— On m’a dit que X est bien malade même…
— Tu as appris la nouvelle ? Je suis allée la voir. Elle ne reconnaît plus personne, toi.
— Elle est faye comme ça ?
— Oui, toi. Ses parents ont fait venir sa sœur d’urgence pour la voir une dernière fois avant…
— Une seulement ? Celle qui est en France ou celle qui est au Canada ?
— Celle qui est en France. Celle qui est au Canada ne pourra pas venir. Et puis, elle-même elle n’est pas trop bien, d’après ce qu’on me dit.
— Tu as pu voir la soeur qui est en France ? Tu étais bien copine avec elle, non ?
— On était au même collège et on a fait toutes nos classes ensemble. Oui, j’ai eu occasion de la voir.
— Comment elle est, hein ? Elle est toujours pareille, avec son caractère pétard ?
— Elle a un peu vieilli, elle a pris du poids tout ça — comme nous-mêmes —, mais le caractère est pareil.
— Il me semble qu’elle n’était pas revenue depuis longtemps même. Comment elle trouve le pays ?
— Elle dit que tout est anba-lao. Surtout depuis l’histoire des derniers sacrements…
— On a fini de donner les derniers sacrements à X ?
— Oui. Sa sœur a dû faire un véritable parcours du combattant avant de lui faire avoir ces sacrements.
— Pour avoir les derniers sacrements ? Mais il suffit juste de prendre contact avec l’église de X, toi.
— C’est ce que sa sœur croyait. Elle a dit qu’elle allait s’en occuper et pensait que ce n’était qu’une formalité.
— Qu’est-ce qui a changé comme ça ?
— Quand X est tombée gravement malade, elle allée chez sa fille, puis elle a été admise à l’hôpital à Port-Louis.
— Il fallait contacter une église de Port-Louis.
— La sœur de X a téléphoné pour avoir des renseignements. D’abord, on lui a dit de contacter l’église où X va à la messe. Elle a répondu que X est à l’hôpital à Port-Louis. C’est là qu’il faut lui donner les sacrements. Pas dans son église !
— Qu’est-ce qui s’est passé alors ?
— Quand elle a dit tout ça, on lui a donné le numéro de la cure d’une église.
— Sans doute celle de l’église la plus proche de l’hôpital.
— C’est ce qu’on lui a dit au téléphone. Mais à la cure de cette église, une dame a répondu qu’il n’y avait pas de prêtre disponible pour donner les derniers sacrements. Elle a dit d’essayer ailleurs.
— Ailleurs ou ça ?
— Elle a donné le numéro d’une autre église à Port-Louis où il y a un prêtre qui fait ça.
— Tu vois, il fallait juste trouver la bonne église.
— Attends un coup, c’est pas fini.
— Qu’est-ce qui est arrivé encore ?
— La dame qui a répondu a dit que dans cette église, il y a bien un prêtre qui donne les derniers sacrements. Mais qu’il était en congé.
— Ah. C’était sûrement jeudi, le jour de congé des prêtres. Il paraît qu’ils ne sont pas disponibles ce jour-là.
— Non, c’était mercredi et le prêtre en question était en congé… à l’étranger.
— Hey toi là. Vraiment X n’a pas eu de chance. On dirait qu’il y avait un mauvais air sur elle. Qu’est-ce que sa sœur a fait alors ?
— La dame de l’église lui a donné le numéro d’une autre église un peu plus loin dans Port-Louis, en lui disant d’essayer là-bas.
— Laisse-moi deviner ce qui s’est passé. Ou bien personne n’a pris le téléphone, ou alors il n’y avait pas de prêtre pour donner les sacrements.
— Tu as tout faux. Il y a une dame qui a répondu au téléphone et il y avait un prêtre qui était là.
— Enfin, Seigneur ! Fin du calvaire !
— C’est pas fini. Ce prêtre a dit que son programme de travail était très chargé, mais qu’il allait quand même essayer de trouver un moment pour aller administrer les sacrements à X.
— Qu’est-ce que la sœur de X a fait alors ?
— Elle a demandé au prêtre de faire une effort pour sa sœur qui est très croyante. Ensuite, elle a essayé de parler à un responsable de l’église pour lui dire sa façon de penser.
— Qui elle a pu avoir au téléphone ?
— Personne, toi. Tous ceux qu’elle a cherchés ne pouvaient pas être dérangés, étaient occupés, pas à leur place ou absents ce jour-là.
— C’est ça même qu’on te dit quand tu essayes de parler à un responsable dans un bureau du service civil. Qu’est-ce que la soeur de X a fait alors ?
— Elle était tellement en colère qu’elle a commencé à écrire une lettre au chef de l’église de X…
— Qu’est-ce qu’elle a dit comme ça dans sa lettre ?
— Qu’elle comprend maintenant pourquoi il y a des catholiques qui quittent leur religion pour entrer dans d’autres églises.
— Elle n’a pas écrit ça quand même ?!
— Elle m’a même dit qu’elle avait ajouté que dans les autres religions, ce sont les prêtres et les pasteurs qui viennent vers les fidèles, surtout ceux qui sont malades. Alors que dans l’église de X, il faut aller chercher des prêtres avec enn la bougie rouge !
— Aryo toi, elle a écrit ça ?
— Quand son… tata monte dans sa tête, personne ne peut l’arrêter. Mais il faut dire que dans l’après-midi, le prêtre de la dernière église a téléphoné.
— Pour dire quoi ?
— Qu’il avait pu trouver le temps d’aller donner les derniers sacrements à X.
— Enfin ! La sœur de X a dû être soulagée.
— Oui, mais ça n’a pas calmé sa colère. Elle m’a dit qu’elle allait quand même poster sa lettre.
Derniers sacrements
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