesseur, qu’il a remplacé en mai dernier, s’était lui-même nommé en secret à plusieurs portefeuilles ministériels pendant la pandémie…
Selon les faits révélés, Scott Morrison se serait entre autres désigné ministre de la Santé, des Finances et des Ressources, en parallèle des ministres existants, sans en informer ses collègues ministres, ni le Parlement, et encore moins la population. En d’autres mots, M. Morrison se désignait lui-même co-ministre sans en informer les membres du gouvernement qu’il avait nommés à ces postes, s’arrogeant ainsi certains pouvoirs… Dont celui d’avaliser de juteux contrats octroyés à des proches.
On croirait à une farce.
«C’est une sorte d’activité de pacotille que nous tournerions en ridicule si elle se déroulait dans un pays non démocratique», a déclaré M. Albanese. «Scott Morrison dirigeait un gouvernement fantôme».
Au-delà de la sidération, ce scandale vient mettre en lumière la nature opaque de la prise de décision dans le gouvernement australien. Et suscite d’âpres débats sur le besoin de mettre en place des garde-fous démocratiques plus forts.
Cela est tout aussi vrai chez nous. Et encore plus à mesure que la situation économique internationale et locale se corse. Mettant un nombre grandissant de personnes dans des situations totalement précaires, résultant en des iniquités de plus en plus fortes.
Voler est illégal. Mais elle est choquante, et délétère, l’inégalité de traitement entre qui vole une boite de sardines et est immédiatement jeté en prison, et qui vole des millions d’argent public, met en danger un pays, et devant lequel on continue à faire des courbettes. Et à vouloir investir de pouvoirs encore plus grands…
Les grands voleurs
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